Nord de l’Irak - un an après avoir fui les violences: l’incertitude

Farhan Khala vit dans des conditions précaires dans l’un des appartements de ces immenses squelettes de béton près de Zakho.

4 min

Il y a un an, Hadji Charmeed et sa famille prenaient la décision la plus difficile de leur vie. «Je suis incapable de marcher à cause d’une blessure subie durant la guerre», explique Hadji en montrant son pied partiellement amputé.

«Ma famille ne voulait pas partir sans moi, alors nous avons décidé de rester tous ensemble.» Ce jour-là, des groupes armés avaient pris d’assaut la ville de Sinjar, dans la province de Ninewa, massacrant et déplaçant des milliers de personnes. Certains avaient réussi à fuir et s’étaient réfugiés dans les montagnes avoisinantes. D’autres, comme Hadji, avaient été capturés.
Après plusieurs mois de captivité, Hadji et une partie de sa famille se sont mis en quête d’un lieu sûr. Ils se sont dirigés vers le nord du Kurdistan irakien et se sont finalement installés non loin de la ville de Zakho. Arrivée les mains vides après avoir dû abandonner tout ce qu’elle possédait, la famille occupe désormais l’une des nombreuses maisons en construction de la région.

Des squelettes d’immeubles inachevés

Ces maisons en travaux et des squelettes d’immeubles inachevés abritent aujourd’hui quelque 700 familles – et chaque famille compte au moins six personnes.
Les conditions de vie y sont épouvantables. La plupart de ces blocs de béton ne possèdent ni fenêtres, ni portes. Ils n’offrent aucune protection contre le froid et l’humidité en hiver, pas plus qu’ils ne protègent de la chaleur en été, période durant laquelle les températures peuvent dépasser les 50°C. Sans électricité et avec un accès difficile à l’eau, la vie et la santé des habitants de ces lotissements sont continuellement menacées.
Médecins Sans Frontières (MSF) a installé des cliniques mobiles dans les environs de Zakho depuis août 2014. Entre janvier et juin 2015, les équipes médicales de l’organisation ont assuré un total de 15 788 consultations auprès des populations réfugiées dans cette zone. «Sur les personnes que nous avons examinées, une sur dix présente des troubles psychosomatiques, c’est beaucoup», explique Jalal Alyas, l’un des infirmiers MSF. «40% de nos patients sont atteints de maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension. Les autres souffrent d’infections virales et respiratoires, de diarrhée ou de maladies de la peau comme la gale.» Ces dernières pathologies sont directement liées aux mauvaises conditions de vie. De nombreuses personnes souffrent également d’abcès et de plaies infectées causées par un manque d’hygiène.

Une vie empreinte d’incertitude

Un an après avoir fui les violences, les familles déplacées se trouvent toujours dans la même situation qu’à leur arrivée: leur vie ne s’est pas améliorée et reste empreinte d’incertitude. Elles ne peuvent pas rentrer chez elles et certaines sont menacées par les propriétaires qui veulent reprendre possession de leurs biens. Les camps pour personnes déplacées sont surpeuplés et les aides se font de plus en plus rares. «De nombreuses familles vivent dans des conditions déplorables au milieu de bâtiments inachevés. Elles ont désespérément besoin d’une aide humanitaire. Malheureusement, les donateurs commencent à se désintéresser de la région et les populations vivant en dehors des camps continuent d’être négligées», déplore Caroline Voûte, responsable terrain pour MSF.
Farhan Khala vit dans des conditions précaires dans l’un des appartements de ces immenses squelettes de béton près de Zakho. Comme de nombreux déplacés, il n’a qu’une seule idée en tête: «Je veux que ma famille puisse vivre en sécurité. Nous serions prêts à donner le peu qu’il nous reste pour être réunis à nouveau et vivre comme une vraie famille», avoue-t-il.

Plus de 3 million de personnes déplacées

L’intensification des combats au cours des deux dernières années a entraîné le déplacement de plus de trois millions de personnes depuis janvier 2014, selon les chiffres officiels.
MSF a répondu aux besoins humanitaires des populations déplacées fuyant les violences dans les gouvernorats d’Anbar, de Salah-ad-Din et de Ninawa. En plus de fournir des soins médicaux dans différentes zones du pays, les équipes MSF s’efforcent d’offrir un approvisionnement en eau et des services d’assainissement ainsi que de distribuer des couvertures et des produits non alimentaires. Depuis janvier 2015, les équipes médicales ont fourni un total de 55 598 consultations aux populations déplacées en Irak.
MSF travaille de manière continue dans plusieurs localités au nord et au sud du pays depuis 2006 et emploie actuellement plus de 300 personnes en Irak. Afin de garantir son indépendance dans le pays, l’organisation n’accepte aucun financement provenant d’un quelconque gouvernement, comité religieux ou agence internationale pour ses programmes en Irak et compte uniquement sur les dons privés collectés à travers le monde pour poursuivre son action.