Côte d’Ivoire : chirurgie de guerre dans le quartier de Yopougon à Abidjan

Hôpital d’Attie : l’équipe MSF est a pied à pied d’œuvre «pour faire de la chirurgie de guerre dans une zone de guerre»

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MSF s’est installée mi-avril dans un hôpital de Yopougon, à Abidjan. Dans ce quartier, les combats se sont poursuivis après la chute du président Laurent Gbagbo.

Le 18 avril, une semaine après la chute du régime de Laurent Gbagbo, l’équipe MSF ouvrait une unité chirurgicale dans l’hôpital d’Attié à Abidjan. Le calme est revenu dans le centre de la métropole ivoirienne. Mais le dernier bastion des forces pro-Gbagbo s’était retranché dans le quartier de Yopougon et les combats se sont poursuivis. L’équipe MSF s’est installée en trois jours dans l’hôpital d’Attié dans ce grand quartier populaire. Comme la plupart des établissements médicaux d’Abidjan, l’hôpital ne fonctionnait pratiquement plus. Du fait de l’insécurité, le personnel ne venait plus travailler et le bloc opératoire était à l’arrêt. L’équipe MSF était  donc à pied d’œuvre dès le 18 avril «pour faire de la chirurgie de guerre dans une zone de guerre», explique Stéphane Reynier de Montlaux, chef de mission de MSF à Abidjan.
La première semaine, 70 patients sont admis, essentiellement des blessés par balle touchés au thorax, à l’abdomen… ou souffrant de fractures ouvertes. Au fil des jours, des cas graves se présentent, tel ce jeune de 22 ans dont le pronostic vital était en jeu. Il avait été touché au bras par une balle, provoquant une fracture de l’humérus. Mais la balle avait continué sa course, perforé sa cage thoracique. Et l’on voyait son cœur à nu… Maintenant il se remet de ses blessures mais il a eu beaucoup de chance.
Une femme est hospitalisée dans la même salle que ce jeune. Elle a reçu une balle à la cuisse qui est allée se loger dans l’autre cuisse. «Nous avons fait le parage pour nettoyer les plaies et l’hémostase pour arrêter les hémorragies, explique le Dr Serge Eric Zabré chirurgien de l’équipe MSF, puis nous avons fermé les plaies de la patiente.»  Beaucoup de blessés par armes à feu ou victimes de coups arrivent à l’hôpital, mais aussi quelques grands brûlés. Quand des combattants pillent les stations-service pour ravitailler leur pick-up, il arrive que l’essence prenne feu et fasse des victimes.
Les blessés sont amenés en brouette par des voisins ou des parents qui osent se risquer dans les rues désertées ou alors des miliciens armés les déposent en voiture, créant de fortes tensions dans l’enceinte de l’hôpital. Les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) du président Ouattara poursuivent leur offensive et, de jour en jour, repoussent les miliciens jusqu’à ce que le quartier de Yopougon soit totalement sécurisé. Ces trois dernières semaines, 307 nouveaux patients ont été admis, dont 125 avaient été blessés par balle ou par des éclats d’obus à cause de la poursuite des violences.

La vie reprend son cours

La vie reprend maintenant son cours, les habitants ne sont plus terrés chez eux, les voitures circulent. «Ca commence à aller un peu, un peu», résume un chauffeur d’ambulance reconverti en brancardier. Le programme de chirurgie mis en place par MSF évolue en conséquence. Les soins post-opératoires continuent naturellement d’être dispensés. Mais MSF prend en charge d’autres soins d’urgence, comme les urgences obstétricales. Et l’équipe décide d’apporter un appui à la maternité pour que cette activité redémarre. Accouchements, consultations pré-natales et post-natales sont de nouveau assurés à l’hôpital d’Attié.
Les consultations externes ont repris quelques jours plus tôt. Dans la salle d’attente, des femmes tenant dans leurs bras un bébé sont nombreuses à patienter. L’accès aux soins médicaux a été paralysé pendant des semaines et les malades ne pouvaient sortir pour venir à l’hôpital. 80 à 100 consultations sont données par jour, essentiellement à des femmes et des enfants, beaucoup parmi eux souffrant de paludisme.
Pour mener toutes ces activités, MSF a envoyé des renforts en personnel et fournit médicaments et matériel médical, un élément essentiel pour aider à la remise en route du système de santé, perturbé aussi par des ruptures d’approvisionnement. Doucement le retour à la normale se fait et le personnel qui n’avait pas travaillé pendant toute la crise reprend le chemin de l’hôpital.