MSF demande l’arrêt des expulsions des Etats-Unis vers l’Amérique latine et les Caraïbes

09 avril 2020, Matamoros, Mexique

Mexique5 min

L'organisation humanitaire médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF) demande au gouvernement américain de suspendre toutes les expulsions vers l'Amérique latine et les Caraïbes. Ce procédé, qui déplace des personnes depuis l'épicentre de la pandémie de Covid-19, actuellement aux Etats-Unis, vers des pays où la transmission est plus limitée, aggrave la crise de santé publique dans les régions moins touchées.

« Malgré le risque de contagion et les conséquences en termes de santé des populations, les Etats-Unis ont continué à affréter des vols pour expulser les migrants et les demandeurs d'asile vers leur pays d'origine, dont la plupart ont des systèmes de santé fragiles » explique Marc Bosch, coordinateur de projet MSF en Amérique latine. 

Le Mexique procède également à des expulsions et à des rapatriements volontaires pour les migrants souhaitant retourner dans leur pays d'origine. Au total, entre mars et mi-avril, les Etats-Unis et le Mexique ont renvoyé au moins 6 500 Guatémaltèques, 5 000 Honduriens et 1 600 Salvadoriens. Depuis fin mars, l'administration américaine  a fermé la porte aux demandeurs d'asile, exposant à un risque supplémentaire les personnes fuyant la violence qui, si elles sont expulsées, seront confrontées à la fois au risque du Covid-19 et à des menaces sur leur propre vie.

Il suffit d'un patient positif


Les équipes MSF constatent déjà l'impact, en termes de santé, des déportations qui se poursuivent au plus fort de la pandémie. L'un des abris dans lesquels MSF travaille à Nuevo Laredo, dans l’Etat de Tamaulipas au Mexique, a dû cesser d’accueillir de nouveaux arrivant après que 15 personnes aient contracté le Covid-19, à la suite d’un contact avec une personne porteuse du virus et récemment expulsée des Etats-Unis.

Nuevo Laredo, Mexique, 28 février 2019.

Foyer pour migrants à Piedras Negras, Nuevo Laredo. Dans de telles conditions, respecter les mesures sanitaires de base pour éviter la propagation du virus est impossible.

© Juan Carlos Tomasi

« La situation à Nuevo Laredo montre comment les expulsions des Etats-Unis – pays qui compte le plus grand nombre de cas de Covid-19 au monde – peuvent mettre en danger un nombre incalculable de personnes » déclare Sergio Martín, coordinateur général de MSF au Mexique. « Cela met également en évidence que les abris ont besoin de ressources suffisantes pour adapter leurs installations afin de minimiser les risques de transmission. »

Depuis le début de cette épidémie, les centres d’accueil pour migrants ont fermé partout au Mexique laissant des possibilités limitées aux migrants et aux demandeurs de se prémunir d’une exposition au virus, tout en limitant leur accès aux services de base dont ils ont besoin. Dans le cadre de leurs mesures d'urgence contre le coronavirus, les Etats-Unis expulsent tous les migrants qui ont été arrêtés ou qui ont demandé asile à la frontière avec le Mexique. Là, aucun système fiable n'est en place pour assurer la mise en quarantaine ou l'isolement des expulsés. Cette situation est particulièrement critique dans les villes du nord du pays.

En plus d'être notoirement dangereuses, particulièrement pour les migrants qui sont en permanence victimes de violence à leur encontre, ces villes enregistrent le plus grand nombre de cas de Covid-19 en raison de leur proximité avec les Etats-Unis et des mouvements de populations plus nombreux. 
MSF va bientôt démarrer des activités à Tijuana, à la frontière de San Diego, où le nombre élevé de cas de Covid-19 menace le système de santé.

Le Guatemala et Haïti également impactés

Les conséquences pour la santé publique de ces expulsions qui se poursuivent ne se limitent pas au Mexique. Après que des personnes expulsées soient arrivées malades, le président du Guatemala a récemment mis fin aux vols qui assuraient cette fonction. En Haïti, des personnes récemment déportées des Etats-Unis ont également été testées positives au virus.

Toute mesure qui contribue à la propagation régionale de la maladie ou qui met les gens en danger doit être immédiatement arrêtée

Sergio Martín, coordinateur général pour MSF au Mexique

« La plupart des pays vers lesquels les personnes expulsées sont renvoyées ont des systèmes de santé fragiles » poursuit Sergio Martín. « Le Honduras, le Salvador, le Guatemala et Haïti ont des capacités très limitées en matière de tests, de surveillance épidémiologique, de traitement et de matériel médical disponible, comme par exemple les respirateurs. Une épidémie majeure de Covid-19 pourrait être catastrophique. »    

Les personnes en attente d'être expulsées par les Etats-Unis sont souvent incarcérées dans des centres de détention pendant des semaines, voire des mois. Ces établissements pénitentiaires aux Etats-Unis sont des lieux de prédilection pour une propagation massive de la maladie. MSF a demandé aux autorités américaines de libérer les personnes détenues par les services d'immigration afin de limiter la transmission du virus. Au Mexique, MSF a demandé au gouvernement de fermer ses centres de détention pour migrants à la suite d'une émeute fin mars, au cours de laquelle un citoyen guatémaltèque a trouvé la mort. Les détenus protestaient contre la surpopulation dans la prison et le manque d'information et d'action des autorités mexicaines en matière de prévention du Covid-19. Le Mexique doit également veiller à ce que le processus de rapatriement volontaire des migrants (vers le Salvador, le Honduras ou d'autres pays) soit effectué avec les garanties nécessaires pour éviter la propagation de la maladie, insiste l’organisation.

Actuellement, ces pays ne disposent pas de dispositifs de mise en quarantaine qui garantissent l'isolement sûr des personnes arrivant de l'étranger et leur plein accès aux diagnostics et traitements. 

« Au Salvador, à leur arrivée, les personnes expulsées sont envoyées dans des centres de quarantaine où les conditions sont très différentes de celles du reste de la population entrant dans le pays » explique Stéphane Foulon, coordinateur de projet MSF au Salvador. « Bien que les soins de santé soient assurés, les mesures sanitaires et d'isolement ne peuvent pas toujours être respectées car le flux d'arrivées de personnes expulsées des États-Unis est ininterrompu. »

En plus des pays d’Amérique centrale et latine où l’organisation est présente, MSF adapte ses activités au Mexique, au Guatemala, au Honduras, au Salvador et en Haïti, ainsi qu'aux Etats-Unis pour lutter contre le Covid-19.