MSF prend en charge les victimes des affrontements meurtriers dans la province de Jonglei
© Susan Sandars
6 min
Suite aux récentes flambées de violence entre groupes ethniques rivaux dans la province de Jonglei au Sud Soudan, des équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) prodiguent des soins aux blessés des 2 camps, portent assistance aux personnes qui ont fuit leur village et traite la malnutrition et le choléra.
Les raids inter-tribaux entre les divers groupes dans la province de Jonglei ont pris de l’ampleur ces derniers mois faisant des centaines de morts et poussant des milliers de personnes à se déplacer pour échapper aux violences. Deux des plus violents affrontements ont eu lieu en mars et avril dans les districts de Pibor et d’Akobo causant la mort de plus de 600 personnes dont de nombreux femmes et enfants.
Le 21 avril dernier, les équipes médicales de MSF ont apporté leur soutien à l’hôpital d’Akobo pour y soigner 36 patients souffrant de blessures par balle. Sept enfants étaient parmi les victimes. 8 patients furent également évacués par avion vers l’hôpital MSF de Leer pour y être opérés.
« Presque tous nos patients ont perdu des membres de leur famille dans les attaques. Nous avons entendu des histoires affreuses de femmes et d’enfants attaqués et tués dans leur maison, de nombreux cas d’enfants kidnappés », a déclaré le médecin et coordonnateur médical pour MSF, Jonathan Novoa, à Akobo. « De nombreux patients ont de multiples blessures par balle, un jeune patient âgé de 10 ans a reçu trois balles dans chaque jambe. Une mère que nous avons soignée a perdu 5 enfants ainsi que son mari. Elle a réussi à fuir emmenant avec elle son plus jeune bébé qui avait reçu une balle dans le bras. Tous 2 ont survécu et ont pu atteindre l’hôpital. Les blessés et leur famille sont lourdement traumatisés par ces attaques. Leur maison ainsi que leurs réserves de nourriture ayant été brûlées. Les personnes qui ont pu s’enfuir n’ont rien avec elles. Ces survivants ont dû fuir pour sauver leur vie, n’ayant pu emporter avec eux ni vêtements ni ustensiles de cuisine. Ils dorment dehors. »
Plus de 15 000 personnes sont déjà arrivées à Akobo. Il s’agit d’un moment crucial pour apporter à ces familles une aide alimentaire et matérielle, car ce n’est que récemment que les routes sont redevenues praticables dans cette région marécageuse.
Avec les pluies actuelles, l’accès à cette région ne devrait durer que quelques semaines seulement. MSF a approvisionné l’hôpital d’Akobo en matériel médical, moustiquaires et couvertures pour les blessés. Vu que la nourriture est insuffisante pour nourrir les patients et leur famille, MSF a également acheté des provisions sur place.
De l’autre côté de la province de Jonglei, suite aux attaques de début mars à Lekwongole, une région de Pibor, d’autres blessés ont été évacués vers l’hôpital de Pibor par une équipe MSF. Ici, ce sont plus de 40 blessés par balle traumatisés par les attaques armées qui ont été pris en charge. MSF a également évacué par avion 22 blessés parmi les cas les plus lourds vers les hôpitaux de Juba et Boma pour des opérations chirurgicales urgentes. Neuf de ces patients étaient des enfants, et deux tiers de ceux-ci avaient moins de 5 ans.
Dr Catherine Van Overloop, coordonnatrice médicale pour MSF dans la région de Pibor, explique : « Même plus de 10 jours après les attaques de Lekwongole, des blessés nous arrivaient encore à la clinique. Trop apeurés par le risque de nouvelles attaques, certains se sont cachés dans la brousse sans bouger. Ils ont attendu avant d’oser aller chercher le traitement médical dont ils avaient urgemment besoin. Quand ils sont arrivés ici, leurs blessures étaient encore plus infectées. Les gens sont très craintifs ici. Pendant plusieurs jours après les offensives, les femmes de la ville de Pibor n’osaient pas laisser leurs enfants seuls, par crainte d’autres attaques ou de peur que leurs enfants soient enlevés ou tués. Elles prenaient leurs enfants partout avec elles, même sur leur lieu de travail, les transportant sur leur dos, de peur de devoir fuir une nouvelle fois. »
Les attaques de Lekwongole ont provoqués le déplacement de plus de 5 000 personnes, qui se sont dirigées vers la ville de Pibor. Des familles de la région ont accueilli nombre d’entre elles, leur offrant abris et nourriture. Malgré cela, nous avons constaté une augmentation inquiétante du nombre de cas de malnutrition dans le centre de nutrition thérapeutique de MSF à Pibor. Même si la région de Pibor est traditionnellement en proie à la période de famine, les niveaux de malnutrition que MSF constate actuellement sont les pires depuis 3 ans à cette même période de l’année.
Sans pouvoir retourner à leur village et à leur champ, les personnes déplacées sont les plus touchées par la malnutrition. Depuis l’attaque de mars dernier, les patients représentent plus de la moitié (57 pour cent) des 247 nouvelles admissions au centre de nutrition thérapeutique MSF de Pibor.
Cette année, les habituelles livraisons d’aide alimentaire des autres agences vers Pibor ont sérieusement été réduites à cause de l’insécurité de la région. L’augmentation de la malnutrition est donc une crainte importante, car tant les déplacés que les habitants de Pibor n’ont aucun accès à des sources supplémentaires de nourriture. Suite à l’augmentation alarmante du nombre de patients souffrant de malnutrition, MSF fait pression auprès des Nations unies et du Programme alimentaire mondial ce qui a permis la livraison de 17 camions de nourriture pour venir en aide à ces populations.
Ces deux dernières semaines, MSF a aussi traité 43 cas de diarrhée sévère à Pibor. De nombreux déplacés n’ont toujours pas accès à l’eau potable et puise donc leur eau dans les rivières avoisinantes. Deux des échantillons envoyés en laboratoire confirment qu’il s’agit d’une épidémie de choléra, une maladie hautement contagieuse causée par de mauvaises conditions d’hygiène. Par conséquent, MSF a décidé de renforcer ses équipes dans la région en y dépêchant un nouveau médecin, ainsi que quatre infirmières supplémentaires pour y traiter les patients atteints de choléra.
MSF travaille au Soudan depuis 1978 apportant une aide humanitaire médicale d’urgence. En plus des fréquentes flambées de violence dans la région, la malnutrition prévaut dans la région, les taux de mortalité maternelle sont parmi les plus hauts du monde, la tuberculose et les infections de kala azar sont des problèmes récurrents et les épidémies importantes de méningite, de rougeole, de choléra ou de paludisme sont courantes.
© Susan Sandars