En République Démocratique du Congo, la rougeole continue ses ravages
© Tristan Pfund/MSF
5 min
Des dizaines de milliers d'enfants sont concernés dans le nord du pays. Extrêmement contagieuse, la rougeole peut être mortelle en cas de complications médicales.
En décembre déjà, MSF avait lancé une alerte sur la situation et le manque de moyens mis à la disposition du personnel de santé national pour faire face à l’urgence. Deux mois plus tard, l’épidémie de rougeole continue d’affecter des dizaines de milliers d’enfants en Province Orientale et en Equateur, au nord du pays. Extrêmement contagieuse, la rougeole peut engendrer des complications médicales graves et la mortalité peut atteindre jusqu’à 25% des cas. Face aux carences du système de santé, Médecins Sans Frontières (MSF) tente de faire face à cette épidémie. Depuis mars 2012, l’organisation a déjà pris en charge plus de 18 500 malades et vacciné plus de 440 000 enfants.
« On voit de nombreuses petites tombes récentes le long des routes », témoigne Nathalie Gielen, responsable d’une équipe de MSF, de retour de la zone de santé de Djolu dans la province de l’Equateur. « Dans un village, nous avons compté 35 décès. Un père nous a expliqué qu’il avait perdu sept enfants en trois semaines. De village en village, on n’entend qu’un seul mot : rougeole. Les gens sont effrayés et désespérés. Ils demandent de l’aide. »
Une crise continue depuis 2010
« Cette situation est le dernier développement d’une épidémie continue qui touche l’ensemble du pays depuis 2010 et qui est particulièrement meurtrière chez les enfants de moins de cinq ans», déplore Amaury Grégoire, chef de mission adjoint de MSF. « Il est inacceptable que l’on puisse encore mourir de la rougeole au 21ème siècle. Il existe un vaccin très efficace et bon marché, qui protège de la rougeole après une dose unique. Pourtant, dans des pays comme la RDC, des centaines de milliers d’enfants n’ont jamais été vaccinés et continuent de mourir d’une maladie dont il est si facile de se prémunir.»
Le système sanitaire est dépassé par l’ampleur des besoins. Lorsqu’elles fonctionnent, les structures de santé font régulièrement face à des ruptures de stocks de médicaments. Elles sont aussi confrontées à d’importants déficits en ressources humaines qualifiées. Leur accès et leur approvisionnement sont rendus extrêmement difficiles par l’absence de routes praticables. Dans les zones les plus éloignées, la chaîne de froid, essentielle pour garantir l’efficacité de vaccins, est souvent rompue à cause du manque de matériel ou d’électricité. Dans la zone de santé de Yahuma en province Orientale, où MSF a vacciné 76 000 enfants, le centre de santé ne disposait que de deux réfrigérateurs et d’une moto en panne pour desservir un territoire aussi grand que la moitié de la Suisse.
Cette situation rend l’accès aux soins de la population, dont la majorité vit dans des villages reculés et sous le seuil de pauvreté, d’autant plus difficile que la gratuité des soins n’est pas toujours assurée, malgré l’épidémie déclarée.
Des centres de santé vides ou inaccessibles
A l’hôpital de Dingila, Martine accompagne sa fille Asiata, âgée de 10 mois, atteinte de rougeole avec complications respiratoires. Elles ont parcouru 20 kilomètres à pied pour accéder aux soins offerts par MSF. Aux soins intensifs, Félicien dit avoir marché deux jours pour y amener Israël, son fils de 3 ans, qui se trouvait dans un état critique suite à des complications médicales liées à la rougeole: « Notre poste de santé n’a pas de médicaments », affirme le père, avant de raconter que deux enfants de son village sont déjà morts sur la route vers l’hôpital.
Dans cette vaste région forestière, les populations doivent souvent marcher plusieurs jours avant d’accéder aux soins. C’est souvent en dernier recours, après avoir essayé la médecine traditionnelle, qu’elles décident de se rendre dans un centre de santé public, si elles en ont les moyens financiers.
« Les parents arrivent lorsque l’enfant a déjà développé des complications médicales, telles les infections respiratoires aiguës ou la malnutrition », indique le Dr Jehu, responsable de l’équipe de MSF à l’hôpital de Buta. « Certains ont également le paludisme. On soigne un grand nombre d’enfants qui souffrent de plusieurs complications médicales à la fois. Beaucoup meurent dans leur village, car les structures de santé sont incapables d’assurer une prise en charge adéquate.»
Atteindre les zones de santé les plus reculées coûte que coûte
MSF continue d’alerter les autorités sanitaires, car l’épidémie est loin d’être jugulée. L’organisation étend son intervention en poursuivant la vaccination et la prise en charge des patients, y compris ceux nécessitant des soins intensifs dans des structures hospitalières. Elle appuie les structures de santé, forme le personnel local, sensibilise les populations sur la gratuité des soins et réfère les malades les plus sévères.
«Le traitement des enfants atteints de complications médicales liées à la rougeole est très compliqué, même dans une unité de soins intensifs bien équipée. Mais aucun enfant ne devrait arriver à l’hôpital à cause de la rougeole, car cette maladie devrait être facile à prévenir », conclut le Dr Mathieu Bichet, responsable adjoint des programmes d’urgence de MSF.
© Tristan Pfund/MSF