Questions-réponses sur les avortements non médicalisés
Santé materno-infantile12 min
L'avortement non médicalisé est l'une des principales causes de mortalité maternelle dans le monde et la seule qui soit presque entièrement évitable. Les questions et réponses suivantes mettent en lumière les conséquences médicales des grossesses non désirées et des avortements non médicalisés et la réponse de MSF à cette crise de santé publique.
Qu'est-ce qu’un avortement et à quelle fréquence l’observe-t-on
L'avortement a lieu quand une grossesse est interrompue. Il peut se produire spontanément, ce qu’on appelle une fausse couche, ou résulter d'une intervention volontaire.
L'avortement est très courant. Une grossesse sur quatre dans le monde se termine par un avortement.
Qu’est-ce qu’un avortement non médicalisé ?
L'Organisation mondiale de la Santé définit l'avortement non médicalisé comme une procédure visant à interrompre une grossesse non désirée, soit par des personnes dépourvues des compétences nécessaires, soit dans un environnement dépourvu de normes médicales minimales, ou les deux. Environ 25 millions d'avortements non médicalisés ont lieu chaque année, soit près de 50 avortements non médicalisés par minute. L'ampleur de ce problème est considérable.
Pourquoi l'avortement non médicalisé est-il une problématique de santé publique essentielle ?
L'avortement non médicalisé est l'une des principales causes de mortalité maternelle dans le monde et la seule qui soit presque entièrement évitable. Les avortements à risques peuvent entraîner de graves conséquences pour la santé, dont certaines peuvent être mortelles. Chaque année, au moins 22 800 femmes et jeunes filles meurent des suites d'un avortement non médicalisé, et 7 millions de femmes de plus sont hospitalisées pour des complications telles que des hémorragies, des infections et des lésions d'organes internes.
Pourquoi l'avortement non médicalisé est-il une priorité pour MSF ?
En tant qu'organisation médicale humanitaire, Médecins Sans Frontières (MSF) est témoin direct des décès et des souffrances dus aux grossesses non désirées et aux avortements non médicalisés.
97 % des avortements à risques ont lieu en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient. MSF travaille dans toutes ces régions. Les femmes et les jeunes filles vivant dans des contextes pauvres et de crise sont plus susceptibles de souffrir d'un manque d'accès à des services d'avortement médicalisés et de recourir à des méthodes dangereuses qui mettent leur vie en danger. Dans certaines de nos maternités, les conséquences des avortements non médicalisés représentent jusqu'à 30 % du total des décès maternels.
Cette expérience nous a montré les solutions extrêmes auxquelles les femmes peuvent avoir recours lorsqu'elles n'ont pas accès à des avortements médicalisés. Nous avons soigné des femmes qui avaient utilisé des méthodes d'avortement relativement courantes et dangereuses, comme la prise de divers médicaments inefficaces ou potentiellement dangereux sans avoir accès à des informations appropriées, ainsi que des exemples plus désespérés et plus nocifs, comme la consommation de poisons fabriqués à partir du phosphore contenu dans les têtes d'allumettes, du chlore ou de l'acide de batterie, l'insertion de cartouches d'encre de stylos ou de hameçons de pêche en métal dans l'utérus, et des contusions répétées auto-infligées à l'abdomen.
En 2018, nos équipes dans le monde entier ont traité plus de 24 400 femmes souffrant de complications liées à l'avortement à cause de ces pratiques dangereuses. Il s’agit notamment des hémorragies graves, des septicémies, des perforations utérines et des lésions d'autres organes internes. Ces complications peuvent nécessiter des transfusions sanguines, des chirurgies reconstructives majeures ou l'ablation de l'utérus. Les conséquences à long terme sont les suivantes : douleurs chroniques, anémie, stérilité et conséquences sociales et économiques associées pour les femmes, leurs familles et leurs communautés.
Toutes ces conséquences pourraient être évitées grâce à une contraception opportune et à des avortements médicalisés.
Comment MSF répond-elle au problème de l'avortement non médicalisé ?
En tant qu'organisation humanitaire médicale, MSF vise à réduire la mortalité, à prévenir la morbidité et à soulager la souffrance. C'est pourquoi MSF s'engage à s'attaquer à toutes les principales causes de décès et de souffrance maternels, y compris l'avortement non médicalisé.
Afin de réduire la mortalité maternelle due aux grossesses non désirées et aux avortements non médicalisés, MSF fournit un ensemble complet de soins de santé comprenant : contraception, avortement médicalisé et soins post-avortement.
