Ebola: ce qu’il reste à faire pour endiguer l’épidémie
© Fabio Basone/MSF
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L’épidémie d’Ebola dans les pays d’Afrique de l’Ouest se poursuit, mais diminue en intensité. Alors que le nombre de nouveaux patients est en baisse au Libéria, les chiffres continuent de fluctuer en Guinée et en Sierra Leone.
Dans la semaine du 22 février 2015, 99 nouveaux cas confirmés ont été signalés dans les trois pays les plus touchés. Le virus a infecté plus de 23 700 personnes à travers la région depuis le début de l’épidémie, il y a 11 mois. En raison de sa nature imprévisible, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) maintiennent une approche flexible et continuent à intervenir dans les zones où les besoins sont les plus importants, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.
Guinée : la population locale toujours réticente face aux messages de prévention
En Guinée, 35 nouveaux cas confirmés ont été enregistrés la semaine dernière, selon l’OMS. La plupart proviennent de la capitale, Conakry. Malgré des campagnes de sensibilisation à grande échelle, bon nombre de communautés se montrent toujours réticentes quant aux messages de santé publique partagés par les autorités et les organisations internationales. Les équipes de MSF ont été confrontées à des incidents de sécurité en février à Faranah et dans plusieurs villages. Un véhicule de MSF a notamment été incendié, tandis que des équipes ont été visées par des pierres. «Les gens ont peur du virus et un grand nombre ne fait plus confiance au système de santé», explique Claudia Evers, coordinatrice d’urgence pour MSF en Guinée. «Les récentes attaques contre des travailleurs humanitaires montrent que nous devons encore améliorer notre approche en matière de sensibilisation».
Malgré ces difficultés, MSF a accru ses capacités et déployé deux équipes mobiles dans les préfectures de Faranah et de Boffa pour évaluer la situation épidémiologique. Ces deux régions n’ont pas été suffisamment couvertes par les systèmes de surveillance et nous savons que la résistance de la communauté y est élevée. «Nous devons poursuivre notre travail et discuter avec les personnes influentes dans la communauté afin d’avoir accès aux villages», déclare Claudia Evers. «C’est essentiel si nous voulons endiguer l’épidémie.» En Guinée, il est toujours très difficile d’identifier les personnes ayant été en contact avec des malades et les chaînes de transmission.
MSF gère actuellement deux centres de prise en charge d’Ebola en Guinée – l’un à Guéckédou et l’autre à Conakry – et mène aussi des activités de surveillance, de mobilisation sociale et de formation au contrôle des infections.
Libéria : manque d’accès aux soins pour les problèmes de santé autres qu’Ebola
C’est au Libéria que la baisse du nombre de cas d’Ebola a été la plus importante, avec seulement huit cas confirmés enregistrés dans le pays à l’heure actuelle. Trois patients suspectés d’avoir été infectés par le virus sont actuellement hospitalisés dans le centre de traitement d’Ebola ELWA 3 de MSF à Monrovia. Les équipes de MSF se concentrent désormais sur les besoins des survivants, qui sont confrontés à de multiples séquelles physiques et psychologiques. Nous avons ouvert une clinique qui sert des repas spécialement adaptés à leurs besoins.
Le système sanitaire déjà fragile du Libéria a été terriblement affecté par l’épidémie, qui a causé la fermeture de nombreux hôpitaux. En mars, MSF a ouvert un hôpital pédiatrique de 100 lits à Monrovia pour les enfants souffrant de problèmes de santé autres qu’Ebola.
Alors que les structures sanitaires commencent à rouvrir, le contrôle des infections sera crucial pour restaurer la confiance du public dans le système de santé. MSF soutient la réhabilitation et les mesures de contrôle des infections à l’hôpital David Jr. Memorial à Monrovia et a déployé un médecin et deux infirmières pour y aider à améliorer la qualité des soins. Ailleurs à Monrovia, MSF gère des activités de prévention des infections dans 16 cliniques. Ces activités comprennent la mise en place de zone de triage, de zones d'isolement ainsi que la formation du personnel à la prise en charge médicale et aux mesures d’assainissement des eaux. Dans six autres cliniques, MSF apporte un soutien au contrôle des infections.
