Suspension de nos activités en raison des violences dans le camp de Zamzam au Darfour-Nord

Camp de Zamzam, près d'El Fasher, Soudan. Août 2024.

Soudan4 min

La multiplication des attaques et des combats dans et autour du camp de déplacés de Zamzam, près d'El Fasher au Darfour Nord, rend impossible pour Médecins Sans Frontières (MSF) de continuer à fournir une assistance médicale. Malgré la famine généralisée et les immenses besoins humanitaires, nous sommes forcés de prendre la difficile décision de suspendre toutes nos activités dans le camp, y compris dans notre hôpital de campagne, car nous ne pouvons opérer dans des conditions aussi dangereuses.

Au cours des trois premières semaines de février, nos équipes à Zamzam ont reçu 139 blessé·e·s dans l'hôpital de campagne, la plupart souffrant de blessures par balles et d'éclats d'obus. Conçu pour aider à lutter contre la crise de malnutrition massive qui sévit dans le camp, déclaré en état de famine l'année dernière, l'établissement n’est pas en mesure de fournir des soins de chirurgie traumatologique pour les personnes dans un état critique.

Onze patients sont morts à l'hôpital de campagne, dont cinq enfants, parce que nous ne pouvions pas les traiter correctement ni les référer à l'hôpital saoudien, le seul établissement doté d'une capacité chirurgicale dans la ville voisine d'El Fasher. En janvier et en décembre, deux de nos ambulances transportant des patients du camp vers El Fasher ont été prises pour cible. Aujourd'hui, de nombreuses personnes, y compris des patients nécessitant une chirurgie traumatologique ou une césarienne d'urgence, sont piégées à Zamzam car la situation est encore plus dangereuse.

Yahya Kalilah, notre chef de mission au Soudan

La région a été le théâtre de violents combats entre les Forces de soutien rapide (RSF) et les forces conjointes, une coalition de groupes armés alliés aux Forces armées soudanaises (SAF), avec des conséquences terribles pour les civils. Après 10 mois de siège et de bombardements, les RSF ont intensifié leur offensive sur la ville d’El Fasher ces dernières semaines et ont lancé des attaques contre le camp de Zamzam, notamment les 11 et 12 février. Ces personnes qui luttaient déjà pour survivre voient maintenant leur accès à l'eau et à la nourriture encore plus compromis, alors que le marché central a été pillé et incendié.

« Cesser nos activités alors que la catastrophe s’aggrave à Zamzam est une décision déchirante. Pendant plus de deux ans, nos équipes ont fait tout leur possible pour fournir des soins contre vents et marées, malgré le siège, les pénuries d'approvisionnement et de nombreux autres défis, appelant et attendant une réponse humanitaire plus importante qui ne s'est jamais matérialisée. Cependant,  les conditions de sécurité les plus élémentaires ne sont actuellement pas réunies pour que nous puissions rester, alors que la bataille pour El Fasher fait rage et atteint maintenant directement le camp de Zamzam. La proximité même de la violence, les grandes difficultés d'acheminement des fournitures, l'impossibilité d'envoyer du personnel expérimenté pour un soutien adéquat et l'incertitude concernant les voies de sortie du camp pour nos collègues et les civils ne nous laissent guère le choix », ajoute Yahya Kalilah.

Accueillant environ 500 000 personnes, le camp de Zamzam a vu arriver de nouveaux arrivants fuyant Abu Zerega, Shagra et Saluma, qui sont maintenant hébergés dans des écoles, des bâtiments communautaires ou sous les arbres en plein air. Nos équipes ont entendu leurs récits d’incendies, de pillages, de violences sexuelles, de meurtres, de passages à tabac et autres abus dans les villages et sur les routes de la localité d'El Fasher. Quelques centaines de familles ont également atteint Tawila, parfois pieds nus, après avoir tout laissé derrière eux et échappé à d'horribles violences en chemin.

MSF est profondément préoccupée par la sécurité de son personnel et des centaines de milliers de personnes dans le camp de Zamzam et demande instamment aux RSF, aux Forces conjointes et à tous les acteurs armés présents dans la région de protéger les civils et de permettre à ceux qui souhaitent fuir de le faire sans être inquiétés.

Au Darfour Nord, nous continuons à mener des activités d'urgence à Tawila tout en recherchant tous les moyens possibles pour venir en aide aux populations de Zamzam et d'El Fasher sans exposer notre personnel à des niveaux de risque inacceptables. Ailleurs au Darfour et dans le reste du pays, nos équipes continuent de répondre à des taux catastrophiques de malnutrition et à la crise sanitaire provoqués par ce conflit incessant et les obstructions continues des parties belligérantes, et exacerbées par une réponse humanitaire défaillante. MSF réitère son appel à une augmentation drastique de l'assistance dans les nombreux endroits où cela reste possible. Les belligérants doivent permettre un accès sans entrave à l'aide, tandis que leurs alliés et les États influents doivent user de leur poids pour réduire ces obstacles qui répandent la mort et la famine.