Nous considérons que l'accès à un avortement médicalisé est une nécessité médicale – une partie essentielle des soins de santé reproductive qui réduit la mortalité et la souffrance maternelles. Notre engagement repose sur l'expérience acquise dans le cadre de nos projets, où nous constatons chaque jour les souffrances et les décès causés par les grossesses non désirées et les avortements non médicalisés.
Qu'est-ce que la contraception ?
Les méthodes contraceptives sont utilisées pour prévenir les grossesses. Il s'agit par exemple d'implants, d'injections (par exemple le Depo-Provera), de dispositifs intra-utérins (DIU), de pilules contraceptives orales, de préservatifs et de contraception d'urgence. Des études montrent que l'accès à la contraception réduit considérablement la mortalité maternelle et infantile. Lorsque les femmes ont davantage accès à des méthodes contraceptives sûres et efficaces, il y a moins de grossesses non désirées et donc moins d'avortements.
MSF fournit des contraceptifs dans le cadre de ses activités de médecine générale pour la santé des femmes, des filles et des communautés. En 2018, MSF a fourni 338 543 consultations pour la contraception. Nous nous efforçons d'offrir une grande variété de méthodes contraceptives afin de répondre aux divers besoins des femmes et des jeunes filles.
Qu'est-ce qu'un avortement médicalisé ?
Un avortement est sûr si la personne qui le pratique ou le facilite a reçu une formation et s'il est pratiqué selon une méthode recommandée par l'OMS et correspondant à la phase de la grossesse.
Il existe deux méthodes d'avortement médicalisé : l'avortement par médicaments, par prise de comprimés et l'aspiration manuelle.
Dans le cas d'un avortement par comprimés, des médicaments sont pris pour faire contracter l'utérus et expulser la gestation. Cette méthode permet également de préserver l'intimité et de donner à la femme un plus grand contrôle sur le processus. Un avortement avec des pilules est efficace à plus de 95 %. Le risque de complication grave d'un avortement médicalisé par la prise de médicaments est inférieur à 1 %. Un avortement médicalisé au moyen de médicaments est plus sûr qu'une injection de pénicilline.
L'aspiration manuelle est une procédure courte et ambulatoire qui consiste à insérer un petit tube en plastique dans l'utérus et à aspirer la gestation. Cette méthode est efficace à plus de 99 % au cours du premier trimestre. Le risque de complication grave est inférieur à 1 %.
Quelle est la position de MSF sur l'avortement ?
MSF n'est ni « pour » ni « contre » l'avortement. MSF n'essaie pas de changer les croyances ou la culture de qui que ce soit. Pour dire les choses simplement, MSF fournit des soins de santé, et les avortements médicalisés sont des soins de santé. MSF cherche à prévenir les décès et les souffrances dus à une grossesse non désirée et à un avortement non médicalisé en fournissant une contraception, selon les souhaits de la personne et un avortement médicalisé à chacune des femmes qui en a besoin.
Quels sont les critères de MSF pour fournir des soins d'avortement médicalisés ?
Avant de pratiquer un avortement, le personnel procède à une évaluation clinique pour estimer la durée de la grossesse et vérifier s'il existe des contre-indications ou d'autres problèmes. Le personnel de MSF doit également s'assurer que les patientes sont correctement informées des risques et des avantages de l'avortement et qu'elles donnent leur consentement volontairement. La décision de subir ou non un avortement appartient uniquement à la patiente.
MSF pratique-t-elle des avortements même si la vie de la femme n'est pas en danger ?
Par le passé, lorsque le personnel de MSF refusait aux femmes qui cherchaient à avorter une possibilité de le faire de manière sécurisée, ces femmes revenaient souvent à l'hôpital quelques jours plus tard avec les complications d'un avortement non médicalisé. Parfois, ces femmes mouraient ensuite dans nos structures. Nous ne voulons pas que les patients risquent leur santé et leur vie, c'est pourquoi, quand elles viennent nous voir dans le besoin, nous les aidons à trouver des moyens médicaux sûrs pour mettre fin à des grossesses non désirées.
D'un point de vue médical, la vie et la santé d'une femme sont en danger chaque fois qu'elle a une grossesse non désirée et qu'elle n'a pas accès à des avortements médicalisés, car elle risque alors toutes les complications d'un avortement non médicalisé, y compris la mort.
Jusqu'à quel moment un avortement est-il possible avec MSF ?
Les guidelines de MSF incluent des soins d'avortement médicalisés pendant le premier et le deuxième trimestre - jusqu'à 22 semaines de gestation.
