Bahar Nemr, du camp de réfugiés de Domiz au Danemark
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Cinq ans après le de début du conflit en Syrie, Médecins Sans Frontières donne la parole aux Syriens qui ont fui leur pays pour échapper aux violences. Tous vivaient paisiblement avec leur famille quand le conflit armé les a rattrapés et contraints à prendre le chemin de l’exil.
Au téléphone, sa voix tremblante en dit long sur sa souffrance. Bahar Nemr est syrienne. Elle vit depuis 7 mois dans un centre de réfugiés au Danemark qui vient de lui accorder le droit d’asile.
Nemr a travaillé trois ans durant avec Médecins sans Frontières (MSF) dans le domaine de la prévention sanitaire au sein du camp de réfugiés de Domiz, en Irak.
Agée de 36 ans, elle est née à Damas en Syrie où elle travaillait comme comptable dans une société privée.
Tous les ingrédients étaient réunis pour que cette jeune kurde ait une vie paisible dans son pays: Un travail gratifiant, une famille aimante et un mari ouvert et protecteur.
Mais c’était sans compter la violence qui ravage la Syrie depuis 2011 et qui a fini par transformer ses rêves en cauchemars.
«En 2012, j’ai perdu mon mari. Il était mort sous la torture contre lequel il manifestait souvent. Soudain, la vie est devenue plus difficile à supporter» raconte –t-elle avec tristesse.
Commence alors la descente aux enfers pour cette maman de deux enfants (une fille de 14 ans et un garçon de 11 ans).
Prise dans le tourbillon de la violence, elle décide de quitter Damas fin 2012 et se réfugier dans le camp de Domiz en Irak. Sur place, elle passe trois ans, en compagnie de ses enfants, de sa maman et son frère, tout en travaillant avec MSF.
Alors qu’elle rêvait de revenir un jour dans sa ville natale, Bahar Nemer se voit, au contraire, obligée de rallonger le chemin de exil qui l’a conduit jusqu’au Danemark.
Les raisons du départ sont multiples : «je voyais tous les jours des gens fuir le camp. La vie est devenue dure à l’intérieur. Pas d’avenir pour moi ni pour mes enfants. Je ne pouvais même pas aller à Dohuk. Je n’avais plus de travail et les irakiens se comportaient mal avec les femmes kurdes» explique-t-elle.
«C’est mon père qui a réglé la facture de mon voyage»
Cap alors sur le vieux continent. Laissant ses enfants et sa mère au camp, Bahar Nemr traverse la frontière irakienne et se rend en Turquie à pieds. Le voyage dure deux jours.
A Istanbul, elle attend 15 jours, le temps que son père trouve un passeur pour la conduire jusqu’en Europe. « Je n’ai rien payé. C’est mon père qui a réglé la facture du voyage. Il voulait tellement que je parte pour une vie meilleure et que ma famille me suive après ».
Un long et dangereux voyage. «Nous avons roulé pendant 4 jours sans arrêt. J’étais seule avec le passeur. Je ne le connaissais même pas. Il m’a cachée dans une espèce de boite en bois. On aurait dit un cercueil. J’étais plus ou moins allongée à l’intérieur. Je ne voyais rien. Ni la route ni les villages que nous traversions. J’étais comme une prisonnière.». Et de continuer : «On ne s’arrêtait que la nuit pour faire nos besoins ou pour respirer un peu l’air frais. Pour ne pas mourir de faim, je me nourrissais de dates et buvais de l’eau. Il n’y avait rien d’autre. C’était l’enfer. Je ne pensais pas survivre à un tel voyage. Mais je n’avais pas le choix. J’ai tout accepté pour mon bien et celui de ma famille ».
«J’avais peur qu’on me renvoie en Syrie»
Après la traversée de nombreux pays européens à ses risques et périls, Bahar Nemr est enfin déposée à la frontière entre l’Autriche et le Danemark. De là, avec de nombreux réfugiés syriens qu’elle a retrouvés sur place, ils ont pris un bus en direction de la première ville danoise et se sont remis aux autorités locales. « A ce moment, j’étais à la fois contente et paniquée. Contente d’avoir rencontré d’autres personnes qui ont fui la Syrie et l’Irak comme moi, mais paniquée à l’idée d’être entre les mains de la police locale qui pouvait me renvoyer sur le champ».
Après avoir confisqué ses papiers d’identité et interrogé, la police danoise a conduit la jeune réfugiée syrienne dans un centre de réfugiés, où elle vit depuis juin 2015. Après sept longs mois de procédure judiciaire, elle a obtenu le droit d’asile dans ce pays.
Une semi délivrance par cette femme kurde qui ne comprend pas pourquoi on lui refuse de ramener ses deux enfants au Danemark. « Je dois attendre 3 ans pour le faire. Le temps d’avoir une carte de résidence. Or, pour moi, vivre tout ce temps-là loin de mes enfants, est juste insupportable » conclut-elle.
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