Gaza: la population en état de siège
© Chris Huby
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Depuis le début de l'opération «Protective Edge», l'intensité des bombardements rend extrêmement périlleux tout déplacement pour la population, comme pour les équipes de MSF présentes sur place.
Si les hôpitaux de Gaza ont jusqu'ici réussi à faire face aux afflux de blessés, cette nouvelle crise vient aggraver l'état d'un système de santé déjà lourdement affecté par les pénuries chroniques et les dysfonctionnements structurels.
En deux jours, il a été comptabilisé autant de frappes que pendant les huit jours de l'opération «Pilier de défense» en 2012. Avec une moyenne de 10 bombardements par heure, il est quasi-impossible pour MSF non seulement d'assurer ses activités médicales régulières mais aussi de se déplacer pour évaluer les besoins urgents.
«Les roquettes tirées depuis Gaza mettent la population israélienne sous tension, elle est désormais réellement menacée par un armement plus performant et capable d'atteindre Tel Aviv, Jerusalem et Haifa», déplore Tommaso Fabbri, chef de mission pour MSF dans les Territoires Palestiniens occupés. Toutefois, aucun mort n'a encore été à déplorer du côté israélien.
A Gaza, plus de 80 morts, dont une trentaine de femmes et d'enfants, et plus de 600 blessés ont été rapportés par les autorités sanitaires de Gaza. Dans la nuit de jeudi à vendredi, une maison a été bombardée faisant huit morts dont cinq enfants. «Dans les premiers jours, les habitants des bâtiments visés étaient prévenus par SMS de l'attaque imminente, aujourd'hui, ces précautions ne semblent plus systématiques» s'inquiète Nicolas Palarus, coordinateur du projet MSF à Gaza.
Jeudi, 12 patients habitant à proximité de la clinique MSF ont pu s'y rendre et recevoir leurs soins. Mais la majorité des patients suivis sont dans le sud de la bande de Gaza, et les équipes de MSF n'ont pas pu jusqu'ici les atteindre.
Seules 50% des ambulances peuvent circuler
Plusieurs structures de santé, dont l'hôpital européen, ont été endommagées par des frappes tombées à proximité. Les rues de Gaza sont complètement vides, les gens ne circulent qu'en cas d'extrême nécessité. Pour Nicolas Palarus, «avec seulement cinq à huit heures d'électricité par jour, des coupures d'eau et la difficulté de s'approvisionner en denrées de base, le quotidien ressemble à un état de siège». Jeudi, le conduit alimentant «Shati camp» en eau a été touché par une frappe à proximité. Plus de 150 maisons ont été détruites. Les 900 personnes ainsi dépossédés de tous leurs biens seraient pour le moment hébergées par leurs proches ou leurs voisins.
A cause de la pénurie de fuel, seulement 50% des ambulances peuvent circuler. MSF est en contact quotidien avec les autorités sanitaires de Gaza, et a pu se rendre dans deux hôpitaux, celui d'Al-Shifa à Gaza ville, et de Nasser à Khan Younis dans le sud de la Bande de Gaza. «Les hôpitaux font déjà face en temps normal à des pénuries chroniques de médicaments et de matériel médical. Cette crise aggrave donc une situation déjà précaire» avertit Nicolas Palarus. Néanmoins, à Shifa, malgré des ruptures de certains médicaments et le manque d'autres, la situation restait ce vendredi encore gérable, selon les responsables rencontrés sur place. Par contre, l'hôpital Nasser est confronté à plus de difficultés et MSF a obtenu l'autorisation de lui faire la donation d'un stock d'urgence (antibiotiques, gants, anti-douleurs, perfusions, etc.).
Le nombre de cas sévères augmente
La majorité des cas d'hospitalisation sont légers à modérés, mais les bombardements devenant de moins en moins précis, le nombre de cas sévères augmente. Les besoins les plus urgents sont dans les salles d'urgences, et s'accroissent dans les unités de soins intensifs et les blocs opératoires.
Le point de passage de Rafah n'ouvre que très ponctuellement et pour des raisons très spécifiques. Ainsi, jeudi seulement 11 patients ont pu être transférés vers l'Egypte, et quatre autres aujourd'hui samedi. Il semble que seules les personnes ayant un passeport international soient autorisées à traverser vers l'Egypte. Une équipe médicale en provenance de différents pays Arabes est en attente de pouvoir entrer à Gaza, sans succès jusqu'ici. «Il est indispensable que les blessés et les malades qui en ont besoin puissent être évacués par Rafah comme par Erez, et que les équipes médicales et les convois humanitaires soient autorisés à entrer. C'est une obligation légale pour l'Egypte et Israël, et c'est vital pour Gaza» affirme Tommaso Fabbri.
MSF est présente à Gaza depuis plus de dix ans. La clinique MSF de Gaza ville est spécialisée en soins post-opératoires (pansements et kinésithérapie), en particulier pour les grands brûlés. A l'hôpital Nasser de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, MSF organise des formations continues pour les équipes médicales et paramédicales de l'unité de soins intensifs, et y effectue également des cycles de chirurgie spécialisée de la main. MSF a prépositionné deux équipes chirurgicales prêtes à entrer dans Gaza pour prêter main forte aux équipes hospitalières palestiniennes.
© Chris Huby