Gaza : déplacées, enceintes et vivant sous des tentes
© Mariam Abu Dagga/MSF
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L’accès aux soins de santé maternelle a presque entièrement été rompu par la guerre à Gaza, marquée par un manque criant d’aide humanitaire et des attaques contre les structures de santé et exposant les mères et leurs enfants à des conséquences mortelles. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Unicef, 50 000 femmes seraient enceintes et 20 000 bébés seraient nés dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Dans la région de Rafah, la maternité de l’hôpital émirati, soutenue par les équipes de Médecins Sans Frontières, constitue le principal établissement encore opérationnel capable de leur fournir des soins.
Enceinte de six mois, Rana Abu Hameida, 33 ans, a été admise à la maternité de l'hôpital émirati en raison de complications liées à sa grossesse. Jusque-là, elle n’avait bénéficié d’aucun contrôle prénatal. « J’ai été obligée de fuir mon foyer, explique-t-elle. Ensuite, il m’était quasi impossible de trouver un moyen de transport et d’accéder à des soins de santé. » La jeune femme, qui habitait dans le nord de Gaza avant la guerre, était obligée de dormir dans une tente, comme de nombreuses personnes déplacées.
« Le système de santé est surchargé et les mères sont obligées de sortir quelques heures seulement après l’accouchement, déplore Rita Botelho da Costa, responsable des soins maternels pour MSF. Les premières 24 heures après l’accouchement présentent les plus grands risques de complications, et comme ces femmes vivent dans des conditions désastreuses, il est important de les garder à l'hôpital le plus longtemps possible. »
Les équipes MSF ont ainsi renforcé le service de soins post-partum de l’hôpital émirati, dans lequel elles travaillent, en ajoutant douze lits aux huit déjà disponibles. La première semaine suivant cet agrandissement de la maternité, elles ont reçu plus de 170 patientes.
D’autre part, face au nombre de patientes et au manque de moyens, les équipes de l’hôpital émirati ne peuvent prendre en charge que les situations les plus urgentes. Une situation jugée alarmante par les équipes MSF qui travaillent dans l’hôpital, directement causée par les bombardements continus, les restrictions sur l'aide humanitaire et les attaques contre les établissements de santé.
Maha (nom modifié) s'est rendue à l'hôpital alors que son travail venait de commencer, mais n’a pas été admise, car toutes les salles d'accouchement étaient pleines. Découragée, elle est retournée dans le camp de déplacé·e·s, où elle vit sous une tente. Malheureusement, elle n'a pas pu retourner à l'hôpital et elle a été obligée d’accoucher d’un enfant mort-né dans des toilettes publiques.
« L’hôpital émirati prend en charge trois fois plus d’accouchements qu’avant la guerre, explique Pascale Coissard, coordinatrice d'urgence pour MSF à Gaza. La situation à Rafah est devenue terrifiante. Tous les endroits sont surpeuplés, avec des gens vivant dans des tentes, des écoles et des hôpitaux. » La population de la ville est passée d'environ 300 000 habitant·e·s à un million et demi en l’espace de quelques mois.
Ces conditions de vie et l’absence d’accès aux soins de santé ont des conséquences dramatiques sur la santé des femmes enceintes. Plus d’un tiers des patientes sollicitant des soins prénatals à l’hôpital émirati présentaient une anémie, une affection souvent associée à une carence en fer, une préoccupation majeure pour les femmes enceintes. De plus, près de la moitié de ces femmes souffraient d’infections génito-urinaires.
Les équipes MSF offrent également des soins à la clinique Al-Shaboura, où les femmes enceintes peuvent recevoir des soins prénatals, un dépistage de la malnutrition et une alimentation thérapeutique. Au cours de la première semaine de janvier, les gynécologues et obstétriciens MSF ont reçu plus de 200 patientes. Cependant, sans une aide humanitaire adéquate et sans la mise en place d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, ces soins ne parviendront pas à répondre aux besoins des dizaines de milliers de femmes enceintes qui vivent actuellement dans la bande de Gaza.
© Mariam Abu Dagga/MSF