Traiter les «syndromes post-Ebola» chez les survivants
© Sophie McNamara/MSF
4 min
En Sierra Leone et au Libéria, MSF a ouvert deux cliniques destinées aux survivants d’Ebola, pour accompagner les patients après leur sortie. En plus des souffrances psychologiques, ils développent parfois d’autres affections facilement traitables mais qu’il est essentiel de prendre en charge.
Toute la journée, docteur Maria Bartsch consulte dans la petite maison que MSF a transformée en clinique pour les survivants du virus Ebola, à Freetown, en Sierra Leone. Le pic de l’épidémie est à beau être passé dans ce pays, on y recense de nouveaux cas presque chaque jour. Il y a donc également de nouveaux survivants, soulagés d’avoir vaincu le virus mortel, mais qui souffrent souvent d’autres symptômes invalidants, qu’on appelle les «syndromes post-Ebola».
Mamadou est assis en face du Dr Bartsch. Ce jeune garçon, qui semble avoir 11 ans tout au plus, affirme en avoir 15. Son anniversaire était en décembre, le mois où il a perdu sa mère juste avant qu’il n’attrape Ebola lui-même. Dr Bartsch prend de ses nouvelles. «Ow da body?» demande-t-elle en Créole, la langue locale. Mamadou fixe le sol. Il n’avait jamais consulté de médecin avant de contracter le virus, mais il revient chaque semaine voir Dr Bartsch.
A Monrovia, au Liberia, MSF a ouvert une autre clinique pour les survivants d’Ebola. Elle est située dans l’enceinte du nouvel hôpital pédiatrique de MSF. Au Liberia comme en Sierra Leone, de nombreux survivants ont d'abord cherché de l’assistance dans les cliniques et hôpitaux locaux, mais ont essuyé des refus lorsque le personnel a découvert qu’ils avaient eu l’Ebola.
«On leur fait peur. Même en présentant notre certificat de survivant, les gens reculent et disent qu’ils ne peuvent rien faire pour nous», affirme Jestina Dorley, qui a été soignée dans le centre de soins ELWA 3 de MSF à Monrovia. Elle fait partie des patients qui ont survécu.
Pour certains, l’argent représente une contrainte supplémentaire, car le virus les a privés d’emploi et de tout soutien. Ils se battent pour se payer de la nourriture et un hébergement, alors la question de la santé passe après.
Dr Bartsh feuillette le dossier médical de Mamadou. Lors de sa visite précédente, le jeune garçon souffrait d’une inflammation de l’œil gauche et de démangeaisons sur tout le corps. Ses pieds et ses mains étaient couverts de gale et il se plaignait de douleurs diffuses et d’une faiblesse générale.
«Beaucoup de patients consultent pour des douleurs articulaires aiguës», explique-elle. «Je rencontre aussi beaucoup de cas d’éruptions et d’infections cutanées, de problèmes oculaires, de fatigue et de faiblesse généralisées, ainsi que des infections des voies génito-urinaires. Toutes ces affections sont faciles à traiter. Mais sans soins, certaines complications peuvent provoquer des lésions irréversibles.»
L’uvéite, une inflammation de l’œil, est l’une des complications les plus courantes et les plus graves affectant les survivants du virus Ebola. Mamadou en souffre. D’autres maladies virales graves provoquent cette complication, dont les conséquences peuvent être invalidantes. «C’est là que la clinique des survivants MSF joue un rôle très important», ajoute Dr Bartsch. «Un ophtalmologiste peut soigner la plupart des patients souffrant d’uvéite avec des gouttes oculaires, mais faute de soins, elle peut conduire à la cécité. Nous adressons les patients au spécialiste avant que les lésions ne deviennent irréversibles.»
Cicatrices invisibles: des signes de dépression chez les survivants
Survivre au virus a des répercussions sur la santé mentale. Tony Henry compte parmi les survivants de Monrovia : «Pour beaucoup d’entre nous, survivre au virus signifie revenir dans une maison vide d’où la plupart des êtres chers ont disparu, chercher un travail qui n’existe plus, retrouver des voisins ou des amis qui vous évitent.»
Chaque jour, les psychologues de MSF rencontrent des patients comme Tony. «Nos premières conclusions indiquent que trois mois après la sortie de l’hôpital, environ un quart des survivants que suit MSF présente des signes de trouble de stress post-traumatique et autant souffrent de dépression. Certains se plaignent aussi de perte de mémoire et de cauchemars récurrents», ajoute Dr Richard Bedell, référent médical au Liberia.
Psychologue MSF à Freetown, Dr Sylvia Wamser reste optimiste : «Il est très encourageant de constater à quel point les patients sont prêts à recevoir des soins psychologiques. Nous les écoutons et nous leur expliquons que ce qu’ils vivent est une réaction absolument normale à une situation inhabituelle. Nous les aidons à déclencher leurs mécanismes de défense et nous leur montrons quelques exercices respiratoires qui les aident à surmonter leurs angoisses. Souvent, les améliorations sont visibles dès la quatrième ou la cinquième séance.»
L’intégration des soins est primordiale pour les survivants
Les deux cliniques MSF destinées aux survivants, l’une à Freetown, l’autre à Monrovia, ont déjà assuré plus de 1000 consultations. Conjuguer les soins de santé adéquats et de santé mentale constitue une double approche indispensable pour soutenir les survivants du virus. L’épidémie sévit encore et le nombre de survivants du virus augmente chaque jour. MSF poursuit inlassablement ses efforts pour accompagner les patients après leur sortie d’un centre de traitement de l’Ebola.
© Sophie McNamara/MSF