Situation de crise humanitaire en périphérie du camp surpeuplé de Dadaab
© Serene Assir / MSF
Kenya6 min
MSF a découvert des taux de malnutrition alarmants parmi les réfugiés somaliens arrivant et s’installant en périphérie du camp de Dadaab, dans le nord-est du Kenya. L’organisation est en train de renforcer son intervention à l’intérieur et à l’extérieur du camp de réfugiés.
Jour après jour, des milliers de Somaliens continuent d’arriver dans le camp surpeuplé de Dadaab, dans le nord-est du Kenya. Ils fuient le conflit en Somalie et leur sort a empiré avec la sécheresse qui affecte leur pays. Comme le reste de la région, le Kenya souffre d’une grave sécheresse après deux mauvaises saisons de pluie. Ce qui aggrave encore la situation des réfugiés. Une fois arrivés à destination, épuisés par des jours voire des semaines de voyage, ils reçoivent une assistance inadéquate.
En effet, les trois camps de Dadaab (Ifo, Hagadera et Dagahaley), qui constituent le plus grand camp de réfugiés au monde, affichent complets. Les nouveaux arrivants doivent s’installer dans des abris de fortune en périphérie du camp. Malgré les appels répétés de MSF demandant une solution afin de désengorger Dadaab, il n’y a toujours pas de réponse. La population des camps approche les 400 000 habitants alors qu’ils avaient été prévus pour en héberger 90 000.
MSF fournit des soins médicaux aux 113 000 occupants de Dagahaley. Le nombre de nouveaux arrivants augmente chaque mois, avec une moyenne de 500 arrivées par jour. Quelque 25 000 personnes vivent déjà à l’extérieur de l’enceinte de Dagahely et ce chiffre va certainement continuer à augmenter. Depuis cette année, les équipes MSF fournissent aussi une assistance aux nouveaux arrivants à l’extérieur d’Ifo, en attendant l’ouverture d’une extension du camp (Ifo 2) pour augmenter leurs activités.
Taux de malnutrition extrêmement élevés
Depuis le début du mois de juin, un nouveau centre de réception, géré par les autorités kenyanes et l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR), a été ouvert pour améliorer l’assistance aux nouveaux arrivants.
Chaque jour, une équipe médicale de MSF évalue l’état de santé des réfugiés qui viennent d’arriver au centre de réception. Le dépistage systématique des enfants âgés de moins de cinq en leur mesurant le périmètre brachial (Middle upper arm circumference – MUAC) a fait apparaître des taux de malnutrition inquiétants. A la mi-juin, MSF a donc procédé à une rapide évaluation nutritionnelle dans les campements improvisés. Les résultats ont dépassé les pires craintes.
Chaleur extrême, manque d’eau et d’assainissement, retard dans l’enregistrement et dans la distribution de rations de nourriture… les conditions de vie des nouveaux arrivants sont très difficiles. Durant les trois jours de l’évaluation nutritionnelle, quelque 500 enfants entre six mois et cinq ans ont été mesurés et pesés. 37,7% d’entre eux souffraient de malnutrition aigüe globale, dont 17,5% étaient sévèrement atteints avec un risque élevé de décès. Les enfants jusqu’à dix ans présentaient aussi des taux de malnutrition importants.
«Le taux de malnutrition est très élevé. Nous sommes extrêmement inquiets», déclare Monica Rull, responsable des projets MSF au Kenya et en Somalie.
«Je m’attendais à trouver une situation difficile mais pas aussi catastrophique», rapporte Anita Sackl, la coordinatrice de cette évaluation nutritionnelle. «La majorité des nouveaux arrivants actuels ont fui parce qu’ils n’avaient plus rien à manger et pas seulement parce que leur pays est en guerre depuis des décennies», ajoute-t-elle.
Vu les résultats inquiétants enregistrés dans les zones hébergeant les nouveaux arrivants, MSF inclut désormais les enfants âgés de plus de cinq ans dans ses programmes nutritionnels à Dagahaley.
L’aide humanitaire trop lente
La lenteur de l’aide humanitaire est également problématique. Les refugiés doivent attendre jusqu’à 40 jours avant d’être officiellement enregistré par le HCR et recevoir une carte donnant droit à des distributions de nourriture régulières. Dans l’intervalle, ils n’obtenaient qu’une ration alimentaire pour deux jours et un bidon en plastique de cinq litres d’eau.
«C’était totalement inacceptable», dénonce Monica Rull, qui se réjouit toutefois des récentes améliorations: «depuis le début du mois de juillet, les réfugiés reçoivent de la nourriture pour 15 jours. C’est cependant encore insuffisant. Le Programme alimentaire mondial (PAM) doit procéder à des distributions régulières. Une enquête nutritionnelle pour l’ensemble des camps de Dadaab devrait aussi être réalisée, y compris des enfants jusqu’à dix ans, afin d’adapter les programmes nutritionnels.» En outre, MSF réclame une accélération de la procédure d’enregistrement. Actuellement, il n’existe qu’un seul centre d’enregistrement dans le camp d’Ifo pour l’ensemble de l’énorme complexe de Dadaab.
Dans certaines zones des campements improvisés à l’extérieur de Dagahaley, MSF a également découvert que certains réfugiés ne recevaient même pas trois litres d’eau par jour. Un minimum vital pour des climats chauds mais qui ne permet pas d’assurer les besoins d’hygiène les plus basiques. Une augmentation de l’approvisionnement est nécessaire. Les équipes de MSF ont commencé à distribuer plus de 100 mètres cube d’eau par camion chaque jour.
MSF élargit ses programmes médicaux
La pression monte sur l’hôpital géré par MSF dans le camp de Dagahaley ainsi que sur ses cinq centres de santé. Près de 1 600 enfants atteints de malnutrition aigüe sévère reçoivent actuellement des soins en ambulatoire. Plus de 700 nouvelles admissions sont enregistrées chaque semaine dans les programmes supplémentaires, la majorité provenant du poste de santé 8 récemment ouvert en périphérie du camp, là où la plupart des nouveaux arrivants s’installent. La semaine dernière, le personnel a hospitalisé 107 nouveaux enfants en soins nutritionnels intensifs. Comme l’hôpital fonctionnait déjà en dessus de ses capacités, une extension de 60 lits pour les soins pédiatriques incluant la prise en charge de la malnutrition a été construite.
MSF appelle à nouveau tous les acteurs travaillant à Dadaab à augmenter leurs activités afin de fournir une assistance adéquate aux réfugiés, y compris à la frontière des camps. Il est aussi nécessaire de trouver des solutions acceptables pour désengorger le complexe de Dadaab.
MSF fournit des soins médicaux au Kenya depuis 1992 et travaille dans les camps de Dadaab depuis 14 ans. Depuis 2009, MSF est le seul et unique prestataire en soins médicaux du camp de Dagahaley. Dans ses cinq centres de santé et son hôpital de 170 lits, MSF fournit des soins aux 113 000 résidents du camp.
© Serene Assir / MSF