Soudan du Sud: la peur et la saison des pluies empêchent les gens d'accéder aux soins
© Camille Lepage/Hans Lucas
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La peur et les inondations empêchent les gens d'accéder à de l'aide dans le comté de Pibor (Etat du Jonglei, Soudan du Sud). Près de 90 000 personnes sont toujours portées disparues. On suppose qu'elles se sont réfugiées dans la brousse.
28 000 autres personnes ont quant à elles été retrouvées. Peu d'entre elles cependant reçoivent l'aide dont elles ont besoin.
En mai, les combats entre l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et les milices du chef rebelle David Yau Yau se sont intensifiés. Les violences ont poussé la quasi-totalité de la population du comté de Pibor à fuir vers la brousse. En juillet, c'étaient les affrontements entre des groupes Luo Nuer et Murle – l'ethnie majoritaire dans la région – qui causaient une nouvelle vague de panique. Les autorités locales ont retrouvé près de 28 000 personnes dans et autour du village de Gumuruk, où MSF dirige un centre de santé. Il s'agit d'un des rares endroits accessibles dans cette région marécageuse et peu sûre. Pourtant, l'aide ne se met en route que très lentement, et l'Organisation des Nations Unies (ONU) n'a commencé à enregistrer les gens que ces derniers jours.
La petite clinique de MSF à Gumuruk ne désemplit pas : chaque jour, entre 90 et 100 personnes malades sont vues en consultation. Leurs maux sont en général liés directement aux semaines ou mois passés dans la brousse en pleine saison des pluies : pneumonies et autres affections des voies respiratoires, paludisme, diarrhée ou encore enfants souffrant de malnutrition.
Différentes sources d'inquiétude
Mais l'équipe de MSF s'inquiète : « Les gens viennent au village et restent toute la journée assis à attendre de la nourriture », raconte Carolina Lopez, coordinatrice de l'aide d'urgence de MSF dans le comté de Pibor. « La plupart d'entre eux ont perdu leur bétail lors des récents affrontements. Quant à la saison des semis, elle a été ponctuée de violences. Ces gens sont donc extrêmement vulnérables aujourd'hui. Le soir venu, la plupart d'entre eux retournent sous la pluie vers leurs abris temporaires, leurs sacs vides. »
Autre source d'inquiétude : l'équipe chirurgicale envoyée à Gumuruk n'a rencontré presqu'aucun cas homme blessé lors des combats de juillet, qu'on disait pourtant très violents. « Nous avons pris en charge près de vingt femmes et enfants qui souffraient de blessures gravement infectées. Mais aucun homme ne s'est présenté avec des blessures par balle », explique Martial Ledecq, chirurgien pour MSF à Gumuruk. « Pour autant que nous sachions, les derniers combats qui ont eu lieu dans la brousse datent d'il y a un mois environ. Aujourd'hui, il reste peu de chances que les personnes gravement blessées pendant ces affrontements soient encore en vie. »
Peurs des populations face aux violences
Parmi les patients qui se rendent à la clinique, plusieurs ont déclaré avoir peur de venir chercher de l'aide dans les lieux où l'on trouve une présence militaire. « Mon mari n'ose pas entrer dans le village, il a peur d'être tué », raconte une femme qui est venue chercher des soins et dont le mari est également malade d'après elle. « Si nous entrons dans une ville, les soldats pourraient nous tuer, et si nous fuyons dans la brousse, c'est la tribu ennemie qui pourrait nous tuer. »
« Il y a beaucoup d'autres personnes malades dans la brousse », assure un homme venu porter à la clinique sa fille, dont l'épaule présente une blessure par balle gravement infectée. « S'ils ne peuvent pas venir rapidement à la clinique, ils vont mourir ». Lui-même, dans son état faible et à cause des pluies qui inondent tout, a mis deux jours à arriver ici au lieu de deux heures.
La situation reste critique avec l'arrivée de la saison des pluies
Avec les pluies qui s'intensifient et les conditions de vie qui se précarisent toujours davantage, la situation dans le comté de Pibor reste critique. En dépit des difficultés logistiques – se déplacer dans l'immense marécage qu'est devenu la région constitue un réel défi – MSF compte intensifier ses efforts. MSF souhaite localiser autant que possible les 90 000 personnes probablement éparpillées dans la brousse, dresser un bilan de leur état de santé et répondre aux besoins les plus urgents.
Entre-temps, il est possible d'apporter de l'aide aux 28 000 personnes autour de Gumuruk. Toutes les organisations humanitaires présentes dans l'Etat de Jonglei doivent donc y accroître leurs activités.
© Camille Lepage/Hans Lucas