Quelques patient·e·s partagent leurs histoires: « Tout a été détruit… mais ce n’était pas pour autant la fin. »

Portrait de Raisa

Ukraine5 min

« Il y a environ 6 mois, tout a été détruit. Le centre médical, la pharmacie et toutes les autres infrastructures… Mais ce n’était pas la fin, raconte Liudmyla Karatsiuba. Nous avons reconstruit des maisons et notre communauté s’est renforcée. » Liudmyla vit près de Koupiansk, une des zones les plus volatiles de la ligne de front en Ukraine, dans le nord-est du pays.

En septembre 2022, une équipe MSF est arrivée dans le village de Liudmyla pour offrir des soins. Les bombardements n’avaient épargné aucun bâtiment public dans lequel notre équipe aurait pu établir une clinique. Liudmyla a alors accepté que les soignant·e·s se servent de sa maison, afin qu’ils et elles puissent dispenser des consultations médicales et psychologiques à toute la communauté.

« Je continue de suivre les conseils prodigués par les psychologues MSF, je transmets même la technique de respiration à la bougie à mes voisin·e·s afin qu’ils et elles puissent retrouver leur calme et une certaine sérénité, explique Liudmyla. A 75 ans, cela m’a aidé à me sentir utile. En ce moment, je me consacre à cultiver et élever des lapins. » L’exercice de respiration auquel Liudmyla fait référence est une technique simple utilisée pour réduire le stress et l’anxiété. 

« Les villageois appellent notre centre médical "le musée", tellement il est neuf. Nous avons maintenant quelque part où aller lorsqu’il nous faut un traitement ou des médicaments », précise Liudmyla, le sourire aux lèvres. Les équipes médicales MSF ont aidé la communauté de Liudmyla à reconstruire le centre médical, dans lequel des employé·e·s du ministère de la Santé travaillent à nouveau.

Bien que des organisations comme MSF soient en mesure de soutenir ces communautés avec des fournitures médicales et des soins ou en participant à la reconstruction, ce sont le plus souvent les communautés elles-mêmes, aidées par des organisations locales de volontaires, qui font le gros du travail. Depuis deux ans, l’accès aux zones coupées par les combats ou proches de la ligne de front est devenu de plus en plus difficile. 

A ce jour, des cliniques mobiles MSF offrent des soins dans une centaine de villes et villages proches de la ligne de front dans les régions de Donetsk, Kharkiv et Kherson. Ces équipes sont généralement composée d’un·e thérapeute, d’un·e psychologue, d’un·e médecin et d’un·e travailleur·euse social·e. 

« Des bruits soudains et des conversations au sujet de la guerre peuvent changer brusquement le comportement  de mon fils. »

Vania, juin 2023 lors d’une des séances de jeu organisées par MSF pour les enfants

Vania, juin 2023 lors d’une des séances de jeu organisées par MSF pour les enfants.

© MSF

« Je vois que mon fils cadet, Vania, a besoin de plus de soins et d'attention maintenant, explique Olena Beda. Il demande souvent à venir dans mes bras et et que je lui répète combien je l'aime ».

Olena, mère de Vania, 9 ans, vit depuis plus d'un an avec ses deux enfants dans un centre d'hébergement pour personnes déplacées de la région de Kirovohrad. Elle a  fui la guerre dans la région de Donetsk. Bien que la famille se soit installée dans une zone relativement éloignée de la ligne de front, les drones et les missiles font partie intégrante de leur vie depuis deux ans. Vania a commencé à avoir des problèmes de sommeil, surtout à la suite de bombardements. Olena a tout de même senti que l’anxiété de Vania diminuait après qu’il a suivi des séances de jeu en groupes organisées par les équipes de psychologues MSF pour les enfants de l’abri. Depuis, Vania a pu retourner à l’école et s’est fait de nouveaux·elles ami·e·s.

« Néanmoins, des bruits soudains et des conversations au sujet de la guerre peuvent changer brusquement son comportement », décrit Olena.

« Au début de l’escalade du conflit, nous avons observé chez les enfants des symptômes tels que de l’anxiété, des crises de panique et de la peur, explique Alisa Kushnirova, psychologue MSF. Cependant, nous remarquons maintenant que les enfants commencent à normaliser cette situation extrême. Ils et elles se sont adapté·e·s aux bruits des explosions, bien que nous constations toujours certaines réactions névrotiques. »

« Aujourd’hui, je vis à Kyiv avec mon fils. Et à 72 ans, je suis heureuse d’avoir survécu. »

« Le 18 avril 2023, j’ai perdu une jambe, raconte Tetiana Doloza. Le marché où je travaillais comme vendeuse dans la ville d’Ukrainsk, dans la région de Donetsk, a été frappé par des missiles. J’ai été grièvement blessée. »

Cela fait 10 mois que Tetiana a perdu sa jambe. Aujourd’hui, elle marche avec confiance dans les rues de Kyiv, en s’appuyant sur une prothèse et des béquilles. Lors de l’attaque, Tetiana avait été évacuée vers un hôpital, puis transportée par le train médicalisé MSF vers la région de Lviv, où médecins et physiothérapeutes l’ont soignée, accompagnée et confectionné une prothèse.

Portrait de Tetiana. Kyiv, Septembre 2023

Portrait de Tetiana. Kyiv, Septembre 2023

© MSF

« Lorsque les médecins MSF m’ont emmenée à l’hôpital dans l’ouest du pays, je me suis senti perdue. Je ne savais pas comment j’allais pouvoir me remettre d’une amputation, partage Tetiana. Maintenant, avec ma prothèse, je vis à Kyiv avec mon fils et, à 72 ans, je suis heureuse d’avoir survécu. »

« Entre mars 2022 et décembre 2023, nous avons évacué 3 808 patient·e·s avec notre train médicalisé, dont 310 étaient dans un état critique », explique Albina Zharkova, coordinatrice de projet MSF.

Aujourd’hui, à cause de changements dans la dynamique de la guerre, les patient·e·s restent dans l’est du pays plutôt que d’être transféré·e·s vers l’ouest. Mais nos équipes continuent de gérer 15 ambulances qui acheminent les personnes blessées par les bombardements ou les patient·e·s souffrant de maladies chroniques qui nécessitent une prise en chare vers des établissements médicaux plus éloignés du front.

Alors que l'attention internationale se désintéresse des conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine, les combats sur les lignes de front demeurent extrêmement délétères. De 2014 à 2022, plus de 14 000 personnes ont été tuées. Depuis février 2022, le nombre de victimes a été exponentiel, avec des centaines de milliers de blessé·e·s physiques et psychologiques, et près de 10 millions de personnes déplacées.