Les attaques de Novartis contre l’Inde mettent en péril la vie de millions de personnes

«Parce que l’Inde est la pharmacie des pays en développement, les conséquences de cette affaire s’étendent bien au-delà des frontières du pays»

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A New Dehli, la Cour suprême doit se prononcer sur l’action judiciaire de Novartis contre la loi indienne sur les brevets. L’Inde est la pharmacie des pays en voie de développement.

La compagnie pharmaceutique suisse Novartis s’en remet à la Cour suprême indienne aujourd’hui à New Delhi, dans une dernière tentative pour saper une disposition clef de la législation indienne sur les brevets visant à préserver la santé publique. Cette section a été spécialement conçue pour empêcher les pratiques abusives des fabricants de médicaments en termes de brevets leur permettant de maintenir des prix élevés. En cas de succès, cette action aurait un impact dévastateur sur l’accès aux médicaments essentiels à travers le monde en développement, prévient MSF. Pour mener à bien son travail dans les 68 pays où elle est présente, l’organisation humanitaire compte sur des médicaments génériques abordables produits en Inde.
«Depuis six ans, Novartis essaye d’intimider l’Inde pour qu’elle change une partie de sa législation sur les brevets qui protège l’accès des populations à des médicaments abordables et non pas les profits des entreprises», déclare Leena Menghaney, directrice de la campagne d’accès aux médicaments de MSF en Inde. «Le système actuel de l’Inde a été conçu pour empêcher les fabricants de médicaments de prolonger leur monopole en déposant de façon répétée de nouveaux brevets sur le même médicament.»

Empêcher la perpétuation des brevets

Novartis s’est engagée dans une bataille juridique contre une partie de la loi indienne sur les brevets. La section 3d prévoit qu’une nouvelle forme d’un médicament déjà connu ne peut être l’objet d’un brevet que si une meilleure efficacité thérapeutique par rapport aux composés existants est démontrée. Cette disposition vise à empêcher les compagnies de perpétuer leurs brevets grâce à des modifications mineures de composants déjà connus, une pratique courante dans l’industrie pharmaceutique connue sous le nom d’«evergreening».
En 2006, la section 3d, qui est conforme aux règles commerciales internationales, avait permis à l’Inde de ne pas accorder à Novartis de brevet pour son médicament contre le cancer mésylate d’imatinib commercialisé sous le nom de Glivec. La demande de Novartis portait sur une nouvelle forme de la molécule imatinib déjà brevetée plusieurs années auparavant aux États-Unis et dans d’autres pays développés.

Des médicaments plus abordables

«Nous avons déjà constaté les avantages pratiques pour la santé publique de la loi indienne sur les brevets», affirme Leena Menghaney. «Grâce à la législation stricte de l’Inde, les demandes de brevets sur des versions pédiatriques et associations à doses fixes de médicaments utilisés pour traiter le VIH/sida ont été rejetées. Ce sont ces mêmes médicaments qui ont besoin de la concurrence des génériques pour que leur prix reste abordable.»
Les conséquences d’une victoire de Novartis seraient globales. A l’avenir, l’Inde serait en effet obligée de délivrer bien plus de brevets qu’actuellement. Cela réduirait considérablement la concurrence des génériques qui a, par exemple, contribué à faire baisser le prix des médicaments contre le VIH/sida de 99% depuis 2000, ce qui a rendu possible la mise sous traitement de huit millions de personnes dans les pays en développement.
«Parce que l’Inde est la pharmacie des pays en développement, les conséquences de cette affaire dépassent de beaucoup les frontières du pays», conclut le Dr Manica Balasegaram, directeur exécutif de la Campagne d’accès aux médicaments de MSF. «Les actions en justice de Novartis sont une menace directe à la vie de millions de personnes dans les pays en développement.»

Une pétition avec un demi-million de signatures

En 2006, Novartis a contesté la section article 3d devant la Haute cour indienne, qu’elle estimait inconstitutionnelle. MSF a alors lancé la campagne «Novartis Drop the Case» dans le but d’inciter la société à abandonner son action. Près d’un demi-million de personnes ont signé une pétition, qui a été remise à l’entreprise. Novartis n’a pas lâché l’affaire mais a été désavouée par une décision de justice datant de 2007. Devant la Cour suprême, la société cherche désormais à contester l’interprétation de la section 3d ou de vider la loi de toute substance.