Haïti: MSF renforce la capacité hospitalière dans la zone touchée par le séisme
© Yann Libessart
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Deux ans après le tremblement de terre, le système de santé tarde à s’organiser à Port-au-Prince et dans ses environs et l’accès aux soins d’urgence demeure difficile pour une majorité d’Haïtiens
Le 12 janvier restera à jamais une date de recueillement collectif en Haïti. Presque tous ont perdu au moins un membre de leur famille, un ami ou un voisin. De nombeux survivants souffrent encore de séquelles physiques ou psychologiques consécutives au séisme. Les rues de Port-au-Prince en portent toujours les cicatrices, incarnées par des ruines non déblayées ou, à l’inverse, par des trous restés béants.
Présent dans le pays avant la catastrophe, MSF a aussi perdu 12 membres de ses équipes ce jour-là. Deux hôpitaux MSF ont été détruits: le centre traumatologique de la Trinité et la maternité Solidarité. Depuis, quatre autres ont été construits afin de répondre aux urgences médicales d’un bassin de population de plus de deux millions d’habitants. MSF a aussi poursuivi ses activités médicales dans un centre de références et d’urgences, ainsi qu’en soutien à un hôpital du ministère de la Santé dans le quartier défavorisé de Cité-Soleil.
600 lits d’hospitalisation pour les Haïtiens
Le centre de références en urgences obstétricales (CRUO) a ainsi débuté ses activités à Delmas 33 en avril dernier. Avec une capacité de 130 lits, le CRUO accueille les femmes enceintes qui présentent des complications menaçant leur vie ou celle du foetus. Depuis son ouverture, 1 432 interventions chirurgicales ont eu lieu et 2 077 bébés y ont vu le jour, comme Esther, la fille de Belgarde, qui témoigne: «J’ai perdu mes trois premiers bébés tout de suite après l’accouchement. La dernière est née prématurée aussi, mais grâce aux soins qu’elle reçoit ici, j’ai bon espoir de rentrer bientôt à la maison avec elle.»
L’hôpital de Drouillard, qui a ouvert ses portes le 9 mai 2011 dans les quartiers Nord de la capitale, a pris le relai de l’hôpital sous tente gonflable de Saint-Louis de Gonzague qui a fonctionné durant toute l’année 2010. La nouvelle structure de 208 lits offre des soins d’urgence chirurgicale et médicales dont une prise en charge spécialisée pour les grands brûlés de même qu’un suivi en physiothérapie et en santé mentale. On y traite en moyenne 55 urgences par jour et 20 interventions chirurgicales en plus de 360 hospitalisations par mois. «Parmi les cas que nous recevons aujourd’hui, très peu sont en lien direct avec le tremblement de terre. Les trois-quarts sont des accidentés de la route ou domestiques, les autres sont surtout des victimes de violence. En revanche, nous remarquons une vulnérabilité accrue sur le plan psychologique. Depuis la catastrophe, les patients ont plus de difficultés à supporter un traumatisme additionnel comme une agression ou un accident», explique le directeur médical Félix Konan-Kouassi.
L’hôpital Chatuley, situé dans la ville de Léogâne, proche de l’épicentre du séisme et détruite à plus de 80%, a vu le jour dès janvier 2010. D’une installation temporaire à la construction d’une structure en containers de 160 lits, il reste aujourd’hui le seul hôpital de la zone, prenant en charge les urgences tout en offrant des soins de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie. En 2011, le personnel médical de l’hôpital a traité 73 741 patients, effectué 3 755 interventions chirurgicales et procédé à 4 501 accouchements.
Dans la zone industrielle de Tabarre, à l’est de Port-au-Prince, les équipes de construction apportent les dernières finitions au Centre «Nap Kenbe» qui signifie espoir en créole. Le dernier né des hôpitaux MSF vient renforcer l’offre de soins gratuits de l’agglomération urbaine. Constitué d’un assemblage de 268 modules et d’une capacité de 108 lits, il prendra en charge les cas de chirurgie d’urgence traumatologique et viscérale. Son ouverture est programmée pour le mois de février 2012.
MSF a aussi poursuivi ses activités médicales dans un centre de références et d’urgences à Martissant, ouvert depuis fin 2006 et où sont traités en moyenne 4 370 patients chaque mois.
Rester vigilants
«Une partie des structures de santé de la capitale a disparu le 12 janvier 2010 alors qu’elles n’étaient déjà pas assez nombreuses auparavant ni totalement opérationnelles. Le tremblement de terre a en effet révélé les carences du système sanitaire et exacerbé ses insuffisances», indique Gérard Bedock, chef de mission MSF en Haiti. «Reconstruire va demander beaucoup de temps. Dans l’intervalle et dans la mesure de nos capacités, nous nous efforçons de pallier l’offre sanitaire déficitaire tout en restant réactifs face à de potentielles nouvelles urgences, comme le choléra.»
Depuis fin octobre 2010, une gigantesque épidémie de choléra frappe Haïti, avec plus d’un demi-million de malades ayant été affectés dans le pays à ce jour. Selon Wendy Lai, coordinateur médical MSF, «des centaines de milliers de personnes vivent toujours dans des camps de déplacés dans des conditions sanitaires déplorables. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est très limité sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales et reculées. Une telle précarité favorise la propagation des maladies infectieuses. Si le nombre de nouveaux cas de choléra a aujourd’hui beaucoup diminué, il y en a tout de même plusieurs centaines par semaine et les risques de résurgence saisonnière demeurent très élevés. Nous devons rester extrêmement vigilants.»
MSF en Haïti
MSF a lancé ses premiers projets en Haïti en 1991 avec des programmes d’urgences périodiques lors de catastrophes naturelles ou de situations de crise.
Au lendemain du tremblement de terre de janvier 2010, MSF a mis sur pied la plus grande intervention d'urgence de son histoire, apportant des soins à 358 000 personnes, réalisant 16 570 opérations chirurgicales et procédant à 15 100 accouchements sur une période de 10 mois.
Pour l’épidémie de choléra, MSF a mis en place une opération sans précédent avec plus de 75 structures de soins et 4 000 personnels répartis sur le territoire haïtien au plus fort de la crise. Près de 170 000 malades ont été soignés entre octobre 2010 et novembre 2011. Afin d’anticiper une éventuelle nouvelle flambée épidémique, MSF a établi un plan de préparation à l’urgence permettant une réponse curative rapide et de vaste envergure.
© Yann Libessart