«Notre hôpital à Mogadiscio affiche déjà complet»
© Martina Bacigalupo / Agence VU
Somalie5 min
Dans la capitale somalienne, MSF vient en aide aux déplacés ayant fui la sécheresse. Les équipes sur place craignent un nouvel afflux d’enfants souffrant de malnutrition.
David Querol est le chef de la mission MSF en Somalie. Il s’occupe actuellement du nouveau projet MSF mené à Mogadiscio.
Ce n’est pas la première fois que vous venez à Mogadiscio. Avez-vous constaté des changements depuis la dernière fois?
La première fois que je suis venu à Mogadiscio, c’était en juillet 2000. J’y travaillais alors en tant que chef de mission. On devine que les combats ont été très violents, car les destructions sont plus importantes aujourd’hui qu’il y a dix ans. L’atmosphère qui règne à Mogadiscio est assez étrange. Les rues sont animées et les affaires continuent. Les gens essaient de mener une vie normale. Les restaurants et les cafés sont ouverts. Mais vous pouvez régulièrement entendre le crépitement des fusillades et de nombreuses personnes sont armées. Différentes milices continuent de quadriller la ville et la population vit dans un sentiment permanent d’insécurité. La situation politique reste instable et il est extrêmement difficile de se déplacer. MSF est la première organisation non gouvernementale (ONG) à avoir déployé du personnel international dans le pays. Nous devons circuler en convoi de deux voitures sous escorte armée, ce dont MSF n’a pas l’habitude. Il y a également un couvre-feu très strict à respecter. L’entrée de nos centres nutritionnels est équipée de détecteurs de métaux. Les conditions sont extrêmement pénibles, surtout pour le personnel international.
Qu’en est-il des personnes déplacées arrivées à Mogadiscio? La situation est-elle plus difficile pour les nouveaux arrivants que pour les personnes déjà déplacées?
Premièrement, il faut savoir que les personnes déplacées se sont réfugiées dans des bâtiments publics, comme le stade national, par exemple. Certaines vivent là depuis des années et ont réussi à organiser leur vie. En circulant dans la ville, vous remarquerez facilement ceux qui viennent tout juste d’arriver. Les nouveaux arrivants sont très mal en point, on voit qu’ils souffrent de malnutrition. On estime à 150 000 le nombre de personnes ayant rejoint la capitale pour fuir la sécheresse. Ces personnes s’installent là où elles peuvent, dans des cabanes ou des abris de fortune faits de bâches en plastique. Le système d’aide souffre d’un manque de coordination. Les ONG locales et internationales prennent un grand nombre d’initiatives opportunes, mais celles-ci ne sont pas coordonnées. Les besoins des personnes déplacées ne sont pas satisfaits: la distribution de denrées alimentaires n’est pas adéquate et l’approvisionnement en eau pour les besoins sanitaires est insuffisant. Certains camps ne sont mêmes pas équipés de latrines.
Compte tenu de la situation, MSF est-elle capable de déployer toutes les ressources nécessaires? Quelles sont les actions entreprises actuellement par l’organisation?
Non, bien sûr, nous ne pouvons pas réaliser autant de choses que nous le souhaiterions. L’insécurité et l’ampleur de la crise entravent notre capacité d’action. Nous voudrions en faire davantage, mais nous ne pouvons à nous seuls résoudre tous les problèmes. Pour vous donner une idée, la ville de Mogadiscio, qui compte plus d’un million d’habitants, ne dispose même pas d’une maternité digne de ce nom. Cela vous donne une idée de l’ampleur des besoins. Les équipes de MSF mènent actuellement une campagne de vaccination contre la rougeole. Cinq équipes couvrant différents quartiers de Mogadiscio ont déjà réussi à vacciner quelque 20 000 enfants. La rougeole est la première cause de mortalité chez les personnes déplacées. MSF a également mis en place quatre programmes mobiles de nutrition couvrant les mêmes zones que les équipes de vaccination. Ils identifient les enfants souffrant de malnutrition à l’aide d’un examen consistant à mesurer la circonférence de la partie supérieure du bras. Des compléments alimentaires prêts à l’emploi sont distribués à ceux qui en ont besoin. Nous avons ouvert deux centres nutritionnels d’une capacité de 70 lits chacun, mais ceux-ci affichent déjà complet. D’autres équipes sont chargées de mener des consultations médicales. Un centre de traitement du choléra a également été mis en place, car nous craignons une propagation de la diarrhée aqueuse.
Les personnes déplacées continuent-elles d’affluer?
Dans certaines régions, la population des camps ne cesse de croître. Les gens se déplacent. Les sections MSF sont en train de procéder à un recensement afin de se faire une meilleure idée de la situation.
Que se passe-t-il dans le corridor d’Afgoye?
Il semble que de nombreuses personnes tentent de rejoindre la capitale, mais cette information n’a pas été confirmée. Malheureusement, MSF ne peut atteindre cette zone qui abrite actuellement la plus forte concentration de personnes déplacées au monde.
Quelles sont les prochaines priorités de MSF à Mogadiscio?
Nous nous efforçons actuellement d’augmenter la capacité de nos centres nutritionnels. Nous craignons que nos équipes soient appelées à faire face à un nombre de plus en plus important d’enfants souffrant de malnutrition. Toutefois, cela ne dépend pas que de nous, mais aussi de ce que font les autres acteurs. Alors que la sécurité s’améliore, peut-être que d’autres ONG ou des agences des Nations Unies commenceront à venir travailler ici.
© Martina Bacigalupo / Agence VU