Mozambique: avec l'aide de la communauté locale, réduire les dangers de la consommation de drogues
© Tadeu Andre/MSF
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Les personnes usagères de drogues font partie des groupes les plus vulnérables et sont exposées à de sérieux problèmes de santé. Pourtant, elles sont aussi parmi celles qui ont le moins accès aux services de prévention, de soins et de prise ne charge en raison de la stigmatisation, de la discrimination et du harcèlement généralisés, souvent liés à la criminalisation de l’usage de drogues. Au Mozambique, les personnes usagères de drogues craignent souvent d'être arrêtées pour avoir transporté des substances et finissent par partager ou même louer des aiguilles pour se les injecter.
Pour leur fournir les soins médicaux et préventifs dont ils ont cruellement besoin, MSF a joint ses forces à celles d'UNIDOS, une organisation communautaire locale travaillant avec les personnes usagères de drogues, pour lancer des activités de réduction des risques dans le bidonville de Mafalala, à Maputo.
Qu’est-ce que la réduction des risques ?
La réduction des risques est un ensemble de politiques, de programmes, et d'actions visant à réduire les dommages causés par l’usage de drogues.
Elle comprend un programme d'échange de seringues, un traitement de substitution aux opiacés (à l'aide de méthadone) et un traitement des overdoses (à l'aide de naloxone). Les programmes de réduction des risques sont recommandés par les organismes internationaux de santé, à savoir l'OMS, l'ONUSIDA et l'ONUDC [Office des Nations unies contre les drogues et le crime], car ils réduisent les dommages liés à l’usage de drogues injectables et ont prouvé qu'ils réduisaient la propagation du VIH et de l'hépatite virale au sein de groupes de personnes s'injectant des drogues.
Au Mozambique, dans le combat contre le VIH, l’hépatite C et d'autres maladies transmises par le sang, fournir des soins pour les personnes usagères des drogues est une mesure importante.Le Mozambique a l’un pays dont les taux d’infection du VIH sont les plus hauts au monde (13,8 % de la population) et il est particulièrement élevé parmi les personnes usagères de drogues. 41 % d’entre elles qui viennent se faire soigner par MSF ont été testées positives au VIH, et 27 % à l'hépatite virale. La prévention de la propagation des maladies transmissibles par le sang chez les usagers de drogues sert l'ensemble de la communauté, car elle réduit l'exposition.
Thé, kits d'injection sûrs et dépistage du VIH : des services spécifiques pour des besoins spécifiques
Les personnes usagères de drogues évitent souvent de se faire soigner. MSF et UNIDOS ont donc décidé de proposer des services répondant à leurs besoins très spécifiques. Le Centro Comunitario para Pessoas que Usam Drogas a ainsi ouvert ses portes en mai 2018. Ce centre d'accueil est un premier point de contact pour accéder à des services de santé destinés aux personnes usagères de drogues. Il propose des tests de dépistage du VIH et d'autres maladies, et veille à ce que les personnes qui en ont besoin reçoivent des soins médicaux pour des pathologies telles que le VIH, les hépatites B et C, la tuberculose et les infections sexuellement transmissibles. Les personnes qui se rendent au centre peuvent recevoir des conseils, un soutien psychosocial et soigner des blessures mineures par des infirmières qualifiées. Pour beaucoup, le centre offre un environnement sûr et sans stress où ils peuvent prendre une douche, laver leurs vêtements, se reposer et se détendre autour d’une tasse de thé.
Pour atteindre les personnes usagères de drogues, les équipes MSF et UNIDOS travaillent avec des éducateurs-parrains (composés d'anciens ou d'actuels usagers de drogues) dans les zones sensibles, là où l'héroïne est consommée. Ainsi, ils parlent aux gens comment se faire des injections sans danger et comment ne pas s’exposer lors de rapports sexuels, ainsi que des services disponibles dans le centre d'accueil. Ils proposent également des tests de dépistage du VIH et de l'hépatite C, et distribuent et collectent des seringues usagées. Cette approche de proximité leur permet d'avoir un meilleur accès aux personnes usagères de drogues, y compris celles qui, autrement, ne se rendraient pas dans les centres de santé ordinaires ou même dans le centre d'accueil.
L'overdose d'opioïdes est l'une des principales causes de décès dans le monde chez les personnes qui s'injectent des drogues. De nombreuses personnes venant au centre d'accueil de Mafalala ont raconté à MSF que des amis étaient morts d'une probable overdose. En réponse, MSF a formé les membres de la communauté à reconnaître une overdose et à administrer la Naloxone, un médicament qui est utilisé pour inverser les effets des opioïdes et qui peut sauver des vies.
Un projet de la communauté pour la communauté
Pour la communauté locale, les activités du centre d'accueil étaient nouvelles. Il était donc important de les impliquer dès le début dans la gestion du projet afin de s'assurer qu'il soit accepté et compris. Un comité de pilotage, composé de responsables communautaires officiels ou non-officiels ‒ des personnes influentes dans le bidonville et, surtout, des usagers de drogues ‒, a été créé pour aider à orienter la gestion du centre d'accueil et représenter les points de vue de la communauté. Le comité aide à répondre aux préoccupations, à relayer les recommandations et à promouvoir la compréhension publique des activités de réduction des risques.
Répondre aux besoins essentiels en matière de santé
Le projet Mafalala a été le premier à piloter un programme complet de réduction des risques au Mozambique. Associer la réduction des risques et des services de santé a constitué un modèle de soins totalement novateur, et entièrement basé sur les besoins des personnes qui utilisent les services.
Le projet pilote MSF/UNIDOS à Mafalala a montré qu'il est possible de répondre aux besoins des personnes usagères de drogues et de mettre en œuvre des activités efficaces de réduction des risques dans un contexte limité en ressources. Les résultats de ses activités ont démontré d'importants bénéfices potentiels en matière de santé publique.
Protéger les personnes usagères de drogues et leur fournir des soins répond non seulement à leurs besoins, mais est également essentiel pour lutter contre la propagation du VIH, de l'hépatite C et d'autres maladies transmises par le sang.
© Tadeu Andre/MSF