Ituri: des structures de santé attaquées, une population dépourvue d'accès aux soins
République démocratique du Congo (RDC)3 min
Il faut s’embourber plusieurs fois, parfois rester bloqué plusieurs heures sur la route pour accéder à Drodro, dans l’aire de santé de Blukwa Mbi, en plein cœur du territoire de Djugu.
Le poste de santé récemment reconstruit où exerce Daniel Bidjo Goba a des airs de bout du monde. A 57 ans, cet infirmier raconte des histoires bien difficiles à entendre, qui n’ont pourtant pas eu raison de sa détermination.
« A chaque fois, nous recommençons à zéro », commence le quinquagénaire évoquant les destructions à répétition du centre de santé dont il est l’infirmier titulaire.
Le centre de santé a été détruit ou pillé à quatre reprises, en 2017, 2018, 2019 et récemment 2020!
L’urgence sanitaire
Après une décennie d’accalmie relative, la province de l’Ituri est, depuis fin 2017, marquée par des épisodes réguliers de violences extrêmes contre les populations civiles, caractérisés par des meurtres, des incendies de villages et des déplacements forcés. En cause, les attaques récurrentes menées par des acteurs en conflits.
L’offre de soins, déjà fragile et peu accessible, a été gravement perturbée par le conflit. Plusieurs centres de santé ont été détruits ou pillés et les patients livrés à eux-mêmes. Outre l’insécurité, l’éloignement des centres toujours fonctionnels, le manque de personnel soignant, de matériel médical et d’intrants privent des milliers de personnes d’accès aux soins et favorise la résurgence des maladies.
Survie
Après chaque réhabilitation, ce sont de nouveau des destructions.
Daniel exerce son métier au cœur de la zone affectée par les violences et raconte comment un jour, en pleine consultation, un échange de tirs l’a forcé à fuir, une nouvelle fois. Lors de chaque exaction, la population trouve refuge dans la brousse où Daniel et son équipe les retrouvent pour des consultations médicales dans des huttes de fortune. « Nous pratiquions les accouchements sur des nattes en pailles entreposées par terre. Nous n’avions pas le matériel nécessaire : les lits, le matériel, cela n’existait pas », s’indigne-t-il.
Après plusieurs mois de travail dans des conditions éprouvantes, Daniel exerce aujourd’hui dans un poste de santé avancé construit par MSF pour prendre en charge les besoins primaires des personnes déplacées. Ce poste de santé permet le référencement des patients qui présentent des complications graves vers des structures médicales appropriées notamment à l’hôpital général de référence de Drodro.
MSF a constaté la destruction ou le pillage de six structures de santé depuis mi-2019 dans la région de Drodro, où l’organisation médicale intervient. Selon l’Agence des Nations unies, chargée de la coordination des affaires humanitaire, OCHA, plus de 70 formations sanitaires ont été endommagées ou pillées dans une quinzaine d’aires de santé de la province de l’Ituri.
Informations complémentaires:
MSF Briefing paper: Trois ans de violences et de surmortalité, des besoins humanitaires immenses et une réponse toujours largement insuffisante
MSF Briefing paper executive summary: Trois ans de violences et de surmortalité, des besoins humanitaires immenses et une réponse toujours largement insuffisante