Niger: Vacciner contre la méningite en pays Touareg
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Au Niger, MSF a entrepris, en étroite collaboration avec les services de santé de trois régions, Zinder, Maradi et Dosso, une campagne de vaccination de masse contre la méningite. Le défi logistique et médical est à la mesure du nombre de personnes à vacciner, de 3 à 4 millions. Il est aussi à la mesure du nombre de personnes à prendre en charge médicalement dans les centres de santé intégrés où elles se rendent lorsqu’elles sont atteintes par la maladie. Cette année, ce sont des millions de personnes qui ont été menacées par la méningite au Niger et au Nigeria où de telles campagnes sont indispensables.
Tanout – lundi 6 avril 09
Mohamed, le chauffeur de MSF originaire de Tanout décharge ses deux glacières remplies de vaccins tout près de la grande mosquée. Il n’en revient pas. « L’équipe n’est arrivée ici qu’hier et en une journée seulement tout est prêt pour que les gens puissent se faire vacciner ! »
Le jeune chauffeur touareg ne croit pas si bien dire. La vaccination de ce district, le cinquième de la région de Zinder où MSF intervient, vient à peine d’être décidée. C’est l’augmentation brusque du nombre de cas de méningite recensés qui justifie cette décision de vacciner là, en urgence, plusieurs aires de santé. Olivier Antonin, le responsable MSF de l’intervention à Zinder, n’a lui-même reçu que deux jours plus tôt la demande de soutien de la direction régionale de la santé pour cette vaccination. « Il faut décider vite dans ces cas là », explique Olivier. Il n’ignore pas que cette région, à la porte du désert, a connu récemment une certaine insécurité et qu’il va donc falloir en tenir compte pour l’intervention. La toute première chose faite a été de réunir le personnel de santé et de former les équipes de vaccination.
« Nous mettons en place environ quinze équipes de vaccination qui vont se répartir sur les deux villes principales, Tanout et Bakin Birji. On est rodé maintenant ! » affirme Olivier en rappelant que, dans la région de Zinder, la vaccination a commencé pour MSF le 15 mars à Matamey, avec là aussi quinze équipes. « Le nombre d’équipes donne l’échelle de la vaccination » poursuit Olivier. Elles étaient trente cinq lorsque la vaccination a commencé dans la ville de Zinder. Vingt de plus lorsque la vaccination a commencé à Magaria. « Lorsque j’ai annoncé au siège à Genève qu’on allait avoir soixante équipes, ils m’ont dit que cela serait ingérable... mais on y arrive sans anicroche. Le secret de la réussite, c’est la très bonne collaboration avec les collègues du service de santé local. Sans cela, ce ne serait pas possible ! C’est aussi grâce à une équipe locale et expatriée très motivée.»
Tout le monde veut être vacciné
Les sept équipes à pied d’œuvre dès ce lundi matin à Tanout sont entièrement composées de personnel local : chaque équipe compte un vaccinateur, deux préparateurs et l’indispensable pointeur qui doit compter le nombre de personnes vaccinées par site. S’ajoutent sur chacun des sites les gardiens et le superviseur qui veille au bon déroulement de la vaccination.
Une femme déjà âgée est en grande discussion avec la personne responsable de l’accueil. Même si elle a grandement dépassé l’âge limite pour la vaccination elle insiste pour recevoir le précieux vaccin. Comme elle est au bord des larmes, on lui laisse finalement prendre la file avec les autres. « Tout le monde veut être vacciné. Parfois il faut savoir faire des exceptions, mais c’est rare. Les gens ont peur à tout âge de la méningite ! », commente le superviseur. Ce ne sont pourtant normalement que les gens de 2 à 30 ans qui sont concernés par cette vaccination de masse. A Tanout, ils devraient être 150’000 à recevoir cette immunisation qui les protégera pendant environ trois années.
Pendant que les équipes vaccinent, les trois volontaires expatriés de MSF présents à Tanout sont très sollicités. Ludovic, le logisticien administrateur, supervise le bon approvisionnement des sites, en particulier en accumulateurs de froid. « C’est le gros souci ici car la température dépasse les 42°C en milieu de journée », explique t-il. « Ici, la chaîne de froid du district n’est pas prévue pour faire face à une campagne de vaccination d’une telle envergure. Elle n’aurait d’ailleurs pas la capacité d’accueillir, en une seule fois, tous les vaccins nécessaires. Nous devons les apporter au fur et à mesure de Zinder où ils sont stockés dans la chambre froide... des abattoirs. »
« Il est clair que l’échelle et la soudaineté d’une telle intervention dépasse les capacités locales. La logistique, c’est la première valeur ajoutée de MSF dans de telles interventions. Il faut assurer la disponibilité de tous les véhicules pour la vaccination, la sensibilisation, l’installation des sites et enfin pour nos équipes de prise en charge médicale. Cela nécessite une grosse organisation tant pour maintenir la chaîne de froid que pour tout faire tourner d’une manière optimum. Il faut réaliser qu’aujourd’hui nous en sommes à plus de cent véhicules loués pour l’ensemble de la campagne. » - Natalia Pereira, responsable logistique à Magaria
Les sensibilisateurs touaregs informent de campements en campements
La logistique MSF a dû équiper en urgence d’un énorme générateur cette unique chambre froide de la capitale régionale pour qu’elle puisse accueillir les 760’000 vaccins commandés par MSF. Alors que Ludovic organise le ballet de ses vingt-cinq véhicules 4x4 de location, Anja, la responsable médicale de l’urgence discute avec l’infirmière qui va poursuivre la vaccination ici alors qu’elle-même se rendra à Bakin Birji dès le mercredi pour être prête pour le grand marché. « Nos sensibilisateurs touaregs sont partis au nord de la ville. Ils vont de campements en campements informer les populations nomades de la campagne de vaccination. Actuellement les nomades doivent préparer leurs chameaux pour se mettre en route. Nous allons donc installer des sites de vaccination en périphérie de ces deux villes pour les recevoir», précise Anja. « Notre manière de travailler ici est bien différente de celle que nous avons dans les autres districts. Ici, pas question de sillonner les pistes en brousse car on peut y faire des mauvaises rencontres. Il faut savoir s’adapter en gardant le même objectif : stopper cette épidémie. » Dans ce district, l’intervention ne devrait pas prendre plus de deux semaines.
C’est la fin de matinée. Les enfants des écoles commencent à arriver bruyamment sur les sites de vaccination. A Tanout, comme partout, les filles sont plus courageuses que les garçons...
Dans la région de Zinder, ce sont 36 volontaires expatriés MSF, médecins, paramédicaux, logisticiens et administrateurs encadrant une équipe médicale et logistique nationale de plus de 240 personnes qui sont mobilisés pour soigner et vacciner contre la méningite plus d’un million de Nigériens. D’autres équipes MSF sont aussi au travail dans les régions nigériennes de Maradi et Dosso et de l’autre coté de la frontière, au Nigeria.