Des voix discrètes : un aperçu de la réalité de jeunes victimes d'Ituri, une province déchirée par le conflit (DRC)
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République démocratique du Congo (RDC)5 min
Depuis des décennies, la province d'Ituri, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), est en proie à des cycles récurrents de violences. Depuis la mi-février, on assiste à une recrudescence des attaques, dont beaucoup ciblent les civils, faisant de nombreuses victimes, en particulier des femmes et des enfants. En réponse aux besoins médicaux critiques de la population de cette province, Médecins Sans Frontières (MSF) a mis en place en juin 2023 un centre spécialisé dans la chirurgie traumatologique et post-opératoire à l'hôpital de Salama, à Bunia. Un tiers des 863 patient·e·s traité·e·s par les équipes MSF à Bunia entre juin et décembre 2023 étaient des victimes directes de ces violences.
En pénétrant dans l'enceinte de l'hôpital Salama de Bunia, on est immédiatement frappé par cette atmosphère d'effervescence : à l'extérieur, les familles des patient·e·s cuisinent et font la vaisselle dans de grands seaux en plastique ; à l'intérieur, les couloirs sont animés et toutes les chambres sont occupées. De nombreux·ses patient·e·s ont des blessures très visibles - certains portent des fixations externes qui semblent douloureuses sur leurs bras, leurs épaules ou leurs jambes ; d'autres ont des membres dans des plâtres ou des bandages.
Le centre MSF dans l'hôpital de Salama se concentre sur la chirurgie traumatologique et les soins orthopédiques, mais il traite également les victimes de brûlures et d'accidents de la route. Cette décision a été prise en raison du nombre important de ces types de blessures et de l'absence de soins médicaux spécialisés dans d'autres parties de la province.
Alors qu'un médecin nous fait visiter l'hôpital, nous entendons les cris persistants et déchirants d'un enfant. Incapable d'ignorer ce terrible appel, je regarde à travers une porte et vois un petit garçon d'environ cinq ans assis sur un lit, sous une moustiquaire.
« Pourquoi pleure-t-il ? », je demande. Une infirmière explique que le garçon, qui souffre de graves brûlures aux jambes et à la poitrine à la suite d'un accident domestique, veut à tout prix se lever pour vérifier s'il est encore capable de marcher correctement. Mais sa grand-mère, assise à côté de lui, a refusé, respectant à la lettre l'avis des médecins qui lui conseillent de rester au lit, assis ou allongé, les jambes tendues.
Le médecin propose à la grand-mère de laisser l'enfant se servir de ses jambes, ce qui est sans danger pour lui, et elle cède. La grand-mère et l'infirmière soulèvent doucement l'enfant du lit. Prudemment, il traverse la pièce, comme le ferait un vieillard, d'un pas hésitant. Le soulagement sur son visage est palpable. Lorsque nous l'encourageons et l'applaudissons, il est visiblement de meilleure humeur. Lorsque nous quittons la salle en le saluant, il a retrouvé le sourire.
Plus loin dans le couloir, nous rencontrons un autre enfant, Christelle*, deux ans. Elle est blottie dans les bras de sa mère, trouvant du réconfort dans le bruit et l'agitation de l'hôpital. Christelle et sa mère Clarisse* viennent du village de Drodro, qui a récemment été le théâtre de violences intercommunautaires. A première vue, rien ne semble aller mal pour l'enfant, mais sa mère nous raconte leur histoire, une histoire terrible.
Mon enfant a été victime d'une attaque d'un groupe armé dans notre village. Soudain, j'ai vu un groupe d'hommes entrer dans la cour où j'étais assise avec mes cinq enfants et leur grand-mère. Lorsque j'ai réalisé qu'ils étaient armés de fusils et de machettes, j'ai pris peur et j'ai immédiatement rassemblé mes enfants dans la panique. J'ai attrapé la main de ma fille aînée et d'un autre de mes enfants et j'ai couru sans me retourner.
Clarisse marque une pause et reprend son souffle. Visiblement traumatisée, elle poursuit en évitant de croiser le regard de ses interlocuteurs : « J'ai réussi à atteindre la maison de nos voisin·e·s et à y entrer, mais la grand-mère des enfants est arrivée trop tard. Les hommes armés l'ont saisie et lui ont coupé le bras avec une machette. Christelle a crié de peur et a également été blessée par ces hommes sans pitié, qui ont essayé de la tuer à la machette. »
Christelle a été grièvement blessée au dos, aux cuisses et à un bras. Sa grand-mère, sérieusement blessée, a réussi à se réfugier dans la brousse pour se cacher.
« De la fenêtre de la maison, je pouvais voir les hommes armés se diriger vers les maisons de nos voisin·e·s, un peu plus loin dans la rue, raconte Clarisse. Je suis rapidement sortie pour ramener mon enfant blessée à l'intérieur, puis je suis allée chercher la grand-mère, et nous nous sommes à nouveau enfermé·e·s dans la maison jusqu'à tard dans la soirée. Lorsque les hommes armés ont quitté le village, nous avons cherché de l'aide et avons été escorté·e·s par les forces de la MONUSCO (les forces de maintien de la paix de l'ONU) jusqu'au centre de santé MSF à Drodro, d'où nous avons été immédiatement transféré·e·s à l'hôpital ici à Bunia. »
En regardant l'enfant dans les bras de sa mère, je suis choquée par ce qu'elle a vécu. Aucun·e enfant ne devrait subir de telles souffrances et de tels traumatismes. Pourtant, ce sont les femmes et les enfants qui subissent le plus durement le conflit dans l'est de la RDC, avec des exactions horribles commises quotidiennement.
Selon les Nations unies, la RDC est l'une des cinq zones de conflit où le nombre de violations graves à l'encontre des enfants est le plus élevé, avec les Territoires palestiniens occupés, la Somalie, l'Ukraine et la Syrie.
Depuis son ouverture, le projet MSF a joué un rôle important pour sauver des vies tout en offrant des soins adaptés et de qualité pour réduire le niveau de handicaps fonctionnels auxquels les patient·e·s pourraient autrement être confronté·e·s pour le reste de leur vie.
*Noms modifiés
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Ce programme bénéficie du soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC), Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)
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