Cap-Haïtien (Haïti): Le ministère de la Santé prend le relais dans la prise en charge du choléra
© Jean Paul Matsi / MSF
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Un an après le début de l’épidémie de choléra, des milliers de personnes continuent d’être contaminées chaque semaine en Haïti.
Alors que les services de santé et les mesures pour prévenir la propagation du choléra restent largement inadéquats à travers le pays, d’importantes améliorations ont été observées dans le Département du Nord au cours des derniers mois. La situation reste marquée par des épisodes de flambées successifs, avec en moyenne 200 à 500 cas enregistrés chaque semaine, mais la prise en charge du choléra est désormais gérée par le ministère de la Santé et Médecins Sans Frontières vient de se retirer de la zone.
L’organisation humanitaire a entamé il y a six mois la passation progressive de ses activités aux autorités haïtiennes et à ses partenaires œuvrant dans la prise en charge du choléra dans la région de Cap Haïtien, la deuxième ville du pays située au nord de l’île. Comparé à d’autres régions, le Département du Nord bénéficie maintenant d’une bonne couverture d’accès aux soins. Tous les principaux centres de santé, désormais gérés par le ministère de la Santé et ses partenaires, disposent d’une unité de traitement du choléra, de personnel formé et du soutien d’autres organisations, en particulier dans les zones identifiées par MSF comme prioritaires.
Retrait progressif : approvisionnement, conseil, suivi et formation
Depuis le début de l’épidémie l’an passé, MSF travaille avec les autorités sanitaires du nord pour les préparer à prendre la relève dans la gestion du choléra : « Cela fait trois mois que nous n’effectuons plus d’interventions directes dans les structures de santé, c’est la direction sanitaire du nord qui gère la situation avec notre appui, et ça tourne », indique Laurence Desvignes, coordinatrice de MSF à Cap Haïtien. Cet appui s’est fait sous forme de conseil, suivi et formation du personnel médical et paramédical haïtien pour une prise en charge médicale adéquate dans les centres de traitement, ainsi que par l’approvisionnement en équipement et matériel médical lors de ruptures de stock.
Le ministère de la Santé a également pris la relève de la campagne d’information sur le choléra, amorcée par MSF l’an dernier : plus de 800 ‘brigadiers’ ont été déployés à travers le département, chargés de sensibiliser les communautés sur les pratiques d’hygiène, la mise en place et le suivi de structures sanitaires dans les zones rurales, le traitement de l’eau et la désinfection des habitations. Au total, plus de 205 500 personnes, sur une population de plus de 823 000 habitants, ont été sensibilisées à travers des activités de porte-à-porte, dans les marchés, les écoles, les églises.
Au cours de la passation des activités, l’accent a été mis sur les zones reculées, où l’accès aux soins est le plus souvent problématique, avec donation de matériel pour la mise en place de points de réhydratation orale (PRO), de petites structures installées en milieu rural disposant de solutés de réhydratation orale pour les malades, et destinées à diminuer la distance à parcourir avant d’atteindre un centre de traitement. Près de 300 PRO, repartis sur tout le département, sont gérés par les brigadiers communautaires et, dans certaines zones particulièrement difficiles d’accès, par des volontaires formés par MSF.
Stigmatisation, mauvaises pratiques et croyances
Depuis début octobre, la saison des pluies a commencé et une flambée des cas a été observée dans la région de Cap Haïtien, comme dans d’autres zones du pays. Les problèmes d’assainissement et d’accès à l’eau traitée demeurent l’une des principales préoccupations de la population haïtienne pour lutter contre l’épidémie. Mais d’autres facteurs - notamment comportementaux - peuvent être à l’origine d’épisodes de recrudescence de la maladie.
Les croyances, comme le vaudou, sont fortement ancrées dans la culture haïtienne : « Tout comme d’autres maladies, le choléra est parfois perçu comme le résultat d’un mauvais sort et non de mauvaises pratiques hygiéniques. La stigmatisation des malades est aussi encore très forte, ce qui pousse certains malades à se faire soigner hors de leur zone d’habitation et retarde le traitement», explique Laurence Desvignes. « On a aussi constaté que les gens cessaient de suivre certaines règles d’hygiène basiques. Ils ont du mal à changer leurs habitudes sur le long terme ».
Selon la coordinatrice de MSF, la situation n’est pas parfaite, mais les autorités sanitaires ont la situation en main. « Au cours d’un récent épisode de flambée de choléra lié à de mauvaises pratiques hygiéniques dans un quartier de la ville, la direction sanitaire du nord est immédiatement intervenue pour désinfecter une source d’eau contaminée et sensibiliser les habitants sur la nécessité de préserver les cours d’eau et d’utiliser les latrines. Les autorités ont réagi rapidement et fait le nécessaire. C’est encourageant».
MSF compte poursuivre son soutien au ministère de la Santé à travers des visites régulières et un appui technique pour la construction prochaine d’un nouveau centre de traitement à Cap Haïtien. L’organisation humanitaire dispose également d’un stock d’urgence pour la prise en charge de 5000 personnes et, en cas de flambée dépassant la capacité actuelle des autorités sanitaires, maintient le matériel nécessaire sur place pour être rapidement opérationnel.
Il y a bientôt un an, le 5 novembre 2010, MSF déployait une équipe d’urgence pour répondre à l’épidémie de choléra qui se propageait à Cap Haïtien. Lorsque les premiers cas sont détectés, les autorités sanitaires ne disposent ni de la capacité d’intervention, ni du matériel adéquat pour répondre à une épidémie d’une telle ampleur. En quelques semaines, MSF ouvre 19 centres de traitement du choléra et 90 PRO dans les zones reculées pour permettre l’accès aux soins à des milliers de patients. De novembre 2010 à septembre 2011, MSF a traité plus de 31 750 personnes atteintes du choléra dans le Département du Nord.
© Jean Paul Matsi / MSF