L’autre effet papillon: MSF soigne les blessures de l’accouchement
© Emma Amadò/MSF
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Le 8 et 9 mars prochain, MSF organise un atelier pour améliorer la prise en charge des fistules obstétricales. Cet handicap touche 2 millions de femmes dans le monde, principalement en Afrique. Il est vécu comme honteux car il entraîne l’incontinence.
«Le soleil ne doit pas se lever deux fois ou se coucher deux fois sur une femme en train d’accoucher». Malgré ce proverbe, le travail (période précédant l’accouchement) est bien souvent trop long sur le continent africain, où une majorité de femmes donnent naissance à la maison. Lorsqu’elles arrivent enfin à l’hôpital, il est souvent trop tard, pour le nouveau né mais parfois aussi pour la mère.
Parmi les femmes qui survivent à cette épreuve, beaucoup en ressortent infirmes. La fistule obstétricale est une des conséquences les plus graves d’un accouchement compliqué. Cette lésion est causée par la compression prolongée des tissus du bassin pelvien par la tête du fœtus. Le manque d’irrigation sanguine provoque la nécrose de ces tissus, ce qui créé un orifice entre le vagin et la vessie, entre le vagin et le rectum ou les deux à la fois. Incapables de retenir leur urine et/ou leurs excréments, les femmes affectées vivent dans la honte et sont souvent rejetées par leur propre famille et leur communauté.
On estime que deux millions de femmes vivent avec une fistule dans le monde, principalement en Afrique. Ce problème est largement occulté, car il touche en majorité des jeunes femmes qui vivent dans des régions pauvres et reculées sans accès aux soins de santé maternelle.
Les femmes touchées sont à l’image de Zanaba. Cette adolescente de 16 ans a été soignée par MSF l’an dernier en République centrafricaine. Au terme de sa grossesse et après trois jours de contractions, sa mère avait sollicité l’assistance d’une accoucheuse traditionnelle. Ce n’est qu’au septième jour que Zanaba est transportée à l’hôpital le plus proche. Elle y parvient après un jour de voyage à moto. Lorsqu’elle est prise en charge, le bébé est déjà décédé. La jeune mère est sauve mais la longue période de travail précédant l’accouchement a entraîné une fistule obstétricale qui nécessitera une seconde intervention chirurgicale. «Je ne savais pas ce qu’était une fistule et comment elle apparaissait, mais maintenant, je suis heureuse d’avoir été opérée», dit-elle.
Améliorer l’accès aux soins obstétriques
Le 8 et le 9 mars prochain, MSF organise à Genève un atelier pour améliorer la prise en charge des fistules. Cette rencontre, organisée à l’occasion de la journée mondiale des femmes, réunira différents acteurs impliqués dans la prise en charge des fistules obstétricales: chirurgiens, experts travaillant pour MSF et pour d’autres organisations.
Les fistules sont évitables, à condition de généraliser l’accès aux soins obstétriques. Dans les pays développés, cette affection a complètement disparu.
Pour réparer une fistule, l’opération est délicate et nécessite des compétences très particulières. Selon la gravité des cas, elle peut durer plusieurs heures. L’expertise chirurgicale en matière de fistules nécessite une formation longue et spécifique et il n’existe que quelques centres spécialisés en Afrique.
Par ailleurs, la prise en charge des fistules va au delà l’aspect chirurgical. Après l’opération, en cas d’incontinence résiduelle, les patientes ont souvent besoin d’une rééducation kinésithérapeutique et un suivi psychosocial est souvent nécessaire pour les réinsérer dans leur communauté.
Des camps pour soigner les fistules
Dans leurs activités à travers le monde, les médecins de MSF ont toujours été confrontés à des femmes atteintes de fistules. C’est à partir de 2003 que MSF a organisé ses premiers «camps fistules» en Côte d’Ivoire et au Tchad, puis dans les années suivantes en Sierra Leone, en Somalie, en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine et au Mali. Ces interventions ponctuelles pour opérer des femmes atteintes de fistules se poursuivent aujourd’hui en RDC et en Centrafrique.