Si les avortements du deuxième trimestre ne représentent que 10 à 15 % du nombre total d'avortements dans le monde, ils sont responsables de la majorité des complications graves et des décès dus à un avortement non médicalisé. Les femmes qui cherchent à avorter au cours du deuxième trimestre sont plus souvent des jeunes filles, des victimes de violences sexuelles, des femmes qui ont détecté leur grossesse plus tard et/ou qui ont des difficultés financières ou logistiques pour se faire soigner. C'est pourquoi les possibilités d'avortement au deuxième trimestre sont un élément essentiel de la prise en charge des avortements médicalisés et des services de santé sexuelle et reproductive, en particulier dans les contextes humanitaires.
MSF fournit-elle des soins d'avortement médicalisés dans tous ses projets ?
En 2018, les projets de MSF dans plus de 25 pays ont réalisé 11 015 avortements médicalisés. Cependant, les soins d'avortement médicalisé représentent environ 1 % de l'ensemble des services de santé reproductive que MSF fournit dans le monde. La même année, les équipes MSF ont assisté 309 454 accouchements, effectué 856 837 consultations anténatales, 191 792 consultations postnatales et fourni des soins médicaux à 24 935 victimes de violences sexuelles.
Que fait MSF dans les pays où l'avortement est illégal ?
Beaucoup de gens pensent que l'avortement est soit « légal » soit « illégal » dans un pays, mais la réalité n'est pas aussi tranchée. Les lois encadrant l'avortement sont complexes et nuancées. Dans un pays donné, il peut y avoir de multiples lois nationales, code pénal, règlements juridiques, décisions de justice, directives ministérielles, traités internationaux, etc. MSF fait de son mieux pour naviguer dans ces cadres juridiques compliqués tout en donnant la priorité aux patients et à leurs besoins médicaux.
Dans la majorité des pays où MSF travaille, l'avortement est autorisé pour sauver la vie ou préserver la santé de la femme. Du point de vue de la santé, la santé et la vie d'une femme sont en danger chaque fois qu'elle a une grossesse non désirée et qu'elle n'a pas accès à des soins d'avortement médicalisé, car elle risquerait alors de subir toutes les complications d'un avortement non médicalisé, y compris de décéder.
Quels sont les autres obstacles à l'accès à un avortement médicalisé ?
Au-delà des obstacles juridiques, de nombreuses femmes éprouvent de la honte, sont victimes de stigmatisation et des attitudes négatives à l'égard des circonstances qui ont conduit à leur grossesse non désirée ou à l'avortement lui-même, ce qui peut à son tour créer des barrières autour de l'accès aux soins. Parmi les obstacles les plus courants, on peut citer les violences verbales ou le rejet social de la part de la famille et des amis, les fausses déclarations ou le manque d'informations sur les lois relatives à l'avortement, ainsi que le rejet, la stigmatisation et l'ignorance au sein du système de santé.
Est-ce que tout le personnel qui part en mission avec MSF doit être prêt à pratiquer des avortements médicalisés ?
Tout le personnel MSF est censé soutenir la politique MSF en matière de soins liés à l'avortement médicalisé, en fonction de son rôle et indépendamment de ses convictions personnelles. Si vous faites partie du personnel médical (par exemple, médecin, sage-femme, infirmière, etc.), cela signifie que vous pouvez être amené à effectuer des avortements médicalisés ou à référer une patiente vers un spécialiste. Si vous êtes un logisticien pour l'approvisionnement, cela signifie qu'on attendra de vous que vous aidiez à la chaîne d'approvisionnement des médicaments et du matériel qui pourra servir aux avortements médicalisés.
Comment MSF accompagne-t-elle les femmes, en dehors des soins médicaux ?
La mission de MSF est de fournir une assistance là où elle est le plus nécessaire, indépendamment de l'âge, de la religion, de l’éthnie, du sexe ou d'autres caractéristiques identitaires. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ignorons les besoins spécifiques. Dans les pays touchés par la guerre et les conflits, les femmes sont particulièrement exposées, dans ce cas, une approche globale est nécessaire. Au Nigeria, par exemple, nous avons fait en sorte que dans certains camps de personnes déplacées où les femmes et les enfants sont majoritaires, elles n’aient plus besoin de quitter le camp pour aller chercher du bois de chauffage car c’est dans ces moments-là qu’elles étaient exposées au risque d'être attaquées et violées. Nous avons produit des petites briques à partir de canne à sucre et d'autres matériaux disponibles dans le camp et les avons mises à disposition. Ce ne sont là que quelques exemples de la nécessité de penser au-delà des besoins médicaux des femmes.