4 questions sur l'épidémie d'Ebola en Ouganda
© Augustin Westphal/MSF
Ouganda7 min
Le 20 septembre, une épidémie d’Ebola a été officiellement déclarée par le gouvernement ougandais. À ce jour, 43 patients atteints d'Ebola ont été confirmés, 29 personnes sont vraisemblablement décédées de la maladie. Nous travaillons avec le gouvernement pour traiter les patients et contenir l'épidémie.
L'épidémie s'est propagée dans le district de Mubende, dans le centre du pays. Là-bas, à l'hôpital régional, nos équipes ont mis en place un centre Ebola. Dans ce centre, nous pouvons isoler 36 patients suspects ou confirmés et les traiter. Nous envisageons actuellement d'ouvrir un deuxième centre à l'hôpital de Mubende.
1. Dispose-t-on de vaccins pour lutter contre cette épidémie ?
La particularité de l’épidémie d’Ebola en cours en Ouganda tient à son variant, la souche Soudan, pour laquelle il n’existe pas de vaccin. Des discussions sont en cours au niveau de l’OMS afin de déterminer quel vaccin pourrait être déployé dans le cadre d’un nouvel essai clinique, en vue d’une possible homologation.
2. Dispose-t-on d’un traitement médical contre la souche Soudan ?
Les essais cliniques menés en RDC entre 2018 et 2019 ont permis d’identifier des traitements, basés sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux, c’est-à-dire spécifiques à un virus, qui permettent une amélioration significative des chances de survie : Mab114 et regn-eb3.
Cependant ces anticorps ne sont efficaces que contre un virus donné et ne le sont donc pas contre la souche Soudan de la maladie. A défaut de pouvoir compter sur cet outil, le traitement repose sur la prise en charge des symptômes de la maladie et la provision de soins intensifs afin d’améliorer les chances de survie des patients : compensation des pertes de liquides, apport en oxygène, suivi des paramètres sanguins et cardiaques, etc.
Comme dans toutes les épidémies d’Ebola, les mesures de protection et contrôles des infections au sein des centres de santé est donc primordial afin de limiter les contaminations, notamment lors des soins apportés aux patients malades.
La protection du personnel de santé qui se retrouve en première ligne est une préoccupation majeure de MSF. Il faut aussi protéger les soignants pour assurer la continuité du système de santé et les former aux standards de prévention et contrôle des infection, mais aussi mettre à disposition des équipements de protection.
3. Sans vaccins ni traitement, sur quels éléments peut-on agir pour limiter la propagation ?
Lors d’une épidémie d’Ebola, la proximité du dispositif de réponse avec les personnes des zones touchées est fondamentale. « Nous savons que plus les patients sont pris en charge tôt, plus leur chance de survie est grande. Dans le cas d’une maladie qui n’a pas de premiers symptômes distinctifs, puisqu’ils se rapprochent par exemple de ceux du paludisme ou d’autres virus fébriles comme la typhoïde, l’enjeu principal est l’accès rapide des personnes à l’information, au diagnostic et aux soins. Dans les épidémies d’Ebola, trop de personnes arrivent encore aux centres de santé à un stade avancé de la maladie, voire meurent chez elle, contaminant par ailleurs d’autres personnes. C’est ce que nous devons éviter », explique le Dr. Guyguy Manangama, responsable adjoint des programmes d’urgence à MSF.
Pour cela, MSF préconise la mise en place, d’une part, de petits centres ou unités d’isolement dans lesquels les patients peuvent recevoir les premiers soins au plus proche de leurs lieux de vie, et d’autre part sur des centres de référence de plus grande taille avec un plateau de soins plus large pour les patients aux stades avancés de la maladie. Par le passé, la centralisation de la prise en charge des cas dans des grands centres a souvent entrainé le rejet de la réponse et alimenté les rumeurs au sein des populations.
C’est dans ce cadre que MSF souhaite soutenir la réponse en Ouganda, en mettant en place une unité d’isolation de 36 lits, disposant d’une capacité de soins intensifs pour les patients suspects et confirmés à Mubende, et des centres de plus petite taille dans les sous-districts touchés, par exemple à Madudu (l’épicentre de l’épidémie qui se situe à 25 km de la capitale de district).
Nos équipes sur places prévoient également de collaborer avec des hôpitaux pour leur permettre de devenir des centres de référence pour les personnels soignants qui seraient touchés par la maladie.
4. Que sait-on de la propagation de l’épidémie ?
Lors d’une épidémie d’Ebola, il est fondamental de pouvoir dépister rapidement les personnes infectées, et identifier les personnes avec qui elles ont été en contact (« les cas contact »), qui se situent parfois loin des foyers épidémiques identifiés. Actuellement, des cas ont été confirmés dans cinq districts, ce qui implique une identification et un suivi des contacts sur une relativement grande partie du territoire.
De plus, bien que la déclaration officielle soit survenue le 20 septembre, un certain nombre de décès suspects potentiellement liés à la maladie ont été enregistrés dès le mois d’août dans la région touchée. Comme c’est souvent le cas au début d’une flambée d’Ebola, la recherche des cas et des « cas contacts » a un temps de retard par rapport à la propagation de l’épidémie, et il est fondamental de reconstruire le plus précisément possible les premières étapes de l’épidémie pour pouvoir déployer le dispositif de dépistage et de soins partout où cela est nécessaire.
Par ailleurs, la connaissance et la compréhension de la maladie par les personnes des zones touchées par le virus, ainsi que leur adhésion à la réponse est indispensable. Ainsi, des capacités de surveillance et de recherche des contacts au niveau communautaire sont nécessaires pour pouvoir identifier rapidement les personnes potentiellement contaminées. Une fois ces personnes identifiées, il faut pouvoir permettre aux malades et à leurs proches d’accéder à des soins de santé adaptés ou de s’isoler durant 21 jours en cas de contact, en levant les éventuelles barrières sociales ou économiques (coût du transport, des visites dans les centres de santé, coûts liés à la perte d’activité avec notamment des distributions de nourritures ou de kits pour pouvoir s’isoler chez soi…) et de proposer un soutien psychologique aux malades et à leurs proches.
Des outils informatiques peuvent également faciliter le suivi de l’épidémie en temps réel. Pendant la 10ème épidémie d'Ebola en RDC, entre 2018 et 2020, Epicentre, la branche épidémiologique de MSF, a développé de nouveaux outils pour faciliter la coordination globale des activités épidémiologiques, comprenant des outils de suivi et de collecte systématique de données des patients, des rapports automatisés et une plateforme web pour visualiser les données sur la gestion des cas et l'évolution de l'épidémie. Pour la première fois dans une épidémie d'une telle ampleur, le même outil de surveillance a été utilisé sur tous les sites de patients, ce qui a permis la création efficace d'un ensemble de données combinées et complètes sur les établissements de santé Ebola. Nous nous tenons aujourd’hui prêts à mettre ces outils à disposition des autorités sanitaires ougandaises.
La maladie à virus Ebola est une maladie grave et souvent mortelle, avec un taux de létalité des personnes atteintes par la maladie pouvant atteindre jusqu’à 90 % lors de flambées épidémiques. Le virus a été découvert en 1976 en République démocratique du Congo (RDC). Il existe plusieurs variants de la maladie, celui de souche Zaïre ayant été le plus souvent en cause lors des épidémies de cette dernière décennie. Sept flambées épidémiques du virus Ebola de souche Soudan ont déjà eu lieu, dont quatre en Ouganda et trois au Soudan. La dernière épidémie d’Ebola en Ouganda a eu lieu en 2019, la dernière de souche Soudan en 2012.
© Augustin Westphal/MSF