Guinée: «Les gens oublient qu’on peut toujours mourir de la rougeole»

Si la rougeole est considérée comme bénigne dans les pays développés, en Guinée, elle a déjà tué.

3 min

L’organisation va vacciner près de 400 000 enfants de 6 mois à 10 ans sur une période de deux semaines.

Le 8 février, MSF a débuté une campagne de vaccination contre la rougeole à Conakry, dans la capitale du pays, suite au déclenchement d’une épidémie officiellement déclarée le 14 janvier.
Cela fait cinq jours qu’Halimatou Touré est à l’hôpital de Donka, à Conakry. Visage fermé, lèvres pincées, elle caresse les cheveux de son fils Oumar dont les boutons sont bien visibles. Le petit garçon d’un an à peine a déjà perdu du poids: comme sa bouche est déchirée par des plaies, il ne mange plus, il ne tête plus depuis deux semaines. Le coupable: la rougeole. Si elle est considérée comme bénigne dans les pays développés, en Guinée, elle a déjà tué. Halimatou s’en veut. «Je ne savais pas qu’il fallait le faire vacciner, c’est pour cela que la rougeole a pris mon enfant».
Le service de pédiatrie ne désemplit pas. De nouveaux enfants atteints de rougeole se présentent quotidiennement, et les trois salles d’hospitalisation ne suffiront plus si l’épidémie et la détection des cas continuent à ce rythme. Comme Oumar, les enfants hospitalisés ici ont souvent développé des complications par faute d’un diagnostic à temps.
Dr Namory Keita s’en désole: «Certaines personnes attendent trop longtemps avant de venir consulter et pratiquent l’automédication. En Guinée par exemple, les gens pensent que donner du vin de palme peut guérir les enfants... Ces cas-là arrivent tard, lorsque l’éruption de boutons est déjà là, avec des complications. Les gens ont tendance à oublier qu’on peut toujours en mourir si l’on n’est pas pris en charge à temps».

Mobilisation massive de la population pour vacciner les enfants

Son téléphone sonne. Sur un des sites de vaccination, un cas vient de lui être signalé: «C’est mon travail. On m’appelle pour aller évaluer l’état de santé d’un enfant. Je fais la consultation sur place, et si l’enfant est sévèrement malade, il faut le référer dans un centre plus spécialisé dans la prise en charge des cas graves, comme ici.»
A l’ombre d’une petite mosquée, une équipe MSF a installé son site de vaccination sous deux grands manguiers, deux rescapés de la densité urbaine de la commune de Matam. Têtes alignées et uniformes à carreaux rouges, les élèves d’une école voisine ont été emmenés directement par leurs instituteurs. Au son du mégaphone, le chef de secteur gère la foule des enfants attendant leur tour : «Notre équipe vaccine entre 1000 et 1300 enfants par jour sur ce site. Nous avons également détecté et référé sept enfants malades. Je suis très content, les enfants viennent en masse. Les agents de MSF ont fait de la sensibilisation, mais moi aussi. Ce matin encore, j’ai pris ma moto dès 5h du matin pour refaire passer le message, dans les écoles, dans les cours, les mosquées...».
La population guinéenne connaît la rougeole: en 2009, dix enfants étaient morts lors d’une précédente épidémie. Mais comme la vaccination de routine est défaillante, la couverture vaccinale reste insuffisante: seule un peu plus de la moitié des enfants guinéens y ont reçu une injection de vaccin. Or, pour éviter une épidémie, il faut atteindre un niveau d’immunisation de 95% d’une population. Dans les communes de Ratoma, Matoto et Matam, où l’épidémie a été déclarée, les parents se déplacent donc massivement sur les sites de vaccination MSF pour protéger leurs enfants.