L’aide aux déplacés reste insuffisante à Mogadiscio
© Martina Bacigalupo / Agence VU
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La capitale somalienne, ravagée par 20 ans de guerre civile, fait face depuis trois mois à un nouvel afflux de populations déplacées. Dans le chaos urbain, porter secours à ceux qui ont fui la faim et les combats est un défi permanent.
Depuis juillet, plus de 150 000 Somaliens ont quitté les provinces du centre (Bay, Bakool, Hiran, Bas et Moyen Shabelle) pour se réfugier à Mogadiscio. Production agricole insuffisante, bétail décimé par la sécheresse, flambée des prix, insécurité… Tout cela explique ces grands déplacements de populations. Deka, une femme de 26 ans, a quitté le district de Kuntawarey dans le Bas Shabelle après la mort de ses vaches. «J’ai voyagé avec mon fils sur un camion pendant deux jours jusqu’à Mogadiscio pour retrouver des cousins dans le camp de Barwako, dit-elle. Des gens de MSF m’ont expliqué que mon enfant souffrait de malnutrition alors je les ai suivis à leur hôpital. Mon fils commence à aller mieux et moi aussi parce que je suis nourrie ici.»
Un tel exode pose de multiples problématiques sanitaires. Mais actuellement, c’est la rougeole qui fait des ravages et les équipes de MSF sont mobilisées pour enrayer cette maladie mortelle chez les enfants. En deux mois, elles ont vacciné plus de 40 000 enfants de moins de 15 ans. «Cela paraît considérable mais pour espérer stopper l’épidémie, il faudrait en vacciner au moins 10 fois plus, explique le Dr Andrias Karel Keiluhu, responsable médical MSF. Les contraintes logistiques et sécuritaires limitent nos ambitions.»
Les acteurs humanitaires peinent à accéder aux zones les plus touchées en raison du conflit entre les forces du gouvernement fédéral de transition (TFG), appuyées par les troupes de la Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM), et le groupe armé des Shebab. C’est pourquoi les populations migrent dans l’espoir de trouver de l’aide au Kenya, en Ethiopie et dans la capitale somalienne.
Mosaïque de bidonvilles
Comme Deka, la majorité des nouveaux arrivants est venue grossir des camps déjà existants, les autres se sont installés sur les rares endroits libres. Leurs abris de fortune faits d’un assemblage de bois et de morceaux de plastique s’éparpillent entre les ruines de la capitale somalienne. Plus de 200 sites de taille variable sont dénombrés. Dans une telle mosaïque de bidonvilles, déployer de l’aide devient particulièrement compliqué.
Pendant la journée, les camps de déplacés se vident, chacun part en quête de nourriture. «Les distributions alimentaires restent irrégulières et insuffisantes. Certains déplacés n’ont rien reçu depuis leur arrivée et s’appuient sur la solidarité locale pour manger. Quelques ONG mettent en place des cantines en s’approvisionnant sur le marché local, mais cela provoque une forte inflation. Si les prix continuent d’augmenter, c’est bientôt toute la population de la ville qui sera incapable de s’alimenter sans assistance extérieure», s’alarme Eymeric Laurent-Gascon, coordinateur des programmes MSF.
D’un camp de déplacés à l’autre, la proportion d’enfants atteints de malnutrition peut varier de 5 à 50% en fonction de leur date d’installation, de l’accès aux distributions de nourriture et à l’eau. Ceux qui viennent d’arriver sont en général les plus mal en point. MSF gère à Mogadiscio quatre centres de nutrition thérapeutique où sont hospitalisés les cas les plus sévères. Au cours du mois de septembre, près de 500 enfants y ont été soignés. De plus, dans une douzaine de centres de traitement ambulatoire, les mères reçoivent chaque semaine pour leurs enfants en bas âge des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi composés de pâte d’arachide enrichie en nutriments essentiels. Ils sont aujourd’hui presque 5000 enfants à en bénéficier.
Une ville de déplacés
La population de Mogadiscio est estimée à plus d’un million d’habitants, dont environ une moitié de personnes déplacées. Les besoins médicaux y sont bien supérieurs à l’offre sanitaire actuelle. Et le flux des arrivées ne se tarit pas. Les gens vivent dans des conditions d’hygiène précaire, leur système immunitaire est affaibli par la dénutrition et beaucoup n’ont jamais été vaccinés. Choléra, pneumonie, dengue, paludisme… les maladies infectieuses rodent en ville et la saison des pluies annoncée pour octobre risque d’accélérer leur dissémination.
En dépit de l’explosion d’un camion piégé qui a tué des dizaines de personnes le 3 octobre, la situation sécuritaire est devenue plus stable dans la capitale depuis le retrait des combattants Shebab début août. Pour le chef de mission MSF Thierry Goffeau, «Cette fenêtre de calme relatif doit permettre d’augmenter l’assistance aux déplacés. De nouveaux acteurs humanitaires sont arrivés. Il est maintenant essentiel que tout le monde se coordonne afin d’identifier et couvrir les besoins de la population, tout en restant très vigilants. L’attaque a rappelé que les accalmies sont souvent temporaires à Mogadiscio.»
© Martina Bacigalupo / Agence VU