Un indispensable chirurgien tchadien
© Simon Petite/MSF
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Formé avec l’aide de MSF, le Dr. Valentin Vadandi est l’un des quelques experts de l’opération des fistules obstétricales au niveau mondial.
Le calme du bloc opératoire contraste avec l’agitation qui règne dans l’hôpital général d’Abéché, la grande ville de l’est du Tchad. Le Dr Valentin Vadandi pose ses instruments et enlève son masque. Il vient d’opérer pendant une heure une femme vivant avec une fistule obstétricale.
Le chirurgien tchadien employé par MSF est devenu un spécialiste reconnu de ces opérations très pointues. Il a participé à la table-ronde organisée par le ministère de la Santé tchadien, qui s’est tenue début mai à N’Djamena pour améliorer la prévention, la prise en charge et la réinsertion sociale des femmes atteintes de fistules obstétricales. Un événement qui témoigne d’une prise de conscience au Tchad.
«L’opération d’une fistule obstétricale peut durer beaucoup plus longtemps qu’une heure», explique le Dr Valentin Vadandi. «Les patientes ont souvent été opérées par des médecins inexpérimentés et ils ont fait plus de mal que de bien.» Rares sont les chirurgiens à être suffisamment formés pour traiter cette lésion résultant d’un accouchement prolongé et mal accompagné.
La honte et le rejet
Faute d’avoir pu se rendre dans une maternité à temps, le fœtus est le plus souvent décédé et sa tête a comprimé le bassin de la mère. Le manque prolongé d’irrigation sanguine peut provoquer la nécrose des tissus, créant un orifice entre le vagin et la vessie. Une communication anormale entre le vagin et le rectum est aussi possible. Résultat: une incontinence urinaire et/ou fécale. Les femmes affectées vivent dans la honte et sont souvent rejetées par leur propre famille et leur communauté.
Le Tchad est particulièrement touché par le phénomène à cause de l’immensité de son territoire et du manque d’accès aux soins maternels et obstétriques. On estime à environ 450 les nouveaux cas de fistule par an. Le Dr. Vadandi a pu avoir un premier aperçu du problème, lorsqu’il travaillait comme généraliste dans une maternité dans le sud du Tchad. Il part ensuite se spécialiser en chirurgie urologique à Dakar, au Sénégal. Il rédige un mémoire sur la prise en charge des fistules obstétricales dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Quand il revient au Tchad, MSF vient de lancer un programme pour soigner les fistules à l’hôpital général d’Abéché. L’organisation médicale internationale recherche un chirurgien. Le Dr. Vadandi a l’avantage d’être tchadien. Il commence à travailler pour MSF en 2009 et continue de se former auprès d’experts internationaux au Tchad et au Nigeria. Aujourd’hui, il est capable d’opérer les cas de fistules les plus compliqués.
Un nouveau départ
En 2009, MSF construit «un village des femmes» juste à côté de l’hôpital. Un bâtiment avec une grande cour qui accueille les patientes atteintes de fistules. Leur séjour peut durer plusieurs semaines, parfois jusqu’à trois mois. Certaines souffrent de malnutrition, tellement elles étaient isolées. D’autres, longtemps handicapées par leur fistule, doivent réapprendre à marcher.
Un papillon orne la porte du Village des Femmes pour symboliser la métamorphose de ces mères qui vivaient dans la honte et qui commencent une nouvelle vie. L’opération chirurgicale leur permet de retrouver une partie de leur dignité. Mais, après tout ce qu’elles ont enduré, ce n’est pas un processus facile. En plus des soins médicaux, un soutien psychologique permet aux femmes de se réintégrer dans leur communauté. Des activités génératrices de revenu sont aussi organisées.
Depuis 2008, MSF a traité 642 cas de fistules à Abéché. Dans environ 70% des cas, le résultat était parfait (fermeture de la fistule et continence) alors que dans environ 20% des cas, une incontinence partielle est demeurée après l'opération, malgré les meilleurs soins actuellement disponibles prodigués. Dans 10% des cas environ, la fistule n’a pas pu être fermée. Le taux de réussite est plus important lorsque la fistule n’a jamais été opérée auparavant. Une preuve de réussite? Plusieurs femmes sont revenues accoucher (par césarienne) après avoir été opérées et avoir retrouvé une place dans leur couple et leur communauté.
La plus grande satisfaction du Dr. Vadandi? «Nous avons augmenté nos capacités et moi mes connaissances. Mais la plus grande récompense, c’est la reconnaissance des patientes. Grâce au travail de sensibilisation menée dans toute la région, les fistules ne sont plus vues comme une malédiction.»
© Simon Petite/MSF