«MSF travaille souvent dans des pays en conflit ou instables. C’est pourquoi nous avons opté pour des projets courts», justifie le Dr Michiel Lekkerkerker, référent médical pour MSF à Amsterdam. «Les camps fistules, comme on les appelle, sont installés pendant deux mois en annexe d’un hôpital existant. Avant notre arrivée, la population est informée afin que les femmes atteintes de fistule viennent consulter le moment venu. Ensuite, on engage du personnel supplémentaire et on prépare entre 40 et 80 lits, généralement sous tentes. Le chirurgien reste environ un mois sur place et opère plusieurs femmes par jour. Ce dispositif a l’avantage de la flexibilité et il est plus facile de trouver un chirurgien aussi spécialisé pour une courte période.»
Trois centres permanents au Burundi, au Tchad et au Nigéria
Aujourd’hui, MSF gère aussi trois centres permanents pour traiter les fistules obstétriques au Burundi, au Tchad et au Nigéria.
Le centre Urumuri, adossé à l’hôpital régional de Gitega au cœur du Burundi, est le dernier à avoir ouvert ses portes en juillet 2010. Premier établissement du genre dans le pays, le centre est en mesure d’accueillir des femmes sept jours sur sept. MSF a construit quatre pavillons pour loger les patientes avant l’opération et pendant le temps nécessaire à leur rééducation.
«Ce type de projet permet d’assurer un meilleur suivi des patientes et de faire de la recherche pour améliorer le traitement», explique le Dr Geert Morren, référent fistule pour MSF à Bruxelles et qui a opéré de nombreuses femmes à Gitega. «Notre ambition est d’opérer 350 femmes par année, sur une période de trois ans. Le temps de former trois chirurgiens burundais et de transmettre le projet au ministère de la Santé.»
Au Burundi, en plus du centre spécialisé de Gitega, l’organisation médicale a construit une maternité dans les environs de la capitale Bujumbura. Ainsi, MSF contribue à l’amélioration des soins obstétriques dans le pays pour prévenir l’apparition de nouvelles fistules.
A Abéché, dans l’est du Tchad, le projet «papillon» a démarré ses activités en 2008. Le papillon symbolise la métamorphose de femmes qui vivaient recluses et qui entament un nouveau départ après leur opération. En 2009, MSF a construit un «village de femmes» afin d’accueillir les patientes atteintes de fistules pour des séjours de plusieurs semaines. Lors des premières consultations, un bilan préopératoire est effectué pour dépister notamment les cas de malnutrition qui seront pris en charge avant l’intervention chirurgicale. Mises au ban de la société, les femmes avec des fistules n’ont souvent même plus les moyens de se nourrir correctement. Après leur opération, elles bénéficient de séance de rééducation. Un soutien psychologique leur permet de retrouver une place dans leur communauté.
MSF travaille avec un chirurgien tchadien. Le Dr Valentin Valandi a fait ses études à Dakar et se spécialise sur la problématique des fistules grâce à la visite d’experts internationaux. «Chaque cas est différent, j’apprends tous les jours. Au Tchad, trop de femmes ont déjà été opérées de façon inappropriée ce qui complique encore l’intervention», continue-t-il.
A Abéché, MSF soutient également la maternité de l’hôpital régional, situé à deux pas du centre papillon. Il s’agit d’améliorer les conditions d’accouchement et d’éviter ainsi que de nouveaux cas de fistule apparaissent suite à une mauvaise prise en charge.
Au Nigéria, enfin, MSF travaille avec le personnel du ministère de la Santé dans un hôpital à Jahun, dans le nord du pays. Les équipes fournissent des soins obstétriques et néonataux à la population locale. Le but est de réduire la mortalité maternelle et infantile mais aussi de prévenir et de traiter les fistules. En 2010, l’équipe de MSF a procédé à 400 opérations pour réparer des fistules. Après l’intervention, les femmes bénéficient d’un suivi médical pendant six mois afin de s’assurer que leur fistule a été bien guérie et qu’elles ne sont plus incontinentes.
En 2010, les équipes de MSF ont opéré et soigné environ 1000 femmes atteintes de fistules obstétriques.
© Emma Amadò/MSF