Évacuations des campements à Paris: à quand une véritable solution pour les exilé.e.s?
© Mohammad Ghannam/MSF
France4 min
Le 27 novembre, les autorités françaises ont évacué une partie du camp de la Porte d'Aubervilliers, au nord de Paris, où plus de 2 000 personnes survivent dans des tentes de fortune et des abris le long du périphérique. Médecins Sans Frontières, régulièrement sur place pour offrir des consultations médicales, alerte avec 22 autres organisations sur le manque de solutions durables et la violence persistante contre les migrants à Paris.
Le 6 novembre dernier, le gouvernement s’est engagé à réaliser avant la fin de l’année l’évacuation des campements parisiens, en promettant l’inconditionnalité de l’hébergement de l’ensemble des personnes.
Une opération de mise à l’abri s’est déroulée le lendemain Porte de la Chapelle et avenue Wilson à Saint Denis, mais contrairement aux engagements pris, le principe d’inconditionnalité n’a pas été respecté. Dans les 48 heures, nous avons constaté le retour à la rue de plusieurs dizaines de personnes, ces dernières « ne correspondant pas aux critères administratifs requis ». Leurs tentes et duvets ayant été détruits lors de l’évacuation, pour ces personnes, une nouvelle errance commence dans le dénuement le plus total.
Une mise à l’abri sous-dimensionnée puis annulée
Le 21 novembre, une mise à l’abri d’environ 350 personnes était prévue sur le campement de la Porte d’Aubervilliers, alors que plus de 2 000 personnes y vivent. Plusieurs centaines de personnes, dont des familles, ont attendu des heures dans la nuit et le froid afin de pouvoir en bénéficier. Les bus de la Préfecture d’Ile-de-France sont bien venus les chercher, mais sont repartis à vide, en raison de l’absence des forces de police pour assurer la sécurité de l’évacuation. Cette opération catastrophique illustrant les désaccords entre les Préfectures d’Ile de France et de Police a eu pour conséquence de fragiliser encore davantage des personnes déjà extrêmement vulnérables.
Hier, toujours à la Porte d'Aubervilliers, des centaines de migrants ont fait la queue pour monter dans les bus de la préfecture, mais tous n'ont pas pu y avoir accès. 500 personnes seulement ont pu être évacuées. Parmi ceux qui sont restés sur place, certains se sont retrouvés sans tentes et sacs de couchage, ceux-ci ayant été détruits pendant l'opération.
La politique de « zéro-retour » : seul engagement respecté à ce jour
En parallèle, la Préfecture de Police a annoncé la mise en place d’une stratégie de « zéro-retour » Porte de La Chapelle, renforçant le déploiement des forces de l’ordre dans la zone pour éviter toute reconstitution de campement. Ce harcèlement policier qui contrôle, disperse et invisibilise les exilé.e.s semble pour l’instant être la seule promesse tenue. Pourtant, il ne résout en rien la situation des personnes à la rue, et ne permet pas à celles et ceux qui le souhaitent de demander l’asile dans de bonnes conditions.
Bien au contraire, les exilé-e-s sont poussés à se cacher et à vivre dans des conditions inqualifiables. Cette politique réduit leur accès aux distributions alimentaires, aux soins, aux informations sur leurs droits, et les éloigne encore davantage du système d’hébergement. Nous avons déjà observé l'inefficacité de tels dispositifs policiers Porte de la Chapelle en 2017 et au Millénaire en 2018 : leur seul effet est de déplacer les campements sur d’autres sites moins visibles.
L’errance sans cesse renouvelée
Nous, collectifs et associations engagées auprès des personnes exilées dans le Nord-Est parisien, alertons une fois de plus, après 59 évacuations en 4 ans, sur ce cycle infernal fait de campements, évacuations et harcèlements policiers. 59 fois, une prise en charge inconditionnelle et durable a été promise mais effectuée dans la plus grande opacité. 59 fois, dans les semaines qui ont suivi, nous avons observé le retour à la rue d’hommes, de femmes et d’enfants, contraints de se disperser et de s’isoler pour éviter tout harcèlement policier. Nous ne cessons de dénoncer la volonté du gouvernement de maintenir ainsi ces personnes dans la précarité, et nous ne cessons de nous indigner de cette mise en danger délibérée. Nous sommes très inquiets de cette nouvelle dégradation de la situation à l’approche de l’hiver. Le gouvernement ne peut continuer de reproduire ces opérations d’évacuations sans garantir un hébergement pérenne, un accès aux soins et à aux droits pour toutes les personnes exilées sur le territoire.
© Mohammad Ghannam/MSF