Zambie : MSF participe à la lutte contre une épidémie de choléra dans un contexte de flambée régionale
© Carla Melki/MSF
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À la suite de la résurgence de cas de choléra depuis mi-décembre dans la capitale et plusieurs provinces de Zambie, Médecins Sans Frontières (MSF) participe aux côtés du ministère de la Santé à la réponse d’urgence pour soutenir la prise en charge des patients et la lutte contre la propagation de l’épidémie à Lusaka et Ndola, les deux plus grandes villes du pays. Marc Poncin, coordinateur d'urgence pour MSF suite à son retour de Zambie :
Peux-tu nous décrire l’évolution de l’épidémie de choléra en Zambie et la dynamique de l’épidémie à laquelle MSF a répondu ?
L’Afrique australe et ses habitants connaissent bien le choléra qui ressurgit régulièrement lors de la saison des pluies. Si les épidémies sont récurrentes dans la région, celle qui sévit en ce moment en Zambie se distingue tout particulièrement. Déclarée à Lusaka en octobre 2023, l’épidémie s’est rapidement transformée en la plus grande jamais enregistrée dans l'histoire de la Zambie que ce soit en termes de nombre de cas et de décès que de répartition géographique dans le pays, et l’une des plus graves de la sous-région.
Au moment où nous avons lancé notre intervention, les informations disponibles dans le pays faisaient état d’un afflux croissant de malades et un taux de mortalité très élevé, que ce soit dans les structures de santé ou au niveau communautaire. Début janvier 2024, jusqu’à 700 malades par jour étaient déclarés, conséquence directe d’épisodes de pluie et de regroupement familial lors des fêtes de fin d’année. Alors que le ministère de la santé et ses partenaires s’attendaient à faire face à une épidémie longue et difficile à contrôler, nous avons rapidement constaté un ralentissement soudain de l’épidémie. Cela peut être imputable à plusieurs facteurs, parmi lesquels la mise en œuvre d’un dispositif de réponse coordonné, y compris une vaccination de masse réalisée par le ministère dans la ville de Lusaka la zone la plus touchée, mais aussi des conditions météorologiques inhabituelles pour la saison.
À ce stade, même si la lutte continue pour éteindre les foyers épidémiques encore existants, la diminution des cas est largement favorisée par une période de sécheresse inattendue en pleine saison des pluies. Bien que celle-ci soit bienvenue dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de choléra, son impact sur la croissance des cultures soulève déjà d’autres préoccupations car elle pourrait menacer à plus long terme les récoltes en Zambie.
Comment MSF a-t-elle contribué à la réponse du gouvernement zambien face à l'épidémie ?
Face à la propagation importante du choléra dans le pays sur la fin de l’année 2023, le gouvernement zambien a rapidement mis en place un dispositif de lutte contre l’épidémie sous la responsabilité conjointe du cabinet du vice-président et du ministère de la Santé. Suite à une demande d’assistance du ministère de la Santé, MSF a entamé une collaboration étroite avec les autorités visant à améliorer la stratégie de réponse sanitaire et médicale sur le terrain. En plus d’être engagé dans le système de coordination de la riposte, notre action s’est portée sur le renforcement des capacités de surveillance épidémiologique, de prise en charge médicale et les mesures d’assainissement, de sensibilisation et d’hygiène au niveau de la communauté afin d’endiguer la propagation de la maladie.
Concrètement cela s’est traduit par un renforcement des capacités de prise en charge médicale et de prévention et contrôle de l’infection (IPC) au niveau des centres de traitement du cholera (CTC) de la ville de Lusaka, ainsi que la mise en place d’un dispositif de structures de soins décentralisées, appelés « Points de Réhydratation Orale (ORP) », afin de désengorger les CTC au niveau des hôpitaux de premier niveau où sont référés uniquement les patients présentant les symptômes les plus lourds.
Cette approche, fondée sur l’idée de décentraliser la prise en charge des cas les plus légers, c’est-à-dire ceux ne présentant pas de déshydratation, au niveau des centres de santé urbains (plutôt qu’au niveau des hôpitaux), entend prévenir une surmortalité constatée au sein des communautés dont l’accessibilité aux hôpitaux de ville s’avérait limitée.
Au sein de ces structures médicales décentralisées, le personnel médical zambien qualifié assure l’identification et le suivi médical des cas simples de choléra tout en organisant le transfert des cas les plus lourds vers les hôpitaux spécialisés grâce à la mise en place d’un service d’ambulances disponibles 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Enfin, les équipes sur place ont dispensé de nombreux modules de formation visant à renforcer les compétences du personnel médical et des techniciens en hygiène hospitalière sur la gestion d’une telle épidémie.
Enfin, dans le cadre de notre intervention, notre personnel spécialisé a également contribué, aux côtés des autorités sanitaires, à la rédaction d’un protocole de surveillance et de prise en charge médicale du choléra propre à la Zambie.
Est-ce que la réponse à une épidémie de choléra se limite à des interventions médicales ?
Si l’aspect médical est primordial face à une telle épidémie, il ne peut en constituer la seule et unique réponse. Pour lutter efficacement contre la maladie, il est essentiel d’en comprendre la dynamique épidémiologique et le mode de transmission (généralement de l’eau ou de la nourriture contaminées par la bactérie vibrio cholerae), mais aussi d’impliquer les communautés en les associant à la réponse, notamment en leur permettant de s’approprier la compréhension et la mise en œuvre des mesures de prévention. La promotion de la santé permet ainsi de limiter la propagation de la maladie en donnant les bons réflexes aux familles sur la façon de s’en prémunir au mieux. Par ailleurs, le traitement de l’eau consommée par les populations et l’amélioration des systèmes d’assainissement jouent un rôle crucial dans la réponse à l’épidémie.
C'est pour cette raison que nous avons établi, en plus des nombreux réservoirs d’eau mis à disposition en urgence par l’Etat, un réseau de près de 178 points de chloration de l’eau, disséminés dans certaines zones à risque de Lusaka, afin de fournir aux populations de l'eau propre et sûre. De plus, des kits gratuits contenant du savon, du chlore et des jerrycans sont distribués par MSF aux foyers où de nouveaux cas de choléra sont constatés. Des activités de sensibilisation à l'hygiène sont également menées dans ces zones, grâce à un réseau de volontaires actifs au niveau des cliniques fréquentées par les communautés.
La Zambie est l’un des pays les plus avancés en matière de contrôle et élimination du choléra dans le cadre du groupe spécial mondial de lutte contre le choléra (GTFCC – Global Task Force on Cholera Control). Ces dernières années, la Zambie a considérablement investi dans la protection de sa population à travers des campagnes régulières de vaccination contre le choléra dans les zones les plus à risque de transmission. Néanmoins, l’apparition de cette nouvelle épidémie sans précédent dans le pays en terme de nombre de cas et de décès et de zones géographiques affectées, questionne les mesures de santé publique principalement centrées sur l’immunisation et confirme la nécessité mettre en œuvre des interventions multisectorielles incluant en premier lieu la mise en œuvre d’un programme eau, hygiène et assainissement ambitieux au niveau des grands centre urbains comme Lusaka, et le renforcement des systèmes de santé en plus de l’administration de vaccin anticholérique.
© Carla Melki/MSF