RD Congo: chassée de chez elle pour la troisième fois en cinq ans
© Amandine Colin/MSF
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Les derniers combats près de la ville de Goma, dans l’est de la RDC, ont à nouveau déplacé des milliers d’habitants. Une mère de famille raconte.
Mère de quatre enfants, Victorine a fui les combats à l’arme lourde qui ont opposé à la fin mai l’armée congolaise aux rebelles du M23 près de la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Comme 5000 autres déplacés, elle a trouvé refuge dans le stade de Sotraki, près de Goma. Ses deux enfants qui souffraient de diarrhée et de malnutrition ont été soignés par Médecins Sans Frontières (MSF).
Victorine est adossée à la clôture qui encadre la tente où MSF a installé sa clinique mobile depuis le 26 mai. Assise par terre, dans la poussière, la jeune femme discute avec quelques amies originaires, comme elles, du village de Kibati au nord de Goma. Très mince, elle est vêtue d’un tee-shirt noir et d’une jupe sales et délavés. A 24 ans, elle surveille d’un œil discret ses quatre enfants, âgés de deux à dix ans. La jeune femme s’est mariée très jeune, elle avait à peine 13 ans. Son mari l’a emmenée loin de son Rutshuru natal pour les environs de Goma. Elle y a mené une vie simple, passée entre les champs et la maison où elle s’occupait de ses enfants. Cela fait des années que Victorine cultive le soja et les haricots. De quoi assurer une vie décente à ses enfants.
Depuis 24 heures, elle est assise par terre, au même endroit. Les déplacés viennent tout juste d’arriver au stade de Goma, après avoir erré pendant plusieurs jours ou trouvé refuge dans des écoles ou des églises. Victorine a passé cinq jours dans une école après avoir fui son village. Les balles sifflaient, les bombes se sont abattues sur des maisons, détruisant tout sur leur passage. Un voisin est décédé, touché par une balle perdue. «On a entendu les bombardements, on a pris peur.»
Village sur la ligne de front
La famille s’est décidée à fuir, pour la troisième fois depuis 2008. La dernière fois, c’était lors de l’attaque de Goma par le M23, en novembre 2012. Victorine et ses enfants ont dû fuir pendant deux semaines. C’est pendant ces événements que son mari a été tué. A 24 ans, Victorine est une jeune veuve dont les chances de remariage sont minces. Qui voudrait d’une femme avec quatre jeunes enfants? «Un mari potentiel n’aimerait pas mes enfants», confie-t-elle avec un sourire las.
En novembre, la famille a passé deux semaines dans une école, le temps que la tension retombe dans la petite commune de Kibati. Cette fois-ci, elle ne sait pas. Elle attend. Mais son village étant sur la ligne de front, elle se prépare à de longues semaines d’errance dans des conditions précaires. Depuis plusieurs mois, la tension est palpable à Kibati. «La vie est dangereuse, il y a de la souffrance», soupire Victorine. «Quand on veut aller travailler dans les champs, il y a des rebelles qui tracassent la population.» Menaces, rackets et viols sont devenus le quotidien des habitants de ce village.
Tout laissé derrière elle
Pour l’instant, l’inquiétude principale de Victorine reste de nourrir ses enfants. «Si j’ai de l’argent, je peux acheter à manger au marché», affirme-t-elle. Malheureusement, elle a fui en n’emportant avec elle que quelques vêtements. Deux de ses enfants venaient d’être reçus au dispensaire de MSF. Ils souffraient tous deux de diarrhée et de malnutrition, probablement à cause des conditions de vie de ces dernières semaines: nourriture insuffisante, latrines inexistantes, eau de mauvaise qualité...
La nuit dernière, Victorine l’a passée à la belle étoile. «Ici même», indique-t-elle en pointant le carré de poussière où elle s’est installée avec sa famille. La jeune femme s’inquiète également de l’état de ses champs, sa maison, qui auront peut-être été pillés ou touchés par de nouveaux bombardements. En attendant, Victorine tente de survivre et de protéger ses enfants.
Les activités MSF dans la région de Goma
Plus de 100 000 déplacés sont actuellement hébergés dans plusieurs camps de déplacés de la région de Goma, la capitale du Nord-Kivu. MSF est active dans deux de ces camps: Bulengo et Mugunga 3. Les équipes se concentrent surtout sur les soins de santé primaire, la vaccination, la prise en charge des violences sexuelles et la prévention des épidémies de maladies contagieuses, comme la rougeole et le choléra.
© Amandine Colin/MSF