RDC: l’hôpital Bon Marché, projet emblématique de MSF, a fermé ses portes

Le service de pédiatrie a été le dernier à être transféré.

4 min

Toutes les activités de l’hôpital, ouvert au plus fort des combats à Bunia en 2003, ont été transférées aux autorités congolaises. Seul subsiste un service d’accueil pour les victimes de violence sexuelle.

En juin 2010, les derniers patients de Bon Marché ont été transférés dans l’hôpital général de Bunia, une ville désormais pacifiée. Un tel transfert aurait été inimaginable sept ans plus tôt. En 2003, quand MSF est arrivée dans cette ville de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), les combats faisaient rage entre les deux ethnies locales. Contrôlé par l’une d’elles, l’hôpital général était inaccessible aux victimes de l’autre camp et il n’y avait aucun service de chirurgie.

L’équipe de MSF décide de s’installer à côté de la piste de l’aéroport, un endroit neutre à proximité d’un camp de déplacés venus chercher la protection des casques bleus de l’ONU. Les médecins investissent un ancien entrepôt appelé «au Bon Marché». L’hôpital du même nom était né.

«On est devenu des frères»

«On tirait de partout, les blessés sont venus de tous les côtés, et quand ils venaient il fallait les accueillir au même endroit. Il y avait des gens qui ont changé de nom de peur d’être reconnu. Quand on était hospitalisé, on se trouvait à côté de quelqu’un de l’autre tribu et quand on sortait de l’anesthésie, il fallait demander à son voisin d’amener de l’eau, on est devenus des frères!» se souvient un ancien employé congolais.

Au plus fort de ses activités, Bon Marché comptera 300 lits et occupera 400 employés, médicaux, non médicaux, expatriés et personnel local confondus. L’hôpital est un endroit neutre, accessible à chacun, quelle que soit son appartenance ethnique. La première année, les équipes effectuent 1500 opérations chirurgicales. Des blessés de guerre, beaucoup d’enfants, des corps affreusement mutilés, des victimes de viol…

Transfert progressif des activités

A partir de 2004, la ville de Bunia est progressivement pacifiée mais l’armée congolaise et la mission de l’ONU peinent à reprendre le contrôle de la province déchirée de l’Ituri. Ces opérations militaires font de nombreuses victimes civiles. Bon Marché sert de base arrière pour les interventions de MSF à l’extérieur de Bunia. L’hôpital se dote de nouveaux services de médecine interne, de pédiatrie ou de maternité. Les actes chirurgicaux sont de moins en moins liés aux violences.

Dès 2007, l’amélioration de la situation permet d’envisager le transfert des activités de Bon Marché aux autorités congolaises. Trois ans seront nécessaires pour assurer la meilleure qualité possible des soins transférés à l’hôpital officiel de Bunia. Pendant cette période, MSF accompagne le personnel du ministère de la Santé pour qu’il se prépare à l’afflux de patients après la fermeture de Bon Marché.

Le service de pédiatrie a été le dernier à être transféré. MSF continuera d’ailleurs d’accompagner les enfants hospitalisés à l’hôpital de référence de Bunia jusqu’à la mi-2011. En revanche, la clinique des femmes et de la famille continue de fonctionner dans l’enceinte de Bon Marché. Elle accueille les victimes de violences sexuelles, encore très nombreuses. Cette structure est maintenant gérée par une ONG congolaise – la SOFEPADI – avec le soutien de MSF.

MSF toujours présente en Ituri et dans les Uélés

«Malgré la passation des activités de Bon Marché, MSF ne quitte pas pour autant Bunia et l’Ituri. A l’approche des élections présidentielles de 2011, la zone est loin d’être complètement stabilisée», insiste Marc Poncin, responsable des programmes en RDC. MSF porte assistance aux populations déplacées autour de la ville de Gety, dans le Sud de l’Ituri, une région toujours en proie aux affrontements entre milices et forces gouvernementales.

Plus au nord dans la même province orientale, MSF apporte, depuis fin 2008, son assistance médicale aux populations victimes des violences de la LRA (Lord Resistance Army), dans les districts du Haut et Bas Uélé. Les exactions de ces rebelles ougandais continuent de terroriser la population et de paralyser toute cette région reculée. Les besoins sanitaires sont énormes mais il reste difficile d’accéder aux patients. En 2010, MSF a pu enfin redémarrer dans la zone le traitement contre la maladie du sommeil, interrompu à cause de l’insécurité.