Soudan du Sud: deux décès dus à l'hépatite E en raison de conditions sanitaires déplorables dans le camp de personnes déplacées de Bentiu

Zone d'ordures dans le marché principal du camp de déplacés de Bentiu.

Soudan du Sud4 min

Une augmentation alarmante du nombre de patients atteints d'hépatite E et de diarrhée aqueuse aiguë a été observée dans le camp de personnes déplacées de Bentiu, au Sud-Soudan. L'organisation humanitaire médicale internationale Médecins Sans Frontières alerte : la situation est critique avec déjà deux décès enregistrés en un mois depuis fin juillet.

 

Depuis juillet, les équipes MSF ont traité quatre fois plus de patients atteints d'hépatite E qu'au cours des mois précédents. Sur les 186 cas signalés en 2021, plus de 60% ont été enregistrés sur six semaines, entre juillet et mi-août. Parmi les personnes décédées, l'une d'entre elles était une femme enceinte, comme l'a souligné le ministère de la Santé, en date du 15 août. Il s'agit d'une maladie très préoccupante, en particulier pour ce groupe de personnes car ces dernières sont plus susceptibles de souffrir de maladies graves et le taux de mortalité varie de 10 à 30 %.

Nous avons à plusieurs reprises mis en garde contre les risques sanitaires liés à l'insuffisance des services d'eau et d'assainissement dans le camp de Bentiu. L'incapacité à résoudre ces problèmes, les agences ayant effectivement réduit leurs services d'eau et d'assainissement au cours de l'année dernière, a maintenant abouti à cette situation évitable.

Federica Franco, directrice nationale de MSF

Une hausse exponentielle des cas

L'hépatite E est une maladie virale du foie répandue dans les environnements où l'approvisionnement et l'assainissement en eau sont insuffisants. Elle se transmet le plus souvent par voie oro-fécale, lorsque les personnes ingèrent de l'eau ou des aliments contaminés par les matières fécales d'une personne infectée. Les symptômes sont : la jaunisse aiguë qui donne une coloration jaune aux yeux et à la peau, la fièvre, la diminution de l'appétit, les nausées et les vomissements, les urines foncées et l’hypertrophie du foie, même si certaines personnes ne présentent aucun symptôme.

Les équipes MSF ont également constaté une croissance exponentielle du nombre de personnes souffrant de diarrhée aqueuse aiguë. Alors que nous traitions en moyenne 230 patients par mois tout au long de l'année, nous en avons vu 1 454 en juillet, soit une augmentation de 50 % par rapport au nombre de patients vus en juin. Les enfants de moins de cinq ans sont les plus touchés.

« Nous n'avons pas de récipients d'eau dans notre maison et parfois mes enfants vont se coucher sans se doucher parce que le seul jerrycan que nous avons ne suffit pas pour nous doucher tous les cinq. Nous l'utilisons seulement pour boire », explique Nyaker Deng Bol, 24 ans, résident du camp.

Le manque de savon et de latrines, ainsi que les égouts à ciel ouvert, font partie des problèmes d'hygiène qui contribuent à la situation épouvantable des 100 000 personnes vivant dans le camp. Lors d'une enquête menée par les équipes de MSF ce mois-ci, moins de 27 % des ménages échantillonnés ont pu montrer un morceau de savon lors d'un entretien dans leurs abris. De plus, seulement 13 % des personnes ont accès à des points de lavage des mains avec de l'eau et du savon à proximité des latrines.

Une précédente évaluation de MSF en avril a montré que le nombre de latrines fonctionnelles dans le camp était dix fois inférieur à la norme internationale minimale pour la taille de la population.

Marché principal du camp de déplacés de Bentiu-

Marché principal du camp de déplacés de Bentiu où les gens achètent entre autres, de la nourriture, du charbon et des vêtements. Les conditions d'hygiène sont limitées et de très mauvaise qualité.

© Damaris Giuliana/MSF

​La situation déplorable en matière d'eau et d'assainissement dans le camp de Bentiu n'est pas un phénomène nouveau, mais elle a continué à se détériorer de manière drastique au cours des deux dernières années, laissant une population déjà vulnérable face à un risque élevé d'épidémies, comme nous le constatons actuellement.

Samreen Hussain, coordinateur médical adjoint de MSF

Alors que MSF a mobilisé une réponse médicale, les organisations qui fournissent de l'eau dans le camp de Bentiu ont augmenté leurs services pour faire face à ces conditions de vies inacceptables. Le curage, le nettoyage et la réhabilitation des latrines existantes, la construction de nouvelles infrastructures ainsi que la distribution de savon et de récipients d'eau doivent se poursuivre de toute urgence car les conditions sont toujours extrêmement mauvaises.

Travaillant à Bentiu depuis 2014, MSF gère actuellement un hôpital de 136 lits avec un service d'hospitalisation, une salle d'urgence pour enfants et adultes ainsi qu’un service de chirurgie. Nous fournissons des soins maternels pour les cas en obstétrique compliqués, des soins pour les survivants de violences sexuelles et sexistes, des traitements pour le VIH/sida, la tuberculose et le Kala-azar, des soins de santé mentale, un centre d'alimentation thérapeutique pour les patients hospitalisés, un programme de proximité au sein du camp de déplacés et une prophylaxie post-exposition pour la rage. Nous fournissons également des services d'assainissement des eaux.

Des drains au milieu des abris dans le camp de déplacés de Bentiu.

Des drains au milieu des abris dans le camp de déplacés de Bentiu.

© Damaris Giuliana/MSF