Balkans: des violences à la frontière entre la Hongrie et la Serbie
© Evgenia Chorou/MSF
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Mardi 28 mars 2023 — Médecins Sans Frontières (MSF) appelle l'Union Européenne (UE) à renforcer le contrôle des activités des forces de sécurité à la frontière serbo-hongroise alors que ses équipes soignent des blessures causées par des violences.
À l’occasion de la récente visite d'une délégation de hauts responsables de l'UE à la frontière entre la Serbie et la Hongrie, MSF attire l’attention sur les violences commises à l'encontre des réfugiés, des migrants et des demandeurs d'asile aux frontières de l'Europe.
Depuis le mois de janvier 2021, les équipes médicales de MSF ont comptabilisées 498 personnes prises en charge dans la région pour des traumatismes multiples comprenant contusions, hématomes et fractures fermées suite à des violences commises par les forces frontalières.
« Les blessures physiques et les récits de nos patients font état d’une violence intentionnelle et continue visant à dissuader les demandes d'asile dans l'UE », constate Duccio Staderini, chef de mission de MSF dans les Balkans.
Aux abords de la frontière entre la Serbie et la Bulgarie, les patients racontent avoir été dépouillés de leurs vêtements et de leurs biens, battus avec des matraques et des branches d'arbre, poursuivis par des chiens lâchés sur eux, et aspergés de gaz au poivre ou lacrymogène.
Les patients témoignent également d'autres formes de traitements inhumains et dégradants parmi lesquels la confiscation et la destruction d'effets personnels, le confinement dans des cellules d'isolement, ou encore des chutes intentionnellement provoquées depuis des clôtures et des échelles.
Le 16 mars, la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, et le nouveau chef de l’agence FRONTEX, ont visité le poste-frontière officiel entre les localités de Horgos, en Serbie, et Roszke, en Hongrie, où des refoulements violents par les gardes-frontières sont régulièrement constatés. Au cours de sa visite, Mme Johansson a salué le succès des efforts conjoints dans la lutte contre la "migration illégale" en direction de l'Europe.
« Les représentants de l'UE ont intentionnellement décidé de fermer les yeux sur ce recours excessif à la violence dont nous sommes témoins à leurs frontières, poursuit Duccio Staderini. Cette visite montre le vrai visage de la présence de l'UE dans les Balkans : davantage de fonds alloués à la sécurité, une plus grande présence de FRONTEX et une augmentation des retours et de la surveillance ».
Il y a deux ans, FRONTEX suspendait ses opérations du côté hongrois de la frontière avec la Serbie à la suite d'une décision de justice selon laquelle la Hongrie avait enfreint la législation de l'UE en procédant à des refoulements illégaux de migrants en provenance de Serbie. Au mois de décembre 2022, FRONTEX a déplacé ses opérations du côté serbe de la frontière dans le cadre du projet de l'UE visant à externaliser la gestion des migrations vers les pays tiers voisins.
Les équipes de MSF travaillent en Serbie depuis 2014, fournissant des soins médicaux aux réfugiés, aux migrants et aux demandeurs d'asile sur la route des Balkans. En janvier 2021, les équipes MSF ont commencé à travailler dans la région frontalière entre le nord de la Serbie et la Hongrie, et en janvier 2023, MSF a également démarré des activités dans la région frontalière entre le sud de la Serbie et la Bulgarie.
Le passage de la frontière entre la Bulgarie et la Serbie nécessite trois à quatre jours de marche sur des routes de montagnes. Ceux qui entreprennent ce voyage n'ont souvent ni nourriture, ni eau, ni abri et sont confrontés à des conditions météorologiques souvent dures. En février, deux personnes, dont un enfant, sont mortes de froid sur cette route. En 2023, les équipes de MSF à Pirot, du côté serbe de la frontière, ont reçu et pris en charge 1 944 personnes pour des engelures, des blessures infectées, des fièvres, des lésions cutanées ainsi que des symptômes d'épuisement.
« Les États membres de l'UE continuent de préférer la défense de leurs frontières à la protection des personnes, conclut Duccio Staderini. Cela doit cesser ».
© Evgenia Chorou/MSF