VIH/sida: Manifestation à New Delhi pour défendre des médicaments à prix abordable
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MSF a défilé mercredi 2 mars dans les rues de New Delhi aux côtés de plus de 3000 personnes séropositives et du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé. Les manifestants ont demandé au gouvernement indien de résister aux pressions exercées par l’Union Européenne (UE) dans le cadre de l’accord de libre-échange (ALE). Certaines dispositions pourraient en effet dangereusement restreindre l’accès à des médicaments vendus à bas prix. Des négociations importantes sur ce sujet avaient lieu mercredi à Bruxelles.
Plus de 80% des médicaments anti-VIH/sida utilisés par les équipes de MSF pour traiter 175 000 patients des pays en développement sont des génériques à bas prix fabriqués en Inde. MSF dépend des laboratoires indiens pour le VIH/sida, mais aussi pour d’autres maladies comme la tuberculose et le paludisme.
Dans le cadre de cet accord commercial, l’UE tente d’imposer des clauses sur la propriété intellectuelle plus strictes que celles stipulées par les règles du commerce international. L’« exclusivité des données » est une de celles-ci. Si elle venait à être appliquée, cette règle créerait une sorte de brevet qui limiterait la mise sur le marché de médicaments génériques abordables.
Des millions de personnes dépendent de la «pharmacie des pays en développement»
Le principe de l’exclusivité des données fait référence à une période (en général cinq à neuf ans) pendant laquelle il est interdit à un pays de s'appuyer sur des données cliniques existantes pour enregistrer un médicament générique. Autrement dit, pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché de leurs propres médicaments, les fabricants indiens de médicaments génériques ne pourront plus se baser sur les données cliniques déjà existantes. Ils devront mener eux-mêmes leurs propres recherches cliniques, au risque d'augmenter sensiblement leur coût de production et, par conséquent, leur prix de vente.
«Introduire cette mesure en Inde serait une erreur colossale. La santé de millions de personnes dans le monde dépendent de ce pays, considéré comme la ‘pharmacie des pays en développement’ », a affirmé Anand Grover, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à la santé.
Grâce aux médicaments indiens, cinq millions de personnes ont pu avoir accès à des traitements contre le VIH/sida. L’Inde a pu produire ces médicaments parce qu’elle ne délivrait pas de brevets sur les produits pharmaceutiques. Mais en 2005, le pays a été contraint de se conformer aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Certaines garanties, notamment celles relatives à la santé publique, on toutefois été préservées ; seuls des médicaments considérés comme ‘nouveaux’ peuvent être brevetés, et non les versions légèrement améliorées d’anciens produits.
«Cette réglementation indienne a longtemps agacé les multinationales pharmaceutiques. Novartis et Bayer ont même essayé de la faire annuler en saisissant des tribunaux indiens», explique Loon Gangte, du Delhi Network of Positive People. «Leurs démarches ont jusque-là été infructueuses. Mais les laboratoires semblent aujourd’hui avoir réussi à convaincre les gouvernements européens de défendre leurs intérêts.»
«Nos vies ont un prix, ne les soldez pas avec cet accord!»
L’adhésion de l’Inde aux règles du commerce international a déjà des conséquences pour de nombreux malades. Certains séropositifs ayant développé des résistances à leur traitement ne peuvent pas avoir accès à des molécules de dernière génération, les malades atteints d’hépatite C ou de cancer également. Plusieurs nouveaux traitements contre ces maladies sont déjà brevetés en Inde, rendant la production de génériques à des prix plus abordables impossible.
Les clauses sur la propriété intellectuelle défendues par l’UE risquent de détériorer une situation déjà difficile. Elles imposeraient des mesures encore plus restrictives sur la production de médicaments génériques. «Ici en Inde, nous dépendons tous de ces génériques pour rester en bonne santé», insiste Rajiv Kafle de l’Asia Pacific Network of Positive People. «Nous ne voulons pas revenir en arrière, à l’époque où nos amis et nos proches mourraient sans pouvoir acheter leur traitement. Nous sommes venus à Delhi pour envoyer un message au gouvernement indien : Nos vies ont un prix, ne les soldez pas avec cet accord.»
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