Tchad : Faim, inondations et choléra
© Boris Revollo / MSF
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Les pluies torrentielles qui ont suivi une interminable sécheresse au Tchad, ont détruit les récoltes, inondé les puits et isolé les villages. Affaiblie par la malnutrition et privée d’accès à l’eau potable, la population se retrouve particulièrement vulnérable à l’épidémie de choléra qui sévit dans cette région.
« Après une longue sécheresse, toute la population attendait avec impatience la saison des pluies, mais cette année, les pluies sont arrivées plus tôt et étaient beaucoup plus fortes que prévu », explique Oscar Niragira, coordonnateur médical pour MSF au Tchad. Au lieu d’irriguer les terres asséchées et les champs arides, les pluies torrentielles ont emporté beaucoup de nouvelles cultures. C’est ainsi que de nombreux Tchadiens ont perdu ce qu’ils cultivaient pour nourrir leur famille, les récoltes qu’ils comptaient vendre pour se procurer d’autres biens, et les semences pour les prochaines plantations.
En plus de menacer la subsistance des Tchadiens, les inondations ont également empêché la population d’accéder aux traitements médicaux. Beaucoup de villages à proximité des projets de MSF à AmTiman et Kerfi sont complètement cernés par les flots, rendant l’accès aux établissements de soins de santé impossible à la population, plus particulièrement aux malades. Les équipes de MSF œuvrant dans ces régions sinistrées prévoient une importante augmentation du nombre de patients, aussitôt que les routes et les oueds redeviendront praticables. Même avant l’arrivée de la mousson, les équipes de MSF constataient un accroissement du nombre de patients malnutris. Dans les semaines à venir, elles s’attendent à voir plus de cas de malnutrition, mais aussi de cas de paludisme, de diarrhée, d’infections cutanées et parasitaires.
« Nous avons procédé à une évaluation dans le village inondé de Kishena, à environ dix kilomètres de Kerfi. Nous y avons trouvé des habitants ayant des difficultés à trouver de la nourriture et se nourrissant de diverses céréales sauvages qu’ils ne mangeraient normalement pas », explique Oscar Niragira. « Nous avons également constaté que la plupart des puits ont été inondés, et que la population puisait de l’eau de sources impropres à la consommation pour s’abreuver. L’eau provient des oueds et est utilisée pour boire, cuisiner ou se laver sans l’avoir fait bouillir au préalable. »
Dans ces conditions, le choléra peut se propager rapidement, et un nombre important de cas a déjà été recensé à travers le Tchad. Entre la fin juin et la fin septembre, 2 422 cas de choléra et 109 morts au total ont été répertoriés dans 12 districts sanitaires, principalement au centre et à l’ouest du pays. Actuellement, MSF tente de contrer les épidémies à N’Djamena, dans la région du Lac et à Bokoro, où, à ce jour, plus de 1 300 patients ont été traités avec l’aide de MSF. « Dans ces endroits, nous avons mis sur pied des centres de traitement du choléra en collaboration avec le ministère de la Santé, nous apportons une assistance technique et un soutien pour l’eau et l’assainissement », explique Oscar Niragira.
Les puits inondés augmentent le risque d’épidémie de choléra, tout comme l’absence de latrines dans certaines régions qui forcent la population à faire ses besoins dans la brousse. D’autres facteurs contribuent aussi à cette épidémie. Alexis Bahati, chef de l’équipe médicale MSF à Bokoro, explique : « Le choléra apparaît de façon saisonnière au Tchad, et les épidémies plus importantes sont cycliques. Le fait que plus de personnes soient touchées par la maladie est probablement lié au fait que les fortes pluies et inondations ont frappé une population déjà affaiblie. Nous avons connu récemment des épidémies de rougeole et des niveaux élevés de malnutrition ce qui a affaibli le système immunitaire de la population. C’est dans ces conditions typiques que prolifère généralement le choléra. »
La situation nutritionnelle ne s’améliore toujours pas. « Ce qui nous inquiète particulièrement pour les mois à venir est ce que nous appelons la "période de soudure", une période qui s’étend entre l’épuisement des réserves de nourriture de l’année précédente et la nouvelle saison des récoltes, car elle risque d’être plus longue que d’habitude, » affirme Oscar Niragira. À ce jour, les équipes de MSF ont traité plus de 27 000 enfants malnutris, parmi lesquels environ 21 743 souffraient de malnutrition grave, et ce nombre est appelé à croître dans les semaines à venir.
MSF dirige actuellement des programmes nutritionnels dans les régions tchadiennes du Hadjer Lamis, du Batha, du Guéra Chari Baguirmi, du Ouaddai et du Salamat, ainsi que dans la capitale de N’Djamena. Depuis le début de l’année, près de 27 666 enfants ont été admis aux programmes nutritionnels de MSF.
© Boris Revollo / MSF