Bosnie : 4 000 personnes bloquées sur la «nouvelle route des Balkans»

Bosnie et Herzegovine, 27.07.2018

Santé mentale5 min

En Bosnie-Herzégovine, une crise se profile si aucune réponse humanitaire coordonnée n’est apportée avant que les températures ne commencent à chuter.

Le long de la frontière entre la Bosnie et la Croatie, plus de 4 000 personnes migrantes et réfugiées vivent actuellement dans des camps informels et des squats. Il s'agit d'une situation nouvelle pour la Bosnie qui, avant cette année, ne voyait transiter qu’un nombre limité de personnes. Alors que de plus en plus de personnes arrivent dans le pays chaque mois, la situation humanitaire est alarmante au deux plus grands points de rassemblement le long de la frontière. 

A la périphérie de la ville de Bihać, environ 3 000 personnes vivent à l’intérieur et autour d'un bâtiment en béton qui tombe en ruine. Des trous béants en guise de fenêtres, des mares de boue et d'eau de pluie, l'ancien dortoir de cinq étages est maintenant rempli de personnes qui dorment sur des couvertures ou dans des tentes dressées dans les couloirs. Des draps suspendus aux plafonds offrent un minimum d'intimité. Derrière le bâtiment, la forêt est parsemée de tentes. 

Pendant ce temps, à l'extérieur de la ville voisine de Velika Kladuša, environ 1 000 autres personnes vivent dans des tentes et des abris de fortune faits de bâches et d'autres matériaux récupérés. Des tranchées ont été creusées autour des abris pour limiter les inondations causées par les violents orages estivaux. 

Aux deux endroits, les groupes se composent de familles, d’enfants non accompagnés et d’adultes. Ils viennent du Pakistan, d'Afghanistan, de Syrie, d'Irak et d'ailleurs. Leur objectif, le même tout au long de la route des Balkans, est de fuir les conflits et la pauvreté dans leur pays d'origine.

Une réponse qui tarde

« Les mauvaises conditions dans les campements à la frontière de Bosnie-Herzégovine sont aggravées par une réponse lente et inadéquate à cette situation », affirme Juan Matias Gil, chef de mission MSF pour la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. « L'absence de planification coordonnée et de préparation en amont en Bosnie-Herzégovine a conduit à des conditions inappropriées pour les migrants et les réfugiés, ce qui risque de nuire gravement à leur bien-être, à leur sécurité et à leur santé, explique Gil. Non seulement ils n'ont pas accès aux services médicaux, mais ils manquent aussi de logements décents, de vêtements, de nourriture et d’accès à des sanitaires. »

Depuis juin 2018, MSF travaille régulièrement sur ces deux sites. En collaboration avec les autorités sanitaires locales, une petite équipe mobile intervient sur place pour apporter des soins et référer les cas plus complexes vers des structures de santé secondaire dans les environs du canton d’Una-Sana.

L’hiver approche et jusqu’à présent, cela nous a pris des mois pour offrir les services minimaux essentiels, explique Gil. Avec l’hiver, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de temps, car si nous ne sommes pas prêts à temps, cela pourra se payer en vies humaines.

Juan Matias Gil, chef de mission MSF pour la Serbie et la Bosnie-Herzégovine

Les hivers précédents sur la route des Balkans

Pour les réfugiés et les migrants qui passent par la route des Balkans, les hivers précédents se sont déroulés dans des conditions désastreuses et inhumaines.

En Serbie et le long de ses frontières, l’échec institutionnel collectif dans l’anticipation des conditions hivernales a littéralement laissé des milliers de personnes dans le froid pendant plusieurs hivers consécutifs. Alors que les frontières de l'Union européenne (UE) se ferment de plus en plus, des milliers de personnes se sont retrouvées, par temps glacial, bloquées dans un pays qui n'avait pas assez d'abris. 

Dans la région, lors des hivers précédents, MSF a soigné des personnes souffrant d’hypothermie et d’engelures, et dans sa clinique à Belgrade a constaté une augmentation du nombre de maladies respiratoires dues à l’inhalation de fumée toxique, comme celle émanent de plastiques brûlés.

Quelle de soit la saison, les migrants et demandeurs d’asile rapportent régulièrement des violences de la part des gardes-frontière dans le nord-est de la Serbie. Au cours du premier semestre 2017, les cliniques mobiles MSF à Belgrade ont traité 24 cas de traumatismes causés par des actes violents intentionnels qui auraient eu lieu le long de la frontière serbo-croate. 

De nouvelles routes, les mêmes problèmes

Les personnes arrivant à la frontière serbo-croate – et qui tentent de la traverser – viennent principalement des camps et campements informels de Serbie, mais certains ont emprunté de nouveaux itinéraires qui passent par la Grèce, l’Albanie et le Monténégro. Ces personnes fuient les conflits et l’instabilité dans leur pays et cherchent la sécurité toujours plus loin en Europe.

« Elles sont bloquées en Bosnie-Herzégovine. En l’absence de canaux sûrs pour déposer une demande et obtenir l’asile, elles sont obligées d’emprunter des itinéraires risqués et de traverser illégalement des frontières », indique Gil. MSF est une fois de plus témoin des conséquences inquiétantes de ces passages dangereux aux frontières de l'UE et de l'absence d'alternatives sûres. « Nous sommes également préoccupés par les refoulements et les violences envers les réfugiés et migrants qui ont été signalés du côté croate de la frontière. » continue-t-il. « Si la situation perdure en Bosnie-Herzégovine, nous craignons d’être confrontés à des problèmes similaires à ceux des années précédentes : des maladies respiratoires ou de peau, une détérioration de l’état de santé mentale et une augmentation des violences envers les migrants », conclut Gil.