La maladie du sommeil: bientôt la fin de l’épidémie?
© Claude Mahoudeau / MSF
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En juin 2010, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que le nombre de cas de maladie du sommeil (trypanosomiase africaine) nouvellement diagnostiqués était passé sous le seuil des 10 000 pour la première fois en 50 ans. L’année dernière, 9 877 cas ont été signalés, contre 17 600 en 2004. L’OMS se félicite évidemment de ce résultat, qui a ravivé les espoirs d'éradiquer la maladie. Le bémol est qu’en réalité, personne ne connaît précisément l'ampleur de la maladie du sommeil et dans certaines contrées éloignées et négligées d'Afrique, l'épidémie fait toujours des ravages.
La maladie du sommeil est une parasitose transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé. Sans traitement, son issue est toujours fatale. Au siècle dernier, la maladie a ravagé l'Afrique. En effet, plusieurs épidémies au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, au Nigéria et en RDC ont entraîné de graves conséquences socio-économiques et décimé de nombreuses familles et communautés. Dans les années 1960, la maladie du sommeil a pourtant été jugulée et faisait figure de problème sanitaire obsolète, avant de resurgir au milieu des années 1970, profitant d'une baisse de la vigilance.
MSF a pu constater que la maladie affectait encore aujourd’hui des centaines de personnes. Jusqu’au début 2009, MSF menait à bien des projets visant à dépister et à traiter les cas de maladie du sommeil dans le Haut-Uélé, dans la province Orientale de la République démocratique du Congo (RDC). Les équipes médicales avaient alors décelé des zones fortement infectées, et la maladie a été dépistée chez environ 3,4 % des 46 601 personnes examinées (1 570 cas), qui ont été traitées. Malheureusement, les conflits ont contraint MSF à interrompre ses activités en mars 2009, et depuis lors, de très nombreux malades ne reçoivent plus le traitement dont ils ont besoin.
Les conflits favorisent également la propagation de cette maladie. Les personnes quittant leur région pour fuir les combats risquent d'emporter avec elles le parasite et d'infecter ainsi de nouvelles zones ou de réactiver la maladie dans les régions où elle avait été éradiquée. En effet, lorsqu'une mouche saine pique une personne malade, elle peut ensuite transmettre l’infection à d'autres personnes, démarrant ainsi un cycle de transmission.
L’ampleur du problème n’est pas encore connue mais les soignants manquent cruellement d'outils pour y faire face. Les méthodes de diagnostic sont dépassées. En cas de suspicion de maladie du sommeil, la ponction lombaire est effectivement le seul moyen de déterminer le stade de la maladie (précoce ou avancé). De plus, jusqu’à l’année dernière, le seul traitement pour le stade avancé de la maladie (stade 2) était la mélarsoprol, un traitement à base d’arsenic, hautement toxique et utilisé depuis 20 ans, qui tue entre trois et dix pour cent des patients. Un nouveau traitement combiné (NECT - traitement combiné nifurtimox-eflornithine) a été accepté par les programmes nationaux fin 2009, ce qui constitue un grand pas en avant. Toutefois, ce traitement exige toujours dix jours d'hospitalisation et n'est pas disponible partout. La poursuite de la recherche et l’élaboration de nouveaux diagnostics et traitements demeurent donc la priorité absolue.
En 25 ans, MSF a traité près de 50 000 cas de maladie du sommeil et reste l'un des principaux acteurs de la réponse aux épidémies. L'organisation mène actuellement des projets en RDC, en République centrafricaine et au Tchad et a relancé ses activités en Ouganda, pays qui déjà a connu de graves épidémies. Il faudra encore fournir d’importants efforts avant de pouvoir annoncer être sur la voie de l’éradication de la maladie du sommeil.
© Claude Mahoudeau / MSF