Histoires de migrants: «Partir dans l’espoir de vivre comme un homme»
© Alessandro Penso
2 min
Mohammed fait partie des 14 000 réfugiés qui, depuis le début de l’année, sont arrivés dans les îles du Dodécanèse en bateau depuis la Turquie.
Plus de 90% viennent de pays en situation de guerre ou de conflit, principalement la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak et la Somalie.
Sur le toit de l’hôtel “Captain Elias”, Muhammed, 26 ans, qui a quitté l’Afghanistan il y a un peu plus d’un mois, se remémore son expérience de réfugié et son voyage jusqu’à Kos à travers l’Iran et la Turquie.
«En Afghanistan, je gérais une pharmacie et donnais quelques cours à l’école locale. Je voulais aussi apprendre aux femmes du village comment être en bonne santé et prendre soin de leurs enfants. Un jour, des hommes sont venus vers moi, m’accusant d’enseigner aux enfants des idées chrétiennes. Ils m’ont dit que je n’étais pas un vrai musulman et que je serais bientôt décapité. Je n’ai pas compris. Ce jour-là, j’ai aussi découvert que l’intérieur de ma pharmacie avait été réduite en morceaux et que mon père avait disparu sans explications. Ca fait maintenant trois mois que je n’ai plus de nouvelles, je ne sais pas s’il est vivant ou mort. J’ai alors décidé de fuir l’Afghanistan et j’ai caché ma famille dans une autre région du pays. Je suis venu ici dans l’espoir que les gouvernements en Europe nous laissent vivre comme des humains et non comme des animaux.
«Quand je suis monté, c’est à ma famille que j’ai pensé, pas à moi»
J’ai voyagé à pied, en bus et en bateau. Le trajet en bateau depuis la Turquie était très dangereux. Il faut payer un passeur pour monter à bord de l’embarcation. Quand tu le payes, il prétend que seulement 25 personnes seront à bord. Au moment d’embarquer, tu réalises qu’il y a déjà 50 personnes assises dans le bateau et que tu ne peux plus dire non. C’est la nuit, ils ont des armes et ils disent qu’ils vont nous tuer si on ne monte pas à bord. Quand je suis monté, c’est à ma famille que j’ai pensé, pas à moi. Dans cette situation, tu dois juste être courageux. Certaines personnes pleuraient. Le bateau faisait seulement huit mètres de long… c’était trop petit pour nous tous. J’ai eu de la chance d’arriver jusqu’ici.
Les passeurs m’ont fait payer 4 000 dollars. C’était de l’argent que j’avais économisé pendant six ans avec la pharmacie, mais aussi que j’ai dû emprunter. J’ai donné environ 1000 dollars à ma famille pour qu’elle puisse survivre en Afghanistan. Après Kos, j’irai à Athènes et Dieu décidera où j’irai ensuite. Je veux quitter la Grèce, parce que c’est le pays le plus pauvre d’Europe. Mais partir d’ici coûte beaucoup d’argent et je n’en ai plus, donc je vais devoir essayer par moi-même».
© Alessandro Penso