Irak: l’exode sans fin des réfugiés syriens
© Gabriella Bianchi/MSF
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Comme des milliers d'autres Syriens d'origine kurde, Mohamed et sa famille ont fini par rejoindre le Kurdistan irakien pour s'installer dans le camp de réfugiés de Domiz, qui abrite actuellement plus de 40 000 personnes.
Mohamed est originaire de Derek, une ville kurde située au nord-est de la Syrie, entre les frontières avec l'Irak et la Turquie.
Il s’est par la suite installé à Damas pour travailler comme chauffeur de minibus. Il est père de quatre enfants, dont le plus jeune ne marche pas encore. Mohamed et sa famille ont fui Damas en 2013, lorsque la guerre a éclaté en Syrie et que la ville est devenue trop dangereuse.
Une aide drastiquement réduite
L'aide aux réfugiés syriens vivant dans des camps comme Domiz a été réduite de manière drastique durant l'été et la valeur des coupons alimentaires a chuté de 31 à seulement 10 USD. Chaque jour, de nombreuses familles séjournant dans le camp se préparent à replonger dans l'inconnu et à quitter Domiz pour rejoindre l'Europe, où elles espèrent trouver une sécurité durable et reconstruire leur vie.
«Je ne me réjouis pas de partir. Si je le pouvais, je préfèrerais rester ici, près de mes parents, mais nous n'avons vraiment pas le choix», explique Mohamed. «Jusqu'en août, nous pouvions encore compter sur les coupons alimentaires pour survivre, mais cette aide s'est maintenant arrêtée et nous n'avons plus rien. Cet été, j'ai travaillé pour un fermier, un brave homme que je connais bien. J'ai travaillé très dur: le fermier était le premier à dire que j'étais un excellent conducteur de tracteur. Je devais être payé une fois la récolte vendue. Mais le fermier n'est pas arrivé à vendre la récolte, alors il m'a dit qu'il ne pouvait pas me payer. Je sais qu'il dit vrai.
«Pourquoi n’allons-nous plus au parc?»
Mais comment suis-je censé nourrir ma famille? J'ai emprunté beaucoup d'argent pour remplacer notre tente par une vraie maison en brique. J'ai terminé les travaux il y a quelques semaines seulement. Nous avons à peine commencé à y dormir que nous devons déjà partir. Aucun d'entre nous n'a envie de s'en aller, mais cela devient impossible ici.
La vie à Damas était agréable. J'avais l'habitude d'emmener les enfants au parc durant mes jours de congé. Ils adoraient ça. Depuis que nous sommes arrivés au camp de Domiz, ils me demandent sans cesse pourquoi nous n'allons plus au parc. Mais il n'y a pas de parc ici, seulement de la poussière. Et pourtant, nous préférerions rester. J'ai travaillé dur pour transformer la tente en maison. Il me faut maintenant la vendre, pour rembourser ma dette. De nombreux Kurdes vivant en dehors du camp sont prêts à payer cher pour s'y installer, car, ici, il n'y a ni loyer, ni factures à payer.
Un voyage dangereux
Mais lorsque j'aurai remboursé mes dettes, il ne me restera plus grand-chose pour payer les passeurs, alors nous verrons bien. Nous suivrons les autres, en espérant avoir un peu de chance. Nous voyagerons avec d'autres familles et plusieurs proches. C’est trop dangereux de se voyager seuls. De nombreuses personnes sont confrontées aux mêmes difficultés que nous et s'apprêtent elles aussi à partir. Mes proches attendent juste que je trouve quelqu'un pour acheter la maison.
Rester en contact par «WhatsApp»
Ma sœur veut que sa fille poursuive ses études. Son mari est parti il y a deux semaines, mais a été arrêté et emprisonné en Hongrie. Pendant plusieurs jours, nous sommes restés sans nouvelles: nous ne savions ni où il était, ni ce qui lui était arrivé. Nous avons appris qu'il avait été libéré hier, après que le passeur a soudoyé un gardien.
Les gens restent en contact grâce à WhatsApp. Il y a toujours bien une famille qui a un téléphone portable et le partage avec les autres. Lorsque nous avons quitté la Syrie, nous avons emporté très peu de choses. Cette fois, je prendrai uniquement une clé USB avec toutes nos photos. Quels souvenirs voulez-vous que je conserve après avoir vécu dans une tente pendant des années?
«Je n’ai pas envie de partir»
Nous avons déjà tellement fui, mes parents refusent de déménager une fois de plus. Je suis inquiet à l'idée de les laisser ici. Je n'ai vraiment pas envie de partir, j'ai peur pour ma famille. Même si nous arrivons en Turquie, si j'entends qu'il y a du travail ici, nous reviendrons.»
© Gabriella Bianchi/MSF