Bulgarie : témoignages de réfugié·e·s en quête de sécurité en Europe
© Ghada Safaan/MSF
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À seulement 50 kilomètres de la triple frontière avec la Grèce et la Turquie, Harmanli est le premier point d’arrivée en Bulgarie pour les réfugié·e·s des différentes régions du monde qui ont traversé la Turquie. D’anciens baraquements militaires sont devenus le plus grand centre d’accueil et d’enregistrement (CAE) de Bulgarie, où sont entassées plus de 1 700 personnes dans des conditions précaires. Parmi elles et eux, Siham, Fatma, Alaa Aldin, Abdulhamid et Fuad ont un point commun : ils et elles ont fui la Syrie et vivent dorénavant à Harmanli, inquiet·e·s de ce que l’avenir leur réserve. Voici leurs histoires.
Au vu des besoins, Médecins Sans Frontières (MSF) a ouvert une petite clinique au sein du centre d'accueil d'Harmanli en juillet 2023. Depuis, nos équipes y ont fourni un total de 3 262 consultations, notamment des consultations de santé primaire, des services de santé sexuelle et reproductive et un soutien aux patient·e·s souffrant de maladies non transmissibles. Nous fournissons également des services éducatifs autour de diverses questions en lien avec la santé. De nombreuses personnes sont traumatisées par leur périple mais n’ont pas accès à un soutien psychologique.
« Je croyais que j’allais mourir. »
Siham, son mari et leur fille de 22 ans, Fatma, ont fui la Syrie ensemble. La famille a quitté Alep le 27 juillet 2023. Cela fait maintenant 3 mois qu’ils sont dans le CAE d’Harmanli, en Bulgarie. Ils ont tenté de traverser la frontière à de nombreuses reprises.
Arriver en Bulgarie depuis la Turquie, c’était très compliqué. Nous avons passés six jours dans la forêt. Il pleuvait beaucoup, nous étions congelés. Ma mère s’est blessée. Il a fallu cinq personnes pour l’aider à continuer d’avancer. Le dernier jour dans cette forêt a été particulièrement difficile. Ma mère souffrait tellement. J’avais vraiment peur pour elle. Par chance, nous avons rencontré d’autres personnes tentant de traverser la frontière qui avaient des antidouleurs avec eux. Ils ont un peu aidé ma mère.
J’étais effrayée et épuisée. Je croyais que j’allais mourir. Je ne pensais pas pouvoir survivre avec ma blessure dans la forêt. C’était tellement épuisant que je suis incapable de me souvenir de tout ce qui s’est passé dans notre traversée. Ma jambe va mieux maintenant. J’ai seulement mal quand il fait froid. Alors, ma jambe devient bleue.
Pour Fatma et Siham, cela n’a aucune importance de rester en Bulgarie ou de vivre dans un autre pays d’Europe. La seule chose qui compte, c’est d’être en sécurité.
« C’est comme si nous étions une famille. »
Abdulhamid a lui aussi fui la Syrie. C’est notre équipe à Harmanli qui lui fournit son traitement pour le diabète.
Avec l’équipe de MSF, que ce soit pour une consultation ou pour récupérer mon traitement, je n’ai jamais le sentiment d’être un patient et qu’ils et elles sont des médecins. On se sent comme en famille.
À Harmanli, Abdulhamid fait partie de la « Spring Team », un groupe de volontaires œuvrant à améliorer la propreté du camp.
« Je suis ici car je n’ai pas le choix. »
Alaa Aldin a 24 ans et a quitté la Syrie il y a trois mois. Il n’a jamais voulu quitter son pays, mais la situation en Syrie ne lui a pas laissé d’autre option.
La vie dans le camp est terrible. C’est sale. Il n’y a aucune règle. Personne ne prend soin de nous. Je n’avais pas prévu de rester en Bulgarie. Mais c’est à cause de l’accident que je suis ici. Nous étions dans une voiture avec d’autres réfugié·e·s lorsque nous avons eu un accident. Nous avons appelé le numéro d’urgence, et la police des frontières est venue. Deux d’entre nous ont été amené·e·s à l’hôpital, tandis que les autres ont passé près de dix heures dans une cellule gelée. Ensuite, ils nous ont emmené·e·s à Harmanli.
Alaa Adlin attend maintenant de recevoir le statut de demandeur d’asile pour pouvoir rendre visite à sa famille en Allemagne ou aux Pays-Bas. Son souhait est d’avoir une vie meilleure et de vivre dans un pays sûr. Alaa Adlin espère que la Syrie redeviendra un jour le pays qu’elle était avant la guerre. Si tel devait être le cas, il rentrerait sans hésiter.
« Tout ce que je veux, c’est d’être heureux. »
Fuad, 26 ans, vient de Homs, en Syrie. Au centre d’Harmanli depuis le mois d’août 2023, il est désespéré par les conditions de vie dans le camp.
Certes, on est en sécurité. Mais c’est le seul point positif ici. Les conditions d’hygiène sont vraiment mauvaises. Beaucoup de bâtiments et de pièces sont endommagés et ont urgemment besoin d’être réparés. La plupart des pièces sont invivables. Beaucoup d’entre nous n’avons même pas de couverture ni de matelas sur lequel dormir. Même s’il fait extrêmement froid, il n’y a pas de chauffage. Je suis fatigué de fuir tout le temps, tout ce que je veux c’est de vivre une meilleure vie, comme tout le monde. Tout ce que je veux, c’est une vie heureuse.
© Ghada Safaan/MSF