Dépistage du cancer du col de l’utérus: nos patientes reprennent la main sur leur santé sexuelle
© Laura Aceituno
Honduras6 min
Le cancer du col de l’utérus, derrière le cancer du sein, est le deuxième cancer le plus meurtrier chez les femmes. Il est causé par une infection au PVH. Trois patientes témoignent de leurs expériences, préjugés et chemin vers le dépistage et une meilleure compréhension de la maladie.
« Je n’avais jamais entendu parler du virus auparavant »
« Je suis effrayée. Pour être honnête, c’est la première fois que j’effectue un examen cytologique. Je me suis renseignée sur internet à propos de la procédure et de ce qu’elle permettait de détecter, à la suite d’une discussion avec une amie qui a piqué ma curiosité », raconte Lorena*, une mère de deux enfants qui effectue à 30 ans le premier dépistage cytologique – aussi appelé « test de Papanicolaou » - de sa vie au centre de santé La Bueso.
C’est dans un bâtiment au bord d’une route poussiéreuse, dans le nord du Honduras, qu’une équipe mobile Médecins Sans Frontières (MSF) fournit des services à plus de 30 femmes d’une communauté rurale. En plus de soins pré- et postnataux et de services de santé reproductive, notre équipe réalise des dépistages cytologiques pour la détection précoce du papillomavirus humain (PVH) et la prévention du cancer du col de l’utérus.
« Je suis venue aujourd’hui car mon mari est atteint par une infection depuis quelques jours. Son urologue nous a conseillé que j’aille également consulter une gynécologue. Je suis donc allé la voir, et elle m’a recommandé d’effectuer un examen cytologique », ajoute Lorena.
L’équipe MSF travaillent dans ce centre de santé un jour par semaine. Ils y invitent les femmes des alentours à venir se faire tester, sachant que pour nombre d’entre elles l’accès aux transports pour se rendre dans une autre structure de santé est très limité. Certaines viennent en vélo, d’autres en bus ou encore en mototaxis. Le groupe du jour est composée de femmes entre 20 et 50 ans. La plupart d’entre elles confient ne jamais avoir effectué un dépistage auparavant, car elles ne connaissent ni la procédure ni ce qu’elle permet de détecter. L’équipe MSF les informe donc au préalable sur la cytologie, le PVH ainsi que sur d’autres problèmes liés à la santé reproductive et sexuelle.
« C’est ma mère qui m’a recommandé de faire une cytologie »
À l’extrémité ouest du département de Cortés, isolée au pied de la chaine montagneuse Merendón, se trouve La Jutosa, une petite population dont le centre de santé ne dispose pas du personnel compétent pour effectuer des cytologies sur les femmes de la région.
Marcela*, 19 ans, confie ce jour-là avoir peur d’effectuer une cytologie. Elle n’en a pas faite depuis plus de deux ans et a peur qu’une maladie soit détectée en lien avec la sensation de malaise qu’elle ressent depuis quelques temps.
« J’ai effectué mon premier dépistage il y a deux ans, lors de ma première grossesse. J’étais traitée à la clinique infantile et maternelle (CIM) de Choloma. À cette époque, un cousin m’avait recommandé de m’y rendre et c’est là que j’ai eu mon premier dossier médical avec MSF. Au CIM, j’avais parlé de santé sexuelle et reproductive et de maladies sexuellement transmissibles.
J’ai un partenaire, et ma mère m’a toujours conseillé de me faire tester. L’église aussi nous conseille toujours d’aller voir un médecin. Depuis plusieurs jours, je ressens un malaise et une certaine douleur, donc je suis venue pour ce check-up car cela faisait plusieurs années que je n’en avais plus effectué. Je sais que beaucoup de femmes ne viennent pas car elles n’ont pas assez d’argent ou de temps, qu’il n’y a pas de médicaments et que les résultats prennent du temps à arriver.
Parfois, les femmes se négligent, se laissent distraire par les hommes. Elles ne veulent pas toujours assumer des responsabilités. Je crois que les gens sont conscients de l’importance de rapports sexuels protégés et de l’existence du dépistage cytologique. Mes ami·e·s connaissent, ma mère connait. Mais tout le monde n’en fait pas car sans travail, c’est trop cher ».
« J’ai six enfants, et c’est la première fois que j’effectue une cytologie »
Rocío, 33 ans, s’est également rendue dans ce centre. Elle est ici pour une consultation générale mais veut en profiter pour faire un examen cytologique. Elle raconte que plus jeune, elle ne savait pas ce qu’était le PVH ni que le cancer du col de l’utérus pouvait être évité grâce à ce genre d’examens. Malgré qu’elle ait 6 enfants, elle n’a jamais fait de cytologie.
« Je venais vraiment uniquement pour une consultation de routine, mais une dame m’a dit qu’ils faisaient des cytologies alors j’ai voulu en profiter. La seule chose, c’est que je me sens effrayée et embarrassée car je n’en ai jamais faite auparavant. Je suis inquiète car depuis quelques semaines je ressens une douleur dans l’abdomen, et c’est particulièrement étrange car mon mari est aux Etats-Unis depuis 4 mois, donc je n’ai pas eu de relations sexuelles depuis. Pour être honnête, je n’avais jamais entendu parler du virus avant aujourd’hui. »
*Les noms marqués par une astérisque ont été modifié pour respecter la vie privée de nos patientes.
Cinq choses à savoir sur la cytologie
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère le cancer du col de l’utérus comme un problème de santé publique qui affecte de nombreuses femmes. Ce cancer est en grande partie causé par le papillomavirus humain (PVH) et peut être évité dès le plus jeune âge grâce à un vaccin contre le PVH. Un diagnostic précoce est également possible via un examen cytologique, aussi connu sous le nom de « test de Papanicolaou ».
- Le cancer du col de l’utérus, derrière le cancer du sein, est le deuxième cancer le plus meurtrier chez les femmes. Il est causé par une infection au PVH. Nous savons que certains groupes de papillomavirus sont plus cancérigènes que d’autres. C’est pourquoi la vaccination, qui protège contre ces groupes, est importante pour se protéger de ce virus.
- Dans sa phase initiale, ce cancer ne génère que peu de symptômes. Mais une fois qu’il se développe, il le fait d’une manière rapide et agressive. C’est la raison pour laquelle il est si important de régulièrement faire des cytologies pour le détecter dans sa phase initiale.
- Une cytologie est une procédure rapide, qui dure moins de cinq minutes et qui n’est pas douloureuse. Un médecin extrait des cellules du col utérin qui sont ensuite envoyées en laboratoire pour déterminer la présence ou non de lésions précancéreuses ou d’autres maladies sexuellement transmissibles.
- La cytologie est importante car elle nous permet de prévenir le développement du cancer dans des phases plus avancées et graves. La détection précoce permet, dans le cas où une lésion précancéreuse est découverte, de mettre en place une procédure de traitement curatif.
- C’est important pour toutes les femmes d’effectuer régulièrement des tests cytologiques. Les dépistages réguliers nous permettent de prévenir des maladies et des cancers du col de l’utérus.
© Laura Aceituno