« Ici ce sont des dizaines de mamans qui perdent leur enfant chaque année des suites de la malnutrition aigüe »
© Claire Lansard/MSF
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Face à la crise nutritionnelle dans la région de Hadjer Lamis à l’ouest du Tchad, Médecins Sans Frontières a mis en place de nombreuses interventions nutritionnelles d’urgence. L’une d’entre elles est située à Massakoury, à plus de deux heures de route de N’Djamena, l’une des villes principales du pays où MSF a mis en place un centre thérapeutique nutritionnel. Le Dr Benoit Kayembe, coordinateur médical de ce projet, nous en dit un peu plus sur le projet.
La situation nutritionnelle est alarmante à travers toute la bande sahélienne du Tchad allant de la région de Hadjer Lamis et le Kanem, en passant par Batha et le Guéra. Ceci est non seulement dû aux périodes de sécheresse pendant deux années consécutives mais également à l’invasion des champs par des criquets, le manque d’eau potable et le manque d’accès aux soins. Le système de soins de santé dans cette région est précaire voire inexistant dans certaines zones.
Peux-tu nous décrire la situation médicale ?
La meilleure façon de vous décrire l’ampleur de la situation nutritionnelle est de partager l’histoire de Radia, une maman d’une vingtaine d’année qui a amené son petit garçon Ousman âgé d‘un an et qui a été immédiatement admis dans notre programme parce qu’il souffrait de malnutrition aigüe sévère. Radia a déjà perdu trois enfants à cause de cette maladie qui peut pourtant être soignée. Ici ce sont des dizaines de mamans qui perdent leur enfant chaque année des suites de la malnutrition aigüe.
Depuis le début des activités, il y a de cela plus de trois semaines, nous avons admis dans nos programmes plus de 1000 enfants malnutris dont une centaine a dû être hospitalisée.
Comment se présente le programme ?
Actuellement, à Massakoury, nous avons un CNTH, un centre nutritionnel thérapeutique où sont hospitalisés les enfants malnutris qui présentent des complications médicales complémentaires comme les infections respiratoires, et 15 CNTA, des centres nutritionnels thérapeutiques où l’on soigne les enfants mais de manière ambulatoire dans les différentes zones périphériques de Massakoury. En effet, la plupart de nos bénéficiaires vit à cinq heures de route de N’Djamena. Il est donc impératif d’installer des structures ambulatoires afin que les patients aient un accès facilité. Les enfants malnutris sévères qui présentent des complications médicales sont alors référés par des équipes de MSF vers le CNTH de Massakoury pour un meilleur suivi.
Comment soigne-t-on ces enfants ?
Les enfants qui sont soignés en ambulatoire reçoivent chacun un traitement médical systématique et une ration hebdomadaire d’un aliment thérapeutique prêt à l’emploi à base de cacahuète et de lait riche en micronutriments et vitamines nécessaires pour soigner ces enfants.
Les enfants hospitalisés à Massakoury sont très faibles, incapables de boire ou d’avaler, voire même inconscients. Dans ce cas, ils reçoivent, en dehors des soins médicaux, du lait thérapeutique au début et un aliment thérapeutique prêt à l’emploi une fois que l’enfant commence à récupérer et dès que leur état le permet, sont suivis en ambulatoire par un CNTA.
MSF lance un appel pour que plus d’acteurs soient présents dans la région.
Il y a bien des acteurs présents dans certaines régions du Tchad mais ce n’est pas le cas dans toutes les zones affectées. Une présence plus importante est donc nécessaire pour répondre au près de deux millions de personnes qui sont estimées être dans le besoin d’une aide alimentaire dans les prochains mois au Tchad.
Si la communauté internationale ne répond pas rapidement, ce pays est au bord d’une catastrophe nutritionnelle grave.
MSF est présente actuellement dans les régions de Batha, Guéra, Hadjer Lamis, Salamat, Quaddai, ainsi que dans la capitale N’Djamena, et prévoit de faire une évaluation dans la zone de Massaguet où la situation semble être aussi grave qu’à Massakory.
Quelles sont les perceptions des autorités locales de la situation ?
Les autorités nationales, régionales et locales reconnaissent que la situation alimentaire est grave, en raison des mauvaises récoltes liées à la sécheresse et à l’invasion de criquets au cours des deux dernières années. Les champs n’ont rien produit et les récoltes sont de très mauvaise qualité. Les prix sur les marchés sont en augmentation et les éleveurs vendent leur bétail pour avoir de l’argent et acheter de la nourriture pour leur famille.
© Claire Lansard/MSF