RDC: la flambée de paludisme désormais sous contrôle, MSF se retire du Haut-Uélé
© Stéphane Reynier de Montlaux/MSF
République démocratique du Congo (RDC)3 min
Après quatre mois d’intervention face à une flambée de paludisme exceptionnel, MSF a quitté le 20 août les zones de santé de Pawa et Boma-Mangbetu dans la province du Haut-Uélé au Nord Est de la République démocratique du Congo. Florent Uzzeni, responsable adjoint de la cellule des urgences de MSF à Genève revient sur cette crise sanitaire.
Médecins Sans Frontières (MSF) se retire du Haut-Uélé, cela signifie-t-il que la flambée de paludisme qui a fait rage ces derniers mois est terminée ?
La phase d’urgence est passée, la flambée de paludisme est désormais sous contrôle avec un nombre de cas dans les centres de santé et les structures hospitalières en nette diminution depuis plusieurs semaines. Nous sommes intervenus en urgence début mai, au moment où les structures sanitaires locales étaient complètement débordées par le nombre de patients souffrant de paludisme simple et compliqué. En trois mois, nos équipes médicales, en collaboration avec les équipes du ministère de la Santé ont pris en charge près de 82 000 personnes atteintes de paludisme dont une majorité d’enfants de moins de 5 ans. Parmi elles, près de 3 000 souffraient d’une forme sévère de la maladie et ont dû être hospitalisées et 1 100 transfusions sanguines ont été réalisées. Notre retrait a été progressif et nous avons fait des donations de médicaments pour permettre aux structures locales de gérer la fin du pic de paludisme.
MSF est intervenue en 2012 dans la même région en réponse à une flambée de paludisme sans précédent, pensez-vous que la crise de 2016 a été mieux gérée?
En 2016, le système d’alerte a bien fonctionné et les autorités sanitaires de Pawa et de Boma Mangbetu ont commencé à s’inquiéter de l’augmentation des cas de paludisme dès décembre . En mars, lorsque la courbe épidémiologique est montée en flèche, elles ont alerté le Département Provincial de la Santé d’Isiro. L’alerte a été donnée en temps voulu mais la réponse à l’urgence a tardé et MSF a été appelée pour venir en aide à un système sanitaire dépassé. Le point positif par rapport à 2012 est que nos équipes sont intervenues beaucoup plus tôt ce qui a permis d’éviter une situation catastrophique comme celle que nous avions connu il y a quatre ans.
Le problème majeur que nous avons observé a été celui de l’approvisionnement en médicaments. Lorsque nous sommes arrivés début mai, le nombre de patients était très important et nous avons constaté des ruptures totales d’intrants dans les centres de santé, les postes de santé, les sites de soins communautaires à Pawa et Boma-Mangbetu et ce depuis plusieurs semaines pour certains. Malgré l’alerte précoce, les autorités sanitaires ont été dans l’incapacité d’acheminer en urgence et en quantité suffisante les médicaments nécessaires au traitement du paludisme. Sans traitement, les cas de paludisme sévère se sont multipliés, les hôpitaux se sont retrouvés débordés et le nombre de décès a augmenté.
Pensez-vous qu’une telle flambée puisse se reproduire dans les années à venir?
Oui, le paludisme est endémique dans cette région et au vu des épisodes de 2012 et de 2016, il est très probable qu’une telle flambée se reproduise. Afin de répondre à cela, deux mesures doivent être prises en priorité : mettre des médicaments à disposition au plus proche de la population qui n’a souvent pas les moyens de se déplacer dans les hôpitaux ou les centres de santé de référence. Et garantir la gratuité des soins.
La réactivité et la flexibilité de tous les acteurs est cruciale lors d’une flambée de paludisme. A Pawa et Boma-Mangbetu, nos équipes ont trouvé en place un système de santé qui fonctionne tant bien que mal, des structures qui comptent du personnel formé qui a su détecter de façon précoce cette flambée. Si des mesures adaptées avaient été mises en place dès que le seuil d’alerte a été atteint, la mortalité aurait pu être contrôlée même sans l’intervention de MSF.
© Stéphane Reynier de Montlaux/MSF