Honduras : aider les patient·e·s dans leur lutte pour améliorer leur santé mentale
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Médecins Sans Frontières (MSF) travaille à faciliter l'accès aux services de santé mentale pour les habitant·e·s dans le nord du Honduras. En 2023, nos équipes ont assuré plus de 4 430 consultations en santé mentale, un chiffre qui a doublé par rapport à 2022. MSF a aussi élargi l'accès gratuit aux médicaments psychotropes pour les personnes en ayant besoin. Quelques patient·e·s partagent leurs histoires.
MSF améliore l'accès aux services de santé mentale au Honduras par le biais du programme mhGAP, développé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce programme consiste en la formation, l'accompagnement et la supervision clinique du personnel médical, afin de l'aider à identifier et à gérer les besoins en santé mentale par des interventions psychosociales et la prescription de médicaments.
Joel : « Séance après séance, on se rend compte qu'il ne s'agit pas d'être fou ou non, mais plutôt d'améliorer sa santé mentale »
« Ma première réaction lorsque l’on m’a conseillé de consulter un psychologue a été étrange. « Je ne suis pas fou ! », me suis-je dit. Mais au fil des séances, on se rend compte que l'enjeu n'est pas de savoir si l'on est fou ou pas, mais bien d'améliorer sa santé mentale », explique Joel, un homme de 32 ans vivant à La Lima.
Il y a plusieurs années, Joel a eu un accident de voiture dans lequel il s'est cassé plusieurs os. Les douleurs étaient telles qu’il a été contraint de s’injecter des médicaments pour se soulager. « Je ne savais pas qu'il s'agissait d'un médicament addictif, qu'il pouvait entrainer une dépendance. Je l'ai utilisé pendant de nombreuses années, m'injectant jusqu’à 20 fois par jour. J'ai tenté de me suicider à deux reprises, à cause de la douleur et car il m’était impossible d'arrêter le médicament », confie-t-il.
« Le programme nous aide beaucoup, il m'a beaucoup aidé. Je l'ai fait avec beaucoup de volonté, car la grande souffrance que je traversais était quelque chose dont je voulais sortir et ne pas retomber. J'ai vécu des choses horribles et difficiles. Avoir l'opportunité de les surmonter est quelque chose que je ne veux pas gâcher. »
Son témoignage confirme les progrès accomplis : « La santé mentale ? Je n’y croyais pas, je ne la prenais même pas au sérieux. Mais en voyant comment je me suis amélioré et me suis senti de mieux en mieux, je peux maintenant vous dire que la santé mentale, c'est très important ! »
Elvia : « MSF m’a aidée à sortir de cette crise et à devenir une personne stable »
Elvia, 52 ans, originaire de San Pedro Sula, est patiente depuis plus de six mois. Elle souffre des violences vécues durant son enfance ainsi que de discriminations persistantes. « Je suis discriminée en raison de mon âge et de ma couleur de peau, car je suis une Garífuna, une communauté ethnique des Caraïbes honduriennes. »
Elle explique subir de la discrimination également lorsqu’elle cherche des soins de santé. « Il ne s'agit pas seulement de commentaires racistes, la discrimination se produit également dans le secteur de la santé. Je vis avec le VIH depuis 25 ans. Cela m'a fait encore plus de mal dans la vie. Les patient·e·s séropositif·ve·s ne sont pas pris·e·s en charge et nous sommes toujours renvoyé·e·s vers le SAI [un service de soins où les personnes séropositives sont traitées de manière isolée]). »
Interrogée sur les raisons de ses visites à la clinique MSF, elle raconte : « J'ai été violée à l'âge de 10 ans et je n'ai jamais été prise en charge pour ce viol. J'y pensais tout le temps. Je n'ai jamais été totalement heureuse et ma famille ne l'a jamais su. Récemment, j'ai également été victime d'un viol sur une plage. J’en suis venue à me demander plusieurs fois si je n’étais pas née pour être violée… »
Lorsqu’elle avait 8 ans, Elvia a perdu sa mère. « Il y a eu trop de pertes dans ma vie », dit-elle, avant de continuer : « Mon père était un macho. Ma sœur et moi sommes allées vivre chez notre grand-mère et son compagnon se levait toutes les nuits pour essayer de nous abuser. » Plus tard, Elvia a vécu avec une autre de ses grands-mères, dont le compagnon a également essayé d'abuser d'elle. « Lorsque j'en ai parlé à ma grand-mère, elle m'a frappée et m'a jetée à terre en me disant "arrête de le diffamer". Mais je préférais être frappée que touchée. »
Elle poursuit : « Je ne voulais pas de cela dans ma vie, je ne voulais pas être touchée. J'avais des projets, je voulais me marier, comme tout le monde. Mais j'étais malade mentalement, j'étais très déprimée, un peu déséquilibrée par tous ces problèmes. Mais ici, dans la clinique MSF, on m’a aidée à sortir de cette crise, et je suis maintenant une personne stable sous traitement, grâce à Dieu. Je sais déjà ce que je veux et comment je le veux. Je cherche des moyens de résoudre les problèmes et je ne me dévalorise pas. »
Milson : « J’apprends encore à vivre avec l'anxiété et cela m'a beaucoup aidé »
Milson, 36 ans, est membre de la communauté LGBTIQ+ et se consacre à la fabrication artisanale d'objets en porcelaine. Cela fait une année qu’il suit une thérapie et prend des médicaments psychotropes fournis par l'équipe de MSF, motivée par son partenaire.
« Je souffre d'anxiété généralisée, j'ai des crises de panique. Mon compagnon a vu que j'allais mal et m'a incité à venir ici. Je voulais aussi me donner une chance d’aller mieux. J'ai également des troubles du sommeil, alors ils m'ont donné des médicaments contre l'anxiété et pour dormir. C'est un avantage, parce qu'ils donnent les médicaments directement ici et gratuitement, je n'ai pas besoin d'aller les chercher ailleurs. »
Milson explique que ses précédentes tentatives avec des psychologues n'ont pas été concluantes. « La communication n'était pas efficace, et je n'ai pas trouvé de bénéfices ou de techniques utiles. Cela m'a déçu », explique-t-il. « Avec MSF, outre le fait qu'il s'agisse d'un espace sûr pour les membres de la communauté LGBTIQ+, j’ai pu tissé des liens avec la psychologue. Le traitement est attentionné et les séances régulières. »
Portrait de Milson.
Milson a une activité qui l’aide au quotidien : s'occuper de ses plantes. « J'en ai plus de 30 aujourd'hui. Ma psychologue m'a dit de m'en occuper davantage. J'essaie de les faire revivre, je me lève tôt pour les arroser, je leur parle, je les surveille », dit-il.
À propos des résultats, Milson partage ses avancées : « Avant, il m'était difficile d'être en public, là où il y avait beaucoup de monde, parce que je me sentais mal, j'étais anxieux. Maintenant, je peux sortir, aller manger au restaurant. Parfois, votre esprit vous dit que c’est impossible, mais si vous faites votre part et que vous avez foi en Dieu, vous pouvez y arriver. Ce n'est pas facile, mais avec de l'aide on peut y arriver, et j'encourage les gens à chercher de l'aide si elle existe ! »
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