Réformer la qualité de l’aide alimentaire mondiale : un pas décisif dans la lutte contre la malnutrition

Distribution d'aliments supplémentaires prêts à l'emploi réalisée par MSF et Forsani. Niger, 31.07.2010.

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Les pays contribuant à l’aide alimentaire doivent mettre un terme au double standard. Ils doivent cesser de distribuer aux enfants des principaux foyers de malnutrition une nourriture aux qualités nutritionnelles inadaptées.

Genève, 14 octobre 2010 – Les principaux pays contribuant à l’aide alimentaire, parmi lesquels les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Union européenne, fournissent et financent une nourriture aux qualités nutritionnelles inadaptées. Les preuves de son inefficacité ont été scientifiquement prouvées. A l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation le 16 octobre 2010, Médecins Sans Frontière demande une réforme des politiques d’aide alimentaire.

La malnutrition est une maladie qu’il est possible de traiter et de prévenir. Dans le monde, 195 millions d’enfants en seraient affectés, la majorité d’entre-eux ne vivant pas dans des zones de conflits armés. Chaque année, la malnutrition serait la cause directe ou indirecte de 30 % des 8 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans. Cette maladie n’est pas uniquement le résultat d’une quantité insuffisante d’aliments. Les deux premières années de vie d’un enfant sont décisives. Il a besoin d’une alimentation variée, riche en protéines, lipides, glucides, vitamines et minéraux. Sans cet apport, sa croissance et son développement ne seront pas optimaux et le risque de mourir de maladies banales augmente. Ces éléments essentiels au bon développement et à la croissance des jeunes enfants sont pourtant absents des distributions d’aide alimentaire.

« Les contributeurs de l’aide alimentaire doivent absolument placer les besoins nutritionnels des jeunes enfants au centre de leurs politiques de lutte contre la malnutrition infantile », explique le Dr Unni Karunakara, Président international de MSF. Dans les pays en développement, la plupart des programmes de nutrition financés par l’aide internationale reposent sur la distribution de farines enrichies à base de soja et de maïs (CSB). Mais cette nourriture ne correspond pas aux standards internationaux nutritionnels des enfants de moins de deux ans.

« Nous ne donnerions jamais à nos propres enfants la nourriture que nous envoyons à ceux des principaux foyers de malnutrition d’Afrique sub-saharienne et d’Asie », explique Dr Karunakara. « Il faut cesser ce double standard. »

Des pays comme le Mexique, la Thaïlande, les Etats-Unis et les Etats européens sont parvenus à réduire drastiquement leur taux de malnutrition infantile. Pour ce faire, ils ont mené des programmes de distribution d’aliments variés comme des œufs et du lait aux jeunes enfants des familles les plus vulnérables. Au niveau international, les normes scientifiques nutritionnelles n’ont toujours pas été intégrées dans les politiques d’aide alimentaire. Les experts de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont pourtant reconnu en octobre 2008 l’inadaptation du CSB pour le traitement de la malnutrition. Ces farines empêcheraient en effet l’assimilation des protéines et de certains nutriments essentiels au bon rétablissement des enfants atteints de malnutrition.

« Au niveau international, il existe un réel consensus sur la composition nutritionnelle de la nourriture la plus appropriée pour les enfants malnutris. Mais les pays donateurs continuent de distribuer un produit inapproprié qui ne réduit pas le risque de décès lié à la malnutrition », indique le Dr Susan Shepherd, conseillère nutrition pour MSF. « Nous avons été les témoins des incroyables progrès réalisés dans la prévention de la malnutrition. Il n’est plus possible d’attendre qu’un enfant soit sur le point de mourir pour lui donner une nourriture appropriée, celle dont il a besoin pour grandir et se développer. »

Les équipes médicales de MSF sont témoins des dégâts causés par la malnutrition dans le monde. En 2009, MSF a soigné 250 000 enfants souffrant de malnutrition dans 116 programmes répartis dans 34 pays. MSF a lancé sa campagne internationale « Starved for attention » pour interpeller les pays contribuant largement à l’aide alimentaire (Etats-Unis, Canada, Union Européenne, Japon…). Il faut fournir une nourriture adaptée et des ressources adéquates aux programmes nutritionnels des pays les plus affectés par la malnutrition. MSF a récemment envoyé des lettres aux autorités gouvernementales des pays concernés leur demandant de réformer leur politique d’aide alimentaire. Des dizaines de milliers de personnes ont déjà signé la pétition sur www.starvedforattention.org. Elle sera présentée aux dirigeants du sommet du G8 en France en 2011.