Accord de libre-échange Inde/UE : Nouvelles menaces sur les médicaments génériques

Si l’Union européenne obtient gain de cause, l’accès à des versions génériques bon marché de nouveaux médicaments nécessaires pour enrayer le VIH/sida sera fortement compromis.

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Bruxelles/Genève, le 8 avril 2011 – Alors que les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Inde ont repris à Bruxelles, Médecins Sans Frontières (MSF) exprime ses fortes inquiétudes au sujet de mesures, défendues par l’UE, qui limiteraient la production de médicaments génériques abordables dont MSF, entre autres, dépend pour soigner ses patients dans les pays en développement.

« L’Europe essaie aujourd’hui de faire passer une disposition permettant aux entreprises de contester rapidement les lois et politiques de santé indiennes favorisant l’accès aux traitements, » déplore le Dr Tido von Schoen-Angerer, directeur de la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF. « MSF est une organisation médicale qui dépend très largement de l’Inde pour son approvisionnement en médicaments. Nous demandons donc aux gouvernements européens d’arrêter leurs attaques incessantes contre l’accès à des médicaments abordables. »

Au chapitre sur l’investissement de l’accord, l’UE cherche à imposer des règles plus sévères sur la protection de la propriété intellectuelle. Ces mesures, si elles devaient être adoptées, autoriseraient les entreprises européennes à attaquer le gouvernent indien dès qu’elles considèrent leurs bénéfices – ou « investissements » – menacés par les lois ou la politique de l’Inde. Un groupe pharmaceutique pourrait donc poursuivre le gouvernement indien si ce dernier décidait d’outrepasser un brevet médical, de contrôler les prix d’un médicament breveté ou s’il cherchait, par un autre moyen, à favoriser l’accès à des médicaments génériques moins chers. De telles procédures trouvent généralement une issue au terme d’arbitrages privés et confidentiels, évitant les tribunaux nationaux, et se traduisent souvent par des millions de dollars de dommages et intérêts.

Ces tentatives s’opposent radicalement à la résolution votée hier par le Parlement européen qui stipule que les politiques européennes d’investissement et les accords commerciaux ne doivent pas faire obstacle à l’accès aux médicaments.

« Encore une fois, les dirigeants de l’UE veulent nous faire croire qu’ils n’essaient pas de remettre en cause l’accès aux médicaments. Mais encore une fois, nous constatons que leurs dires sont en totale contradiction avec leurs actions, » explique Michelle Childs, directrice du plaidoyer à la Campagne d’accès aux médicaments essentiels. « Les tribunaux indiens privilégient aujourd’hui la santé publique et l’accès aux traitements, aux dépens des profits des entreprises. Mais il est peu probable que cette jurisprudence s’applique lors d’arbitrages privés. Nous appelons donc l’UE à ne pas soutenir ces mesures lors des négociations sur le chapitre sur l’investissement de l’accord de libre-échange. »

Par ailleurs, le ministre indien du Commerce a déclaré la semaine dernière que la clause sur « l’exclusivité des données » ralentirait la mise sur le marché de traitements génériques bon marché. MSF demande donc à l’Union européenne de confirmer officiellement qu’elle n’incitera plus l’Inde à accepter cette disposition.

D’autres dispositions menaçant également l’accès aux médicaments sont toujours d’actualité dans l’accord de libre-échange. MSF demande à l’UE de clarifier sa position sur ces points.

L’Inde est considérée comme la « pharmacie des pays en développement ». Les médicaments abordables fabriqués dans le pays ont joué un rôle majeur dans le développement de l’accès aux traitements anti-sida, dont plus de 5 millions de personnes bénéficient aujourd’hui. Plus de 80% des médicaments utilisés par MSF pour soigner 170 000 patients séropositifs sont fabriqués en Inde. Les laboratoires indiens fournissent également MSF en traitement contre d’autres maladies comme la tuberculose et le paludisme.