«No Way Out»: un rapport de MSF montre les effets néfastes des politiques migratoires des États-Unis et du Mexique
© Christina Simons/MSF
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Les nouvelles politiques migratoires imposées par les États-Unis et le Mexique piègent de nombreux demandeurs d'asile originaires d'Amérique centrale dans des conditions de vie dangereuses. Celles-ci ont de graves conséquences sur leur santé physique et mentale, selon le rapport publié aujourd'hui par Médecins Sans Frontières (MSF)
Le rapport, intitulé No Way Out, est basé sur 480 entretiens et témoignages de migrants et de demandeurs d'asile d'Amérique centrale, sur les expériences du personnel MSF et sur les données médicales de plus de 26 000 personnes aidées le long de la route migratoire passant par le Mexique, au cours des neuf premiers mois de 2019. Les données médicales témoignent des niveaux élevés de violence et des mauvais traitements subis par les migrants et les réfugiés que ce soit dans leur pays d'origine, le long de la route migratoire ou sous la garde des autorités américaines et mexicaines. Les niveaux élevés de violence dans le Triangle du Nord de l'Amérique centrale (NTCA) sont comparables à ceux des zones de guerre où MSF travaille depuis des décennies. C’est un facteur majeur qui explique la migration vers le Mexique et les États-Unis.
« Il est clair, après des années de récolte de données et de témoignages médicaux, que beaucoup de nos patients fuient désespérément la violence chez eux » déclare Sergio Martin, chef de la mission MSF au Mexique. « Ces personnes méritent d'être protégées, soignées, et, au minimum, d'avoir une chance équitable de demander l'asile. Au lieu de cela, elles sont confrontées à plus de violence le long de la route migratoire et exclues de pays où elles ne seraient pas en danger. Les demandeurs d’asile sont piégés dans des endroits dangereux sans aucun moyen de se mettre en sécurité ».
La violence, omniprésente
Lors des entretiens, 61,9 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été exposés à une situation de violence au cours des deux années précédant leur départ de leur pays d'origine. Près de la moitié des personnes interrogées (45,8 %) ont cité l’exposition à la violence comme l'une des principales raisons de leur fuite. Plus de 75 % des personnes voyageant avec des enfants ont déclaré avoir quitté leur pays en raison de la violence omniprésente, y compris le recrutement forcé par des gangs.
Les gens souffrent également de la violence le long de la route migratoire qui traverse le Mexique : 57,3 % des personnes interrogées ont été exposées à un certain type de violence, y compris des cas d'agression, d'extorsion, d'agression sexuelle et de torture.
Les politiques de dissuasion sévères mises en place par les États-Unis et le Mexique ces dernières années ont accru les dangers pour les migrants et les demandeurs d'asile. En vertu des protocoles de protection des migrants (PPM), les personnes demandant l'asile aux États-Unis sont forcées de rester au Mexique, où elles sont souvent la cible de groupes criminels qui pratiquent enlèvements et extorsions de fond. Rien qu'en octobre, 75 % (33/44) de nos patients de Nuevo Laredo renvoyés dans le cadre du PPM avaient été enlevés récemment.
« Au Mexique, les demandeurs d'asile originaires d'Amérique centrale sont particulièrement les cibles d’enlèvements et de violence, ce qui signifie que leur vie est en danger » explique Sergio Martin. « Sans alternative sûre et légale, ils sont à la merci des réseaux de traite d’êtres humains et des organisations criminelles qui s'attaquent aux personnes les plus vulnérables. Tout cela a de graves conséquences sur leur santé physique et mentale. »
Des conditions de détention inhumaines
Criminaliser la migration expose encore davantage la santé et la sécurité des individus. MSF dispense des soins médicaux et de santé mentale aux personnes qui ont été détenues et expulsées par les autorités américaines. De nombreux patients de MSF au Mexique rapportent avoir été détenus dans des conditions terribles aux Etats-Unis - parfois dans des cellules frigorifiées (hieleras ou glacières selon les termes rapportés), avec les lumières allumées 24h/24, sans nourriture, sans vêtements ni couvertures et avec un accès limité aux soins de santé.
Au Mexique, les équipes ont visité divers centres de détention pour migrants où surpopulation, soins médicaux insuffisants et manque de ressources adéquates sont la norme. Au cours de ces visites, les équipes ont soigné des personnes atteintes de maladies infectieuses et de diarrhées, ainsi que des victimes de violences, en particulier celles ayant des besoins aigus en matière de santé mentale.
Les récentes politiques américaines ainsi que les accords bilatéraux conclus avec le Mexique et d'autres gouvernements de la région démantèlent de fait le système de protection des réfugiés et des demandeurs d'asile. Ces mesures ne laissent aux Centraméricains aucun endroit où se réfugier et aucun moyen d'échapper à la violence.
L'insécurité, la violence omniprésente et l'absence de système de protection adéquat ont des répercussions évidentes sur la santé physique et mentale des patients traités par MSF. Les équipes constatent les pathologies dont souffrent généralement les personnes sur les routes de l’exil : infections respiratoires, maladie de peau et les problèmes musculo-squelettiques aigus. Elles traitent également toute une série de blessures causées par des armes, ou lors d’enlèvements, d’abus sexuels et de viols. L'anxiété, la dépression et les états de stress post-traumatique accentués par un événement violent sont quelques-unes des principales raisons pour lesquelles les personnes nécessitent des soins de santé mentale.
« Ces politiques visant à bloquer le droit d'asile et à renvoyer les gens vers le danger ont aggravé la crise humanitaire dans la région » conclut Marc Bosch, qui supervise les programmes de MSF en Amérique latine. « Les Etats-Unis et le Mexique doivent mettre fin à ces politiques. Les gouvernements de la région doivent placer ces gens au centre des politiques migratoires et veiller à ce que les victimes de violence aient accès à l'aide humanitaire, aux services de santé et à la protection. Toutes les personnes, quel que soit leur statut juridique, méritent d'être traitées avec dignité. »
© Christina Simons/MSF