Des équipes mobiles mettent en œuvre des activités de promotion de la santé dans la banlieue de Monrovia de New Gardnersville, Bardnesville et New Georgia. Elles forment également du personnel de santé local au triage et contrôle des infections, et comblent les besoins en matière de soins de santé de base. On observe aussi d’importantes lacunes au niveau des soins maternels et de la traumatologie d’urgence. En outre, il n’y a pas assez de lits pour hospitaliser les patients. «Pour reconstruire les systèmes sanitaires de la région, la première étape consiste à restaurer et à améliorer l’accès aux soins de santé», explique Dr Adi Nadimpalli, responsable des programmes de MSF au Libéria.
Des campagnes de vaccination contre les maladies évitables sont urgemment requises. Nous avons observé des épidémies de rougeole dans les comtés de Lofa, Margib et Montserrado, où MSF assiste le ministère de la Santé dans la surveillance et la prise en charge des cas. Des cas suspects de coqueluche ont aussi été enregistrés dans le comté de Maryland. «Il est important de répondre immédiatement à ces flambées de maladies infectieuses, plutôt que d’attendre l’apparition d’une épidémie plus importante», poursuit Dr Adi Nadimpalli.
Sierra Leone : se focaliser sur les activités communautaires
La Sierra Leone reste le pays le plus touché par Ebola, avec 63 nouveaux cas confirmés signalés dans sept districts en une semaine (le 25 février 2015). Il reste des zones sensibles dans le nord-ouest du pays ainsi qu’à Freetown, la capitale densément peuplée.
La semaine dernière, la réponse de MSF en Sierra Leone a pris une autre direction, avec la fermeture de deux des centres de traitement d’Ebola de MSF – l’un à Kailahun, à l’extrême-ouest du pays, l’autre à Freetown. Le centre de Kailahun a fermé ses portes le 20 février après que la fin de l’épidémie a été déclarée dans le district, plus aucun cas n’ayant été enregistré depuis le 12 décembre. Le centre «Prince de Galles», à Freetown, a mis fin à ses activités le 23 février, le gouvernement ayant demandé la démolition et la décontamination de tous les centres de traitement d’Ebola construits dans des écoles, en vue de la reprise des cours prévue à la fin du mois.
Étant donné que davantage de centres Ebola sont gérés par d’autres organisations dans le pays, MSF a désormais l’opportunité d’axer sa réponse là où elle est la plus nécessaire et la plus difficile à apporter, c’est-à-dire auprès de la communauté. «La fermeture des centres nous a permis de réaffecter nos ressources, qui se consacrent désormais aux activités communautaires telles que la surveillance, la recherche de personnes ayant été en contact avec des malades et la promotion de la santé», indique Dana Krause, coordinatrice d’urgence pour MSF en Sierra Leone.
Parallèlement, MSF a déployé des équipes supplémentaires dans les nouvelles zones sensibles apparues à Freetown, et une équipe de surveillance transfrontalière est active dans le district de Kambia, qui borde la Guinée, où quelque 10 000 personnes traversent la frontière chaque semaine.
«Un système élargi de surveillance sanitaire doit être mis en place à travers la région si nous voulons mettre un terme à l’épidémie», affirme Dana Krause. «Le nombre de nouveaux cas en Sierra Leone reste alarmant et les semaines à venir seront cruciales.»
Fin janvier, MSF a ouvert un service de maternité pour les femmes enceintes souffrant d’Ebola à Kissy, à la périphérie de Freetown. L'unité permet aux équipes médicales de fournir des soins spécialisés pour les femmes enceintes qui sont suspectées ou porteuses confirmées du virus. Le gouvernement, désireux de garder ce service spécialisé, a décidé de le transférer en dehors du Methodist Boys High School.
Traitements et vaccins expérimentaux : recherches en cours
Un essai clinique portant sur le traitement expérimental du Favipiravir est en cours dans les centres de traitement d’Ebola de MSF en Guinée. Parallèlement, d’autres pistes sont étudiées. Un essai est notamment en cours à Conakry. Les patients y reçoivent du plasma sanguin de volontaires ayant survécu à la maladie. En mars, toujours en Guinée, MSF commencera l’étude d’un vaccin expérimental contre Ebola. «Tous ces efforts devraient conduire à des innovations pouvant être utilisées dans les pays concernés», indique Bertrand Draguez, directeur des opérations médicales pour MSF. «Elles seront cruciales pour protéger la population dans le cadre de cette épidémie et des épidémies futures.»
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