Journée mondiale de la tuberculose: lorsque le soutien psychologique fait la différence
© Pierre-Yves Bernard/MSF
Kirghizistan4 min
Le Kirghizstan demeure l’un des pays du monde le plus lourdement touché par la tuberculose et au moins un nouveau patient sur quatre présente la souche résistante aux médicaments, dont le traitement est plus difficile à supporter. Mardi 24 mars est la journée mondiale de la lutte contre la tuberculose.
Pour Médecins Sans Frontières (MSF), qui gère un programme de lutte contre la tuberculose résistante dans la région méridionale d’Osh depuis 2012, le soutien psychologique aux malades est une composante essentielle du programme.
«En réalité, je me stigmatise moi-même. Encore aujourd’hui, lorsque je pense à mon mariage à venir, j’ai peur que ma femme me quitte à cause de cette maladie. J’imagine que je redoute d’être mis à l’écart par ma communauté, même si ce n’est pas eux qui me repoussent.»
Le récit de Kushtarbek est un parmi d’autres au Kirghizstan. Le sentiment de honte qui pèse sur les personnes atteintes d’une maladie contagieuse comme la tuberculose a de graves répercussions sur la manière dont ils prennent soin de leur santé. Beaucoup refusent purement et simplement de se faire dépister ou ne poursuivent pas le traitement lorsque le diagnostic est établi.
Une étude récente menée par MSF révèle que plus de la moitié des patients ont été confrontés à de la stigmatisation. Pour les équipes de MSF, l’objectif est double: lutter contre la stigmatisation et la désinformation. Avant de commencer leur traitement, 100% des patients sont convaincus que la tuberculose peut se transmettre par les aliments et le partage de nourriture, alors que la maladie se propage par voie aérienne.
«Nous devons détruire les fausses croyances liés à la tuberculose», affirme le docteur Nazgul Samieva, coordinateur médical adjoint de MSF. «La désinformation ne fait qu’alimenter les discriminations. Or, ces discriminations engendrent des souffrances émotionnelles qui rendent encore plus douloureux le parcours des patients. En réalité, cette maladie, nous savons la soigner et la guérir.»
MSF travaille dans un des districts où les taux de tuberculose figurent parmi les plus élevés du pays. Deux approches sont menées en parallèle: d’une part, les équipes de MSF apportent leur soutien à l’hôpital de Kara Suu (spécialisé dans le traitement de la tuberculose), qui dispose de 80 lits. D’autre part, lorsque c’est possible, les patients sont soignés à travers le système de santé communautaire. Les soins sont ainsi mieux adaptés aux besoins du patient et la famille est plus impliquée dans le soutien du malade, ce qui contribue grandement au suivi et à la réussite du traitement. L’hospitalisation est donc uniquement réservée aux patients gravement malades.
L’importance d’être à l’écoute
Le soutien psychologique constitue un composant essentiel du programme médical mené par MSF à Kara Suu. Une équipe spécialisée composée de 12 personnes (infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux et conseillers) aide les patients à affronter le défi de la stigmatisation. Des rencontres ont lieu chaque mois dans les cliniques dédiées au traitement de la tuberculose, ou à domicile, si besoin.
«Nous écoutons les patients. Nous les laissons identifier eux-mêmes les racines de la stigmatisation», explique Sanjabek Boltokov, travailleur social MSF. «Nous évaluons tous les obstacles éventuels à la poursuite de leur traitement, comme la distance de chez eux à la clinique ou la stigmatisation de leur communauté. Ensuite, nous leur expliquons que c’est une maladie qui est curable et nous conseillons aux patients de prendre leurs médicaments régulièrement et de bien poursuivre le traitement.»
Selon Sanjarbek, cette démarche améliore notablement le bien-être psychologique des patients et les aide à combattre la stigmatisation. Il ajoute: «Nous pouvons marcher la tête haute, car nous aidons des personnes qui en ont besoin plutôt que de les condamner. Nous devenons des proches, des amis et ils retrouvent le sourire quand nous leur demandons simplement comment ils vont. Nous leur tendons la main pour les aider à sortir du tunnel.»
Pour les patients comme Kushtarbek, le soutien apporté par MSF est primordial, pour améliorer le bien-être, faciliter la poursuite du traitement et soulager la honte ressentie à l’égard de cette maladie. «Je sais que je dois prendre des médicaments pendant deux ans. J’ai ressenti des effets secondaires, mais j’essaie de penser à autre chose, parce que ma priorité est de guérir. Je suis optimiste, car je sais que l’homme peut accomplir de grandes choses.»
MSF est présente dans la région kirghize d’Osh depuis 2012. Entre mai 2012 et fin décembre 2014, 301 patients souffrant de tuberculose résistante aux médicaments ont bénéficié du programme. En 2014, MSF a officiellement remis le programme de lutte contre la tuberculose qu’elle menait depuis 2006 au sein des prisons de Bishkek.
© Pierre-Yves Bernard/MSF