Gaza: témoignage de Léo Cans, chef de mission MSF pour la Palestine
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Depuis le début de l’offensive israélienne, qui fait suite à l’incursion brutale et aux massacres commis par le Hamas depuis le 7 octobre, la bande de Gaza est bombardée sans répit. Les équipes MSF, qui travaillent en Palestine de manière permanente, peinent à organiser des soins dans ce contexte d’insécurité extrême. Léo Cans, chef de mission MSF basé à Jérusalem, fait le point sur la situation et considère que la déclaration de guerre ne doit, en aucun cas, amener à une punition collective de la population sur Gaza.
La situation à Gaza est catastrophique, les hôpitaux sont débordés. Il y a un nombre extrêmement important de blessés, un afflux continuel dans tous les hôpitaux de la bande de Gaza. Les équipes médicales sont bien sûr épuisées, elles travaillent 24 h sur 24 pour soigner des blessés. Les bombardements sont très intenses. Des immeubles entiers sont détruits, dont un la nuit dernière juste à côté du bureau de MSF.
La population reçoit parfois un SMS au milieu de la nuit pour leur dire d’évacuer leur maison, c’est arrivé à certains membres de notre équipe sur place. Là, il faut réveiller ses enfants en pleine nuit, quitter sa maison sans avoir le temps de ne prendre aucune affaire, pour se mettre à l’abri. Mais bien souvent, ils ne savent même pas où aller, et ils se retrouvent en plaine nuit, dehors, sous une pluie de bombes. Où peuvent-ils se mettre en sécurité ?
Les dernières estimations indiquent qu’il y aurait environ 200 000 personnes déplacées, principalement des gens qui ont reçu ces messages SMS et dont les maisons ont été détruites. Ils ont alors besoin de tout : de l’eau, un endroit pour se doucher, de la nourriture, un matelas pour dormir… bref, ce sont des besoins de base, et très divers. Et puis le gouvernement israélien a décidé de couper complètement l’approvisionnement en eau et en électricité, et le réseau téléphonique a été gravement endommagé. Ce matin même, nous n’avons pas pu joindre nos équipes sur place par téléphone. Forcément, tout cela rend la coordination des secours et l’accès aux blessés extrêmement compliqué.
A Gaza, la population est aujourd’hui terrifiée. Je parle très régulièrement avec nos collègues sur place. Ce sont des personnes très endurcies, parce qu’elles ont malheureusement eu à traverser beaucoup de guerres, mais la situation actuelle les angoisse terriblement. Ils disent que cette fois-ci c’est différent, ils ne voient pas d’issue, se demande comment tout cela va se terminer. Ils sont dans une détresse mentale terrible. Il n’y a pas beaucoup de mots pour décrire ce que les gens vivent.
En ce qui concerne MSF, nous sommes très inquiets de voir que les structures médicales ne sont pas épargnées. Il y a un des hôpitaux que nous soutenons qui a été touché par une frappe aérienne et endommagé. Une autre frappe aérienne a aussi détruit une ambulance qui était en train de déposer des patients juste devant l’hôpital dans lequel on travaille. L’équipe de MSF, qui était en train d’opérer un patient, a dû quitter l’hôpital en catastrophe. Nous le répétons, les structures médicales doivent être respectées, ce n’est pas un élément qui devrait être négocié.
Pour l’instant, MSF a fait une donation de médicaments et de matériels médicaux essentiels, pour les principaux hôpitaux de la bande de Gaza. Nous soutenons aussi deux hôpitaux grâce à nos équipes qui peuvent aider à la prise en charge chirurgicale des blessés. Il y a aussi toutes les opérations post-opératoires qui doivent être réalisées dans les jours qui suivent, car la plupart des blessés que nous recevons ont besoin de plusieurs interventions chirurgicales pour pouvoir être sauvés. Pour les autres blessés, nous avons aussi mis en place une clinique hier en centre-ville de Gaza que nous allons tenter de maintenir ouverte si les conditions nous le permettent.
Hier matin, nous avons reçu un jeune garçon de 13 ans dont le corps était presque entièrement brûlé, car une bombe était tombée juste à côté de sa maison et un feu s’est déclenché. Ce sont des cas très compliqué médicalement à pouvoir prendre en charge dans ces conditions, et quand il s’agit en plus d’enfants, c’est très difficile à supporter.
L’intensité de la violence et des bombardements sont choquants, ainsi que le nombre de morts déjà dénombré. La déclaration de guerre ne doit, en aucun cas, amener à une punition collective de la population sur Gaza. Le fait de couper l'eau, l'électricité, l'approvisionnement en essence est inacceptable car cela condamne toute la population, et les coupe de tous leurs besoins primaires